Mes chères collègues, merci d'être venues pour la présentation de notre rapport d'information, sur lequel j'attends vos remarques.
C'est aujourd'hui la dernière réunion officielle de notre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous avons beaucoup et bien travaillé. La preuve tient dans ce volumineux rapport, dont l'objet est de dresser un bilan des mesures adoptées au cours de cette législature en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, et de leur mise en oeuvre sur le terrain ; il propose également des perspectives pour consolider les progrès que nous avons réalisés.
J'ai proposé aux membres du bureau de la Délégation de mener un travail de bilan. Dans un format de groupe de travail, nous avons mené de nombreuses auditions – Mme la ministre Laurence Rossignol ; les représentants de la Direction générale du travail, le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour n'en citer que quelques-unes.
Nous avons également envoyé des questionnaires à certains ministres – justice, éducation nationale principalement – et effectué plusieurs déplacements, notamment à Bordeaux sur la thématique des violences, ou encore à l'hôpital Bicêtre, dans l'unité d'orthogénie qui nous a présenté le « parcours IVG ».
Je sais que beaucoup d'entre vous attendaient ce panorama des avancées en faveur des droits des femmes, pour à la fois mesurer le chemin parcouru et apprécier les efforts qui sont encore nécessaires. Pour simplifier ma présentation, je suivrai la logique du rapport, qui est structuré en six parties thématiques.
La première partie est consacrée à la nouvelle approche intégrée de 1'égalité et à l'évaluation des politiques publiques pour l'égalité. Il est aujourd'hui indéniable que l'égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité et un axe structurant de l'action publique aux niveaux national, territorial et international.
Au niveau national, l'approche intégrée de l'égalité a prévalu, signifiant qu'au-delà des mesures spécifiques visant à aider les femmes, la promotion de l'égalité passe dorénavant par la mobilisation de toutes les politiques publiques. De fait, depuis 2012, le pilotage de l'action publique a été profondément rénové : premier gouvernement strictement paritaire ; ministère des droits des femmes de plein exercice ; réunion d'un Comité interministériel aux droits des femmes, qui débouchera sur un plan d'action interministériel élaboré sous la houlette de Najat Vallaud-Belkacem ; désignation de hauts ou hautes fonctionnaires à l'égalité dans chaque ministère ; conférences annuelles de l'égalité, avec pour chaque ministère, une feuille de route de l'égalité ; études d'impact dans tous les projets de lois…
Les avancées ont donc été nombreuses, et se sont traduites par une hausse de 50 % des crédits alloués au programme 137 – sachant que ce programme n'est pas le seul budget en faveur des femmes.
Une nouvelle gouvernance a vu le jour, avec des structures qui se sont révélées d'une grande utilité pour notre travail parlementaire, telles que : le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), et le Conseil supérieur de l'égalité qui ont été réinscrits dans la loi en 2016 ; une Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a également été créée.
Nous-mêmes, législateurs et législatrices, avons activement participé à ces avancées. A été adoptée en 2014 la première loi-cadre en matière d'égalité, portée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem et intégrant l'ensemble des dimensions en matière d'égalité. Et, pourquoi ne pas le dire, notre Délégation, ainsi que celle du Sénat, ont été très actives durant cette mandature, notamment grâce à un important travail d'amendement des textes examinés, et grâce à l'organisation de nombreux colloques.
Cette première partie présente également les avancées réalisées dans les collectivités territoriales, notamment à la suite des mesures adoptées dans la loi du 4 août 2014, qui a imposé la présentation d'un rapport sur l'égalité pour les exécutifs des collectivités avant les débats budgétaires. Je me permets, chères collègues, de vous conseiller d'être attentives sur ce point, parce que c'est maintenant que se votent les budgets et que les collectivités, conformément à la loi, devraient rendre ces rapports sur l'égalité.
Enfin, au plan international, Najat Vallaud-Belkacem a permis le lancement d'une nouvelle diplomatie des droits des femmes en intervenant devant la Conférence des ambassadeurs, pour la première fois en 2013. Puis, chaque année, les ministres aux droits des femmes ont représenté la France à New York, à l'occasion des CSW (Commissions on the Status of Women).
À cela, il faut ajouter que l'égalité femmes-hommes a été placée au coeur de la politique française d'aide au développement, dans le cadre d'une stratégie nationale adoptée en juillet 2013, et dont les objectifs ont été réaffirmés dans la loi Canfin. Désormais, 50 % des projets de développement doivent avoir comme objectif principal ou significatif l'amélioration de l'égalité.
Cette nouvelle diplomatie des droits des femmes doit se poursuivre. La nomination d'un ambassadeur à la lutte contre la traite en France, sur le modèle de la Suède, serait à ce titre une très belle avancée.
La deuxième partie de notre rapport concerne une des plus grandes inégalités de genre : les violences faites aux femmes – harcèlement sexuel, violences intrafamiliales, prostitution, cyber-violences.
L'adoption, dès le début du quinquennat, de la loi sur le harcèlement sexuel, sur laquelle la Délégation a travaillé dès juillet 2012 – avec Ségolène Neuville comme rapporteure pour la Délégation – constitue une première avancée fondamentale. Cette loi a été complétée à l'occasion de la loi travail, et par des circulaires d'application. Elle a été relayée par une grande campagne d'information et s'applique désormais, y compris dans la fonction publique. Je précise que cette loi a fait l'objet d'une évaluation par nos collègues Pascale Crozon et Guy Geoffroy, rapporteurs d'information au sein de la commission des Lois.
Sur le terrain, d'autres actions ont été mises en place : le ministère de la défense a mis en place la cellule Thémis ; l'Assemblée nationale a pris elle aussi conscience de l'enjeu, et met actuellement en place un renforcement des dispositifs contre le harcèlement – ce sera fait avant la fin de la législature.
La loi du 4 août 2014 a renforcé les dispositifs de lutte contre les violences, en réformant l'ordonnance de protection, ou encore en généralisant le « téléphone grave danger ».
Nous espérons aujourd'hui que la lutte contre les violences demeurera une priorité et que les résultats de l'enquête VIRAGE, conduite par l'Institut national d'études démographiques (INED), permettront de mieux cerner encore les contours de ces violences intrafamiliales et de les faire enfin disparaître. Nous espérons aussi que ce genre d'enquêtes sera pérennisé, car l'INED a eu beaucoup de mal à réunir le financement nécessaire pour mener l'enquête VIRAGE.
En outre, l'adoption de notre proposition de loi sur la prostitution marque un tournant historique en faisant peser la sanction sur le client plutôt que sur la personne prostituée. La mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution est aujourd'hui très attendue – le décret relatif aux commissions départementales a été publié – et nous espérons que ce dispositif portera rapidement ses fruits.
Le Parlement a adopté de nouvelles dispositions sur l'incrimination du cyber-harcèlement et je suis également fière que nous ayons contribué à l'avancée sur la répression des vengeances pornographiques – revenge porn. Il faudrait encore mentionner notre réflexion, au sein de la Délégation, sur la légitime défense différée et le féminicide, à la suite de l' « affaire Jacqueline Sauvage ».
La lutte contre les stéréotypes sexistes, pour l'éducation à l'égalité, fait l'objet de notre troisième partie. D'importantes avancées ont été obtenues, en particulier dans deux domaines.
Premier domaine : l'éducation, grâce à la loi sur la refondation de l'école, les ABCD de l'égalité – dont je regrette toutefois l'abandon – puis le plan d'action pour l'égalité filles-garçons à l'école et à travers la formation des enseignants sur ce sujet.
Tout au long des travaux de la Délégation sur les études de genre, avec Maud Olivier comme rapporteure, nous est apparue la nécessité de déconstruire les stéréotypes de sexe et de genre, qui sont un véritable obstacle à l'égalité !
Reste un sujet passionnant et un enjeu prioritaire pour les années à venir : l'appropriation par les femmes de l'espace public et la question de leur autonomie. Je lisais ce matin un article tout à fait passionnant sur les cours d'écoles, qui sont fortement « genrées ».
Second domaine : les médias. Plusieurs programmes audiovisuels continuent en effet à véhiculer des stéréotypes sexués, voire des images dégradantes des femmes.
Nous avons contribué à lutter contre ce phénomène, notamment à travers la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle, qui a permis d'importants progrès – en particulier dans le secteur audiovisuel – et a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) une nouvelle mission de veille, de contrôle et de sanction. Le CSA s'est rapidement et efficacement emparé de cette mission – il est venu nous en rendre compte lors d'un colloque. Le CSA représente aujourd'hui un véritable recours contre des émissions ou les attitudes sexistes, et nous avons tous à l'esprit les nombreux signalements et la décision de mise en demeure concernant une émission qui avait donné lieu à plusieurs dérives.
La quatrième partie du rapport aborde les enjeux de santé et les enjeux sociaux, et poursuit notre approche transversale.
Dans le domaine de la santé, plusieurs textes législatifs ont été adoptés pour renforcer le droit fondamental à l'IVG : remboursement intégral de l'IVG ; extension du délit d'entrave jusqu'aux sites internet ; suppression de la référence à l'état de détresse et du délai de réflexion. Ces mesures ont eu de vrais impacts dans les établissements hospitaliers. À Poitiers comme à Paris, les unités d'orthogénie nous ont fait part de leur satisfaction, ces mesures ayant permis de réduire les délais d'accès à l'IVG, d'améliorer l'accueil et de simplifier l'organisation de leur travail.
Nous pouvons également être fiers de notre proposition de résolution parlementaire sur l'IVG, votée à l'occasion du quarantième anniversaire de la loi Veil. Ce texte a en effet marqué durablement l'engagement de la France en faveur de l'accès au droit fondamental qu'est l'IVG, lequel doit, aujourd'hui encore, être défendu et renforcé partout dans le monde.
Plusieurs autres mesures ont été prises pour améliorer la santé des femmes : accès facilité à la contraception, y compris pour les mineures ; mesure quantitative et qualitative des inégalités de santé entre les femmes et les hommes ; lutte contre l'anorexie mentale. Mais des chantiers restent ouverts pour mieux prendre en compte les maladies qui toucheraient particulièrement les femmes ; je pense aux maladies professionnelles ou aux maladies cardio-vasculaires. Ce sont des pistes pour celles et ceux qui nous succéderont.
Sur le plan social, des mesures ont été prises pour lutter contre la précarité des familles monoparentales – à 85 % formées par des femmes – mise en place de la garantie contre les impayés de pension alimentaire (GIPA) en 2014, une excellente réforme ; création d'une Agence de recouvrement des pensions alimentaires ; prime d'activité, favorable aux femmes, portée à l'Assemblée par notre collègue et ancien vice-président de la Délégation, Christophe Sirugue.
Enfin, l'adoption en 2014 de la loi sur l'avenir des retraites a permis d'améliorer le niveau des pensions de retraite des femmes et de réduire l'écart avec celui des hommes – en particulier par la prise en compte des trimestres de maternité. En 2004, cet écart était de 45,4 % ; en 2014, il s'établissait à 39,3 %. Nous progressons donc, mais nous devons continuer nos efforts.
Ces retraites dépendent principalement de la carrière des femmes. C'est pourquoi l'égalité professionnelle est un combat fondamental. Ceci est l'objet de la cinquième partie du rapport.
Les motifs de satisfaction sont nombreux mais, là encore, il faut garder à l'esprit que l'égalité réelle n'est toujours pas atteinte et qu'il faut continuer à oeuvrer pour la faire progresser. Rappelons toutefois les nombreuses avancées réalisées sous la législature : la création de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), avec la loi du 4 août 2014 ; le développement de l'offre d'accueil du jeune enfant, dont le directeur général de la CNAF nous a récemment parlé en audition ; les efforts pour scolariser les enfants de moins de trois ans ; les contreparties obtenues au travail du dimanche et en soirée dans les zones touristiques à l'occasion de l'adoption de la loi Macron.
Les obligations professionnelles des entreprises ont également été renforcées avec le décret du 18 décembre 2012, qui vient sanctionner financièrement les entreprises défaillantes sur le plan de l'égalité professionnelle ; ou encore la loi du 4 août 2014 qui a conditionné l'accès à la commande publique au respect des obligations en matière d'égalité professionnelle. De plus, la lutte contre le sexisme dans le milieu professionnel avance avec l'interdiction posée dans le code du travail.
L'examen de la loi dite « Rebsamen », qui a mobilisé notre Délégation, a finalement permis d'intégrer dans la base de données économiques et sociales (BDES) l'ensemble des items présents dans l'ancien rapport de situation comparée (RSC), tout en s'appliquant aux entreprises dès 50 salariés. Ce fut l'objet de très vives polémiques, et Sandrine Mazetier, notre rapporteure, a dû se battre pour y parvenir. L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est ainsi présente dans l'ensemble des blocs de la négociation collective ; c'est maintenant aux partenaires sociaux et aux syndicats de s'emparer de la question.
Enfin, je tiens à dire ici que le fameux socle des 24 heures hebdomadaires minimales pour les contrats à temps partiel, même s'il peut faire l'objet de trop nombreuses dérogations négociées par branche, constitue un progrès indéniable.
Sixième et dernière thématique abordée dans le rapport mais non des moindres : la parité, qui a largement progressé dans notre pays. De nombreuses mesures ont ainsi visé un partage plus juste du pouvoir et instauré la parité.
Sur le plan politique, l'adoption de la loi du 17 mai 2013 sur l'élection des conseillers départementaux représente une petite révolution, avec la mise en place des « binômes ».
La loi du 4 août 2014 a doublé les pénalités pour les partis politiques ne respectant pas la parité pour les élections législatives. Les prochaines élections ayant lieu au mois de juin cette année, on peut espérer que le dispositif sera efficace.
Enfin, l'interdiction du cumul des mandats, favorable aux femmes, est enfin posée – même si l'on entend encore dans l'hémicycle, au moment des questions d'actualité, des « nostalgiques » du cumul des mandats.
La sphère économique et sociale est aussi concernée avec, par exemple, dans la haute fonction publique, l'application dès 2017 de l'obligation des 40 % de femmes dans les flux de nomination. En outre, de nombreux organismes, tels que les chambres de commerce et d'industrie ou encore les fédérations sportives, ont été contraints d'instaurer la parité.
Je ne voudrais pas être trop longue – même si l'ampleur des sujets sur lesquels nous avons travaillé durant ces cinq années est très difficile à résumer en quelques minutes. Pour plus de détails, je vous renvoie à la lecture de ce riche rapport qui comportera également un deuxième tome avec plusieurs annexes – liste et comptes rendus des auditions, liste des rapports de la Délégation, récapitulatif des décrets d'application de la loi du 4 août…
Je tiens à souligner, pour conclure, qu'au-delà de ce travail législatif, la Délégation aux droits des femmes a également tenu son rôle d'évaluation et d'accompagnement des politiques publiques : déplacement à Mayotte, à la demande d'Ibrahim Aboubacar, avec Virginie Duby-Muller et Monique Orphé ; déplacement à l'international de plusieurs membres de la Délégation et rencontre avec des personnalités d'avenir envoyées par le ministères des affaires étrangères – en lien avec le groupe d'études « Genre et droits des femmes à l'international » que j'ai eu le plaisir de présider, en parallèle de la Délégation, avec Axelle Lemaire.
Je crois que nous pouvons être fiers de ce bilan, de l'ampleur des réformes obtenues, et du travail continu fourni par notre Délégation qui n'a eu de cesse d'être à la fois une vigie et un aiguillon.
À cet égard, je voudrais rappeler que notre Délégation a produit 30 rapports au cours de cette législature, mené d'importants travaux sur plusieurs projets de loi, auditionné à vingt et une reprises des ministres ou des secrétaires d'Etat et déposé de multiples amendements. Nos travaux ont d'ailleurs reçu un écho croissant dans les médias.
Je voudrais aussi vous dire combien j'ai été fière d'oeuvrer comme présidente de notre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour faire avancer la cause de l'égalité à vos côtés, dans ce même combat. Et aujourd'hui, il me semble que la question de l'égalité est devenue centrale pour l'ensemble de la classe politique. J'espère que l'avenir ne nous démentira pas.
Je ne pourrais terminer sans remercier le secrétariat de la Délégation, ainsi que l'Assemblée, qui en a renforcé les moyens. La Délégation aux droits des femmes est aujourd'hui un service reconnu pour la qualité de son travail.
Je ne saurais oublier non plus nos collaborateurs et collaboratrices parlementaires, que j'ai autorisés à assister à nos réunions. Je tiens à leur rendre hommage pour leur travail formidable… qui n'avait rien de fictif. Ce travail est non seulement réel, mais indispensable.
Dans cette configuration, avec les membres de la Délégation, dont l'implication a été forte, nous pouvons légitimement nous délivrer un satisfecit. (Applaudissements.)
Mais je vous propose maintenant une courte suspension, qui nous permettra de nous rendre en séance publique pour participer à un vote.