Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 9 octobre 2014 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges :

Durant la période du passage aux 35 heures, je n'étais pas élu, mais salarié d'une grande entreprise. Je fais partie des rares députés qui un jour ont fréquenté l'entreprise, et j'ai eu à mettre en place les 35 heures – certes dans une très grande entreprise, donc sans les difficultés majeures qu'ont pu connaître les PME.

La période d'observation ne s'arrête pas à 2002. Il faut se demander si cette réforme était tenable dans la durée. Si l'on crée des emplois-jeunes, le lendemain, des emplois sont créés ! C'est très facile. Mais est-ce durable ?

Y a-t-il eu une étude d'impact ? Vous avez été surpris, je crois, par la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997. Or vous incluez la réduction du temps de travail à votre programme pour les élections législatives, et c'est certainement ce qui vous a permis de les remporter – 35 heures payées 39, c'est plutôt attrayant.

Chacun peut refaire l'histoire comme il veut et comparer des choses qui ne sont pas comparables. Aujourd'hui, d'ailleurs, le Président de la République nous dit que la situation est idyllique, mais les chiffres nous disent le contraire ! Mais si tout allait si bien, comment avez-vous pu perdre l'élection présidentielle de 2002 ? Les électeurs n'auraient-ils pas bien compris quelque chose ?

À partir de 2002, la balance commerciale de l'Allemagne est de plus en plus positive, et celle de la France se dégrade continûment : aujourd'hui, les Allemands ont un excédent de 170 milliards quand nous avons un déficit de 60 milliards. Ainsi, nos routes se séparent à partir de 2002, qui est aussi l'année de la création de l'euro : jusque-là, il était possible de dévaluer le franc ; cette variable d'ajustement disparaît. L'entrée dans l'euro a-t-elle été prise en considération lors de la mise en place des 35 heures ? La monnaie européenne est aujourd'hui au centre des débats économiques ; je ne voudrais surtout pas que cet argument soit repris par le Front national, mais certains disent, de façon trop simple, qu'il suffirait de revenir au franc et de dévaluer pour redevenir compétitifs.

Enfin, vous avez raison de dire que, si tout le monde critique les 35 heures, elles n'ont pas été remises en cause au cours des deux législatures suivantes. Néanmoins, la loi du 4 août 2008 supprime effectivement les 35 heures : on peut travailler plus longtemps ; c'est désormais simplement le seuil à partir duquel sont calculées les heures supplémentaires. C'est un grand changement.

J'avais consacré un rapport, lors de la législature précédente, avec notre collègue socialiste d'alors Jean Mallot, aux dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l'article premier de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA. Nous avions constaté que la défiscalisation des heures supplémentaires n'avait pas eu pour effet d'augmenter le nombre d'heures travaillées : de ce point de vue, la mesure prise par le Gouvernement Fillon a échoué. La conclusion de notre rapport était que qu'un seuil généralisé de 35 heures n'avait pas de sens, et qu'il faudrait négocier, branche par branche selon M. Mallot, entreprise par entreprise selon moi. Il n'y a pas deux entreprises qui ont les mêmes contraintes ! Ne faudrait-il pas laisser la fixation de la durée de travail à la négociation des partenaires sociaux ?

Si, demain, vous étiez à nouveau Premier ministre, quelles modifications apporteriez-vous à cette réforme, ne serait-ce que pour que l'on cesse d'attribuer tout ce qui ne va pas aux 35 heures ?

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