Intervention de Antoine Godbert

Réunion du 27 mai 2014 à 16h15
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Antoine Godbert, directeur de l'Agence Europe-éducation-Formation-France, 2E2F :

Nous avons décidé d'offrir à un nombre de plus en plus important de jeunes Français la possibilité d'aller se former dans tous les pays du monde, et non plus seulement dans les pays européens. Dans cet esprit, l'Agence 2E2F deviendra dans quelque temps l'Agence Erasmus+ Éducation et formation.

L'Agence 2E2F a pour partenaire l'Agence Erasmus+ Jeunesse et sport, qui, depuis les années 1980, prend en charge les mobilités des plus jeunes. Fondée en 1995, elle s'est installée au début des années 2000 à Bordeaux, où elle a successivement assumé la promotion des programmes Socrates, Leonardo da Vinci et Erasmus et, de 2007 à 2013, du programme Éducation et formation tout au long de la vie.

En 2013, l'agence a financé 75 000 mobilités, dont une moitié concerne des étudiants et l'autre moitié des apprentis, des adultes et tous ceux qui souhaitent acquérir des compétences par le biais d'une mobilité dans un autre pays.

En plus de gérer les fonds octroyés par l'Union européenne pour financer les bourses accordées aux personnes qui désirent se former à l'étranger, l'agence assure la promotion des programmes européens. Elle a, en outre, pour mission de faciliter l'articulation entre les politiques éducatives nationales et les volontés stratégiques de l'Union européenne.

De 2007 à 2013, le nombre des mobilités est passé de 40 000 à 75 000, le nombre d'étudiants concernés passant de 28 000 à 43 000, ce qui traduit une nette augmentation des effectifs concernés.

Nous espérons d'ici à 2020 atteindre les objectifs ambitieux fixés par l'Union européenne, à savoir le passage par la mobilité de 20 % des jeunes poursuivant des études supérieures et de 6 % des jeunes en formation professionnelle.

L'agence consacre 120 millions d'euros à ces 75 000 mobilités. Après la négociation en trilogue de 2013, le programme Erasmus+ verra son budget augmenté de 40 % à l'horizon 2020. Nous utiliserons cette augmentation de la façon la plus rationnelle possible afin de correspondre aux nouveaux impératifs stratégiques de l'Union européenne, aux souhaits de nos ministères de tutelle – ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche, et ministère du Travail, de l'emploi et de la formation professionnelle – ainsi qu'aux informations stratégiques que nous transmet le ministère des Affaires étrangères.

Si la demande du public étudiant est très forte, il convient sans doute d'aider plus concrètement les publics qui sont moins informés de l'intérêt d'une mobilité. Notre vocation consiste à aider les étudiants à acquérir des compétences spécifiques ainsi que des compétences non formelles, mais elle consiste également à accompagner les publics qui, pour des raisons sociales ou culturelles, ne sont pas attirés par la mobilité.

Nous devons ainsi faciliter la mobilité des apprentis. La mobilité via le suivi d'un stage, qui n'existait pas avant 2006, enregistre aujourd'hui une très forte progression – plus de 25 % par an, contre 6 % pour les mobilités classiques – ce qui témoigne de l'appétence des jeunes pour les entreprises situées hors de France.

Le système, créé en 1987 et renforcé dans les années 1990, a connu un très fort développement dans les années 2000. Il devait permettre à chacun d'entre nous, quelle que soit sa position économique, sociale ou culturelle, d'acquérir à la fois des compétences académiques et des compétences non formelles – capacités d'adaptation, apprentissage de langues étrangères, travail en équipe.

Mieux doté sur le plan budgétaire, le nouveau programme Erasmus+ devrait nous permettre de susciter l'intérêt des chercheurs. Dans ce but, nous avons récemment lancé une revue, le Journal of International Mobility. Selon certaines études, la mobilité – devenue une discipline scientifique qui intéresse désormais les démographes et les économistes et non plus simplement les spécialistes des sciences de l'éducation – devrait augmenter de 25 à 30 % d'ici à 2020.

Le nouveau programme offre également aux 51 agences des trente-trois pays qui composent Erasmus+ la possibilité de financer des partenariats stratégiques. Il apparaît dans nos études qualitatives que les jeunes préfèrent l'Australie à la Slovaquie. Il est important que nous en connaissions les raisons. Quoi qu'il en soit, bien que nous entretenions de bonnes relations avec différents centres d'études comme le Céreq – Centre d'études et de recherches sur les qualifications –, nous détenons peu d'éléments quantifiables, et les statistiques propres à Erasmus+ ne sont que l'une des composantes de l'attractivité, extérieure ou intérieure, d'un pays.

Le système d'échanges est plutôt positif, puisque nous enregistrons plus d'étudiants qui viennent en France que d'étudiants qui en sortent. Cette année, notre pays a reçu 280 000 étudiants, ce qui le place au troisième rang mondial en matière d'attractivité.

Cette ouverture au monde qui ressort de plus en plus fortement de nos enquêtes qualitatives est à mettre en parallèle avec les difficultés que nous rencontrons pour convaincre ceux qui viennent d'un univers moins diplômé et sont moins informés. Le programme Erasmus+ est destiné aux étudiants, aux apprentis et aux formateurs. L'objectif quantitatif pour 2020 fixe à 800 000 ou 900 000 le nombre des formateurs qui partiront en mobilité en 2020 – ils sont huit fois moins nombreux aujourd'hui – sur un total de 4 millions de personnes. Ce chiffre est à comparer aux 3,3 millions d'étudiants qui en bénéficient depuis 1987. Pour atteindre cet objectif, le budget consacré à la mobilité bénéficiera d'une augmentation de 40 %.

Nous constatons une dichotomie entre les étudiants classiques qui entendent effectuer leur mobilité dans le monde entier, particulièrement en Chine, au Brésil, en Australie et au Canada, et ceux qui n'ont pas reçu la même formation et inscrivent leur mobilité dans un cadre souvent limité à l'Europe.

Je rappelle que le système Erasmus a été mis en place pour permettre aux jeunes Français d'acquérir des compétences individuelles, mais aussi pour créer de la valeur ajoutée territoriale et développer un sentiment d'appartenance à la citoyenneté européenne. Pour cela Erasmus+ nouera des partenariats stratégiques associant des entreprises, des collectivités et des acteurs académiques autour de projets susceptibles de développer un territoire.

En revanche, ce n'est qu'à l'automne 2014 que nous saurons si nous pouvons mettre en oeuvre la dimension internationale du programme et que nous définirons des priorités géographiques, qui pourront être le voisinage de l'Europe, les grands pôles dominant économiquement ou l'Afrique.

Avec mes 90 collègues chargés de gérer les 120 millions d'euros dédiés à la mobilité, nous pensons que le programme Erasmus n'a pas pour but d'encourager les personnes bénéficiant d'une mobilité à s'exiler mais, bien au contraire, à revenir en France après avoir acquis des compétences.

Je citerai trois enquêtes que l'agence a réalisées au cours des derniers mois. La première, menée avec l'Institut TNS Sofres sur l'image d'Erasmus, montre que plus de 80 % des Français, et 90 % des plus jeunes, connaissent le programme. À nous de faire en sorte qu'ils puissent en profiter.

Les deux autres études, réalisées par le Céreq, portent sur la mobilité des chercheurs d'emploi et des apprentis. Elles font apparaître qu'une personne qui a effectué une mobilité Erasmus, Grundtvig, Leonardo da Vinci ou Youth in action divise par trois le temps qu'il lui faudra pour retrouver un emploi et qu'un apprenti qui a effectué une mobilité européenne a plus de chances d'être embauché à un niveau supérieur qu'un apprenti qui serait resté en France. Ces résultats sont encourageants. Selon les études du Céreq, réalisées avec l'Université de Poitiers sur les cohortes 2001, 2004 et 2007, le nombre de ces mobilités, après une décroissance en 2004, a connu un essor en 2007 avec le départ de 0,7 % d'une classe d'âge.

Les entreprises à l'étranger attirent énormément les jeunes, mais si nous voulons que la France conserve son attractivité en matière d'enseignement supérieur, nos entreprises devront entrer de plein pied dans le système, faute de quoi nous n'aurons pas de stages à proposer aux étrangers.

C'est l'un de nos sujets de préoccupation, mais nous espérons que les partenariats stratégiques inciteront les représentants des PME et les collectivités à nous aider à renforcer l'attractivité de notre pays vis-à-vis des apprentis et des professionnels des autres pays, tout en préservant la tradition française qui entend préserver l'équilibre entre le nombre des entrants et le nombre de ceux qui partent.

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