Merci de cet exposé, monsieur le Premier ministre. Les choses que je vais vous dire ne sont pas agréables, mais j'ai plaisir à vous retrouver : vous êtes un homme sincère, honnête, convaincu, et c'est au fond l'essentiel.
Alors que l'abaissement de 40 à 39 heures de la durée du travail hebdomadaire, au début des années 1980, puis l'abaissement en 1983 de 65 à 60 ans de l'âge de la retraite, n'avaient eu aucun effet sur le chômage, bien au contraire, pourquoi moins de vingt ans plus tard avez-vous conservé la même logique, d'après laquelle le partage du travail résoudrait le chômage, d'après laquelle moins on travaille, mieux se porte la société ? Beaucoup savent très bien pourtant que plus on travaille, plus il y a de travail, pour soi-même et pour les autres.
Pourquoi avoir étendu les 35 heures aux trois fonctions publiques, alors que vous disiez qu'il s'agissait pour vous de redresser les comptes de la Nation ? Pourquoi avoir ainsi délibérément augmenté la dépense publique de l'État, des collectivités locales et des hôpitaux qui, de surcroît, se sont trouvés désorganisés, ce que personne ne conteste ? Les solutions qui ont suivi n'ont été que des palliatifs, comme le compte épargne-temps, dont les hôpitaux ne savent pas eux-mêmes comment le gérer. Pourquoi avoir ainsi aggravé la situation des comptes de l'assurance maladie ?
Vous avez évoqué le grand nombre de négociations dans les entreprises. Mais elles y étaient contraintes ! La loi a été votée avant toute concertation avec les partenaires sociaux, ce qui a entraîné un blocage des salaires et une désorganisation – puis une réorganisation, devenue inévitable – de nos entreprises.
Les faits sont têtus. Les deux missions parlementaires consacrées à la compétitivité de l'économie française et aux coûts de la production en France ont clairement démontré que c'est à partir du début des années 2000 que la compétitivité de notre pays a décroché. Peut-être trouverez-vous une autre explication. Mais ce fait n'est pas contesté.
Vous avez évoqué les congés RTT, et vous en faisiez une chose extraordinaire. Êtes-vous conscient que, dans le monde entier, les 35 heures font rire ? Savez-vous que, dans le monde entier, le salarié français est considéré comme n'attendant que ses RTT ? Vous rendez-vous compte de la pression qui a ainsi été exercée sur les cadres ? Le salarié n'a plus le temps de souffler, car il doit produire davantage dans un temps plus restreint ; il n'a plus le temps de réfléchir, de prendre de la hauteur pour voir comment il peut améliorer le process et rendre son entreprise plus compétitive. Pensez-vous que l'on puisse négliger ces aspects au point de célébrer – comme vous le faites – les RTT comme une avancée globale pour notre pays ?
Votre jugement sur le coût des RTT, si je le respecte, n'est pas partagé. Les compensations mises en place par votre Gouvernement – qui avait bien reconnu que la réduction du temps de travail allait alourdir le coût du travail – sont d'environ 15 milliards d'euros par an. Le coût des RTT dans les fonctions publiques – dépense publique directe – est énorme. Si le chômage a baissé, si vous évoquez des performances économiques globalement bonnes durant cette période, vous ne pouvez pas nier qu'il y avait alors une reprise extrêmement puissante de l'économie mondiale, et en particulier de l'économie européenne.
Qu'avez-vous fait de cette croissance ? Pourquoi avoir préféré les 35 heures à des réformes de structure, qui auraient préparé notre pays aux défis de l'avenir ? Pourquoi ne pas avoir réformé nos régimes de retraite, alors que plusieurs rapports, alors sur la table, indiquaient clairement ce qui allait advenir ?