Un effort important a été fait dans le domaine de la coordination du renseignement. En tant que représentants de la nation, vous serez sans doute sensible à ce que je vais dire. Longtemps, notre organisation républicaine, en matière de sécurité et de renseignement, a cherché la duplication, pour avoir la certitude de la redondance, et le cloisonnement, pour éviter le débordement. Or la lutte contre le terrorisme implique un décloisonnement, d'une part, dans le domaine du renseignement, notamment en faisant collaborer plus étroitement les services, et, d'autre part, dans celui de la sécurité intérieure, en facilitant les liens entre la police, la gendarmerie, le RAID, le GIGN et éventuellement les militaires. Il est donc nécessaire de repenser les choses, sans pour autant aller forcément à l'encontre de ce qui fait la spécificité et le métier de chacun des services. Ainsi, au plan juridique, les renseignements doivent demeurer polarisés, d'un côté, sur le territoire national et, de l'autre, sur la problématique internationale. En matière de terrorisme, il faut que ces services travaillent mieux ensemble, grâce à des officiers de liaison, des cellules d'analyse et de traitement et des bases de données. Des moyens ont été alloués à cette fin. Ce qu'il faut, c'est encore améliorer la capacité d'analyse du renseignement et le traitement automatique de certaines données pour que les signalements soient plus rapides. Il convient également – cela fait partie du retour d'expérience – de mieux associer les services qui peuvent collecter du renseignement au plan territorial et d'incorporer le renseignement pénitentiaire.
S'agissant de l'appréciation de la menace, nous faisons un travail de back-office. Nous avons en effet accès à presque toutes les sources de renseignement, de sorte que nous offrons aux autorités politiques, dans des synthèses hebdomadaires, une bonne connaissance de la menace générale, qui permet d'éclairer les décisions ou de favoriser la prise de conscience des responsables, par exemple le réseau des hauts fonctionnaires de défense et de sécurité, de la nature de la menace. Par ailleurs, dans les domaines très opérationnels, la logique est celle du confinement et les chaînes sont nécessairement « verticalisées ». Un grand brassage de l'information est donc impossible. Du reste, ce n'est même pas le rôle du coordonnateur national du renseignement, qui est là pour éclairer le Président de la République. Le détail opérationnel relève de la responsabilité du ministre de l'intérieur, du procureur de la République ou des juges. Notre rôle est celui d'un back-office qui livre une appréciation de la menace, en évitant bien entendu de compromettre des éléments d'information et de nuire ainsi à une enquête ou à la traque menée par un service de renseignement.