Je commencerai par vous présenter l'organisation de la PAF.
La direction centrale de la police aux frontières est une direction de police spécialisée qui porte ce nom depuis 1999. Elle s'appelait auparavant DICCILEC et, avant 1973, était une sous-direction de la police de l'air et des frontières qui appartenait au grand service des Renseignements généraux. Avant les accords de Schengen, la PAF tenait 181 postes frontières.
Cette direction centrale compte 10 300 fonctionnaires parmi lesquels 8 500 sont actifs et interviennent tant sur le territoire métropolitain qu'outre-mer – Polynésie, Nouvelle Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon… Elle est divisée en sept directions zonales – six pour le territoire métropolitain et une pour les territoires ultramarins –, elles-mêmes subdivisées en directions interdépartementales, directions départementales et services PAF.
Les décrets d'organisation de la PAF, publiés le 12 avril dernier, nous permettent d'augmenter nos capacités de projection, de traitement des flux migratoires – dans les zones frontalières mais aussi à l'intérieur du territoire puisque la frontière est devenue une notion des plus mouvantes.
Des directions départementales, quant à elles, agissent dans le cadre du département en raison de contentieux spécifiques – c'est le cas des Alpes-Maritimes, de l'Oise, de la Savoie, de départements ultramarins…
Nous disposons par ailleurs d'un service national de police ferroviaire, chargé de la sécurité des lignes et qui effectue des patrouilles communes avec les services étrangers, enfin de dix bureaux de police aéronautique.
Le contrôle transfrontière, l'une des missions de la PAF, est effectué en commun avec la DGDDI, à savoir la douane. Il s'agit de contrôler les documents, de prendre – surtout en ce moment – des mesures de non-admission sur le territoire français, que ce soit par voie aérienne, ferroviaire, terrestre ou portuaire.
Nous devons ensuite lutter contre l'immigration irrégulière et démanteler les filières – 251 l'ont été en 2015 par l'OCRIEST, l'un des seuls offices, au sein de la PAF, qui n'appartient pas à la police judiciaire.
Nous sommes également chargés de la sûreté des moyens de transport – en particulier aéroportuaires –, secteur que nous partageons avec la DGAC.
Nous intervenons aussi en matière de police aéronautique concernant les accidents aériens et le contrôle des espaces aériens dans le cadre de missions spécifiques que nous confient les préfets.
En outre, un vivier d'une centaine d'experts, sous l'égide de FRONTEX, sont engagés, dans le cadre du renforcement des frontières extérieures, en Grèce, en Italie et dans d'autres pays européens dans lesquels l'Agence demande le soutien des experts français, qu'ils soient screeners, debriefers voire experts en fraude documentaire.
Nous animons par ailleurs le réseau des officiers de liaison en poste dans les pays sensibles – Afrique de l'Ouest, Grèce… – où il est attesté que de nombreuses personnes, munies de faux documents, tentent de prendre l'avion pour la France. Aussi nos agents procèdent-ils aux contrôles pré-embarquement.
Enfin, avec nos principaux voisins européens, nous animons les dix centres de coopération policière et douanière, vecteurs d'échanges d'informations et qui parfois organisent les réadmissions ou les procédures des patrouilles mixtes qui opèrent à nos frontières. La PAF est en effet chargée d'appliquer les procédures d'éloignement forcé lorsque des personnes en situation irrégulière ont été interpellées sur notre territoire.
J'en viens à notre action en 2015. Depuis la fin de 2014, jamais la PAF n'avait été confrontée à une telle crise migratoire. Près de 1,8 million de personnes sont entrées dans l'espace Schengen, selon les chiffres FRONTEX, dont 157 000 en Italie. Notre proximité avec ce pays a entraîné la mise en place d'un dispositif important destiné à endiguer cette vague migratoire. Vous savez en outre quelle est la situation dans le Calaisis où 6 000 migrants, répartis entre Calais et Dunkerque, essayent de franchir la frontière pour se rendre au Royaume-Uni.
L'année 2015 a également été marquée par l'organisation de la COP21 et, bien sûr, par les terribles attentats des 7, 8 et 9 janvier et du 13 novembre 2015.
Comment le contrôle aux frontières était-il organisé dans ce contexte ? Avant 2015, à savoir avant les attentats, il était régi par les dispositions du code des frontières Schengen, en particulier par son article 7-2 – devenu par la suite l'article 8 – qui prévoit le principe d'une vérification minimale pour les ressortissants des États membres et d'une vérification systématique pour les ressortissants des pays tiers. Le projet du PNR était déjà envisagé mais il était bloqué par le Parlement européen et en particulier par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE).
Pour le reste, les contrôles étaient effectués dans la bande des vingt kilomètres, comme le prévoit le code de procédure pénale.
Par ailleurs, suite à un accord entre le ministre de l'intérieur et son homologue turc, définissant une procédure concernant les djihadistes revenant de Turquie, il a été permis la récupération de 89 d'entre eux en 2015 et de 6 autres depuis le début de l'année 2016.
La loi du 13 novembre 2014 a pour sa part créé l'interdiction administrative du territoire (IAT) et l'interdiction de sortie du territoire (IST), qui s'appliquent aux individus, qu'ils soient mineurs ou majeurs, dont il est avéré qu'ils souhaitent se rendre en des lieux où l'on pratique le djihad. Au moment où je m'exprime, les fichiers comptent 319 IST et 115 IAT.
S'y ajoutent les missions « vols entrants » que la PAF effectue avec la DGAC et la GTA et qui visent à s'assurer que, dans les pays sensibles, les mesures de sûreté sont bien prises par les compagnies aériennes et par les compagnies de sûreté. Un décret du 3 avril 2015 nous donne la possibilité d'exiger que des mesures additionnelles soient prises par ces compagnies de façon à s'assurer que les vols provenant d'aéroports étrangers sensibles puissent être contrôlés selon des normes se rapprochant des nôtres.
Le système SETRADER, créé en 2013, a été renforcé depuis les attentats. Il remplissait, d'une certaine manière, les fonctions du PNR puisqu'il était fondé sur l'exploitation des données d'enregistrement – alors que le PNR prendra en compte les données de réservation – permettant un criblage FPR concernant 38 pays sensibles – dont la liste a été établie par les services anti-terroristes –, 15 aéroports et 46 compagnies aériennes.
À la suite des attentats des 7, 8 et 9 janvier, le contrôle des 22 aéroports dont nous sommes chargés a été renforcé – il s'agit des grands aéroports parisiens et de ceux de Toulouse, Nice, Marseille, Bordeaux… celui de Montpellier relevant de la compétence des douanes. Depuis la commission des attentats jusqu'à la neutralisation des terroristes, il fallait s'assurer qu'ils ne puissent fuir le pays ou que d'autres terroristes ne viennent de l'étranger. Les patrouilles dynamiques effectuant des contrôles dans la bande des vingt kilomètres ont été mobilisées. Au moment des attentats, près de 4 000 personnels de la PAF se sont positionnés sur les vecteurs terrestres, ferroviaires et aéroportuaires.
Après les attentats, la France a fait valoir sa volonté de relancer la procédure de contrôle systématique des personnes souhaitant entrer dans l'espace Schengen. Je me souviens avoir participé à plusieurs réunions, avec mes homologues, en février 2015, visant à déterminer des critères pour chaque pays. Cette procédure est en vigueur depuis peu. De plus, des mesures ont été prises – elles ont été sensiblement renforcées depuis – concernant le contrôle des badges et des habilitations. Bien avant le déclenchement de l'état d'urgence, nous avons en effet commencé à contrôler l'ensemble des personnes pourvues d'un badge leur permettant d'accéder aux zones réservées des aéroports. Puis le projet du PNR a été relancé.
À la demande du ministre de l'intérieur, nous avons commencé à étudier les hypothèses de rétablissement de contrôle aux frontières qui, vous l'imaginez, est de nature à mobiliser d'énormes moyens. Nous avons présenté nos propositions à la Commission européenne dans la perspective de l'organisation de la COP21.
C'est dans ce contexte qu'est survenue la tentative d'attentat du Thalys du 21 août 2015, au cours de laquelle le dénommé Khazzani, venant de Bruxelles, a cherché à s'attaquer aux autres passagers. Des mesures ont dès lors été décidées que reprend la loi Savary mais qui déjà permettaient la sécurisation permanente des 28 Thalys quotidiens. Le dispositif a été renforcé par l'installation de portiques par la SNCF dans le sens France-Belgique. Par ailleurs, les patrouilles ferroviaires mixtes ont été intensifiées, notamment avec l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne.
Après les attentats du 13 novembre, les autorités ont décidé de rétablir le contrôle aux frontières. Nous y étions du reste tout à fait prêts puisque, au même moment, commençait la COP21. Nous en avions déjà informé la Commission européenne et, lorsque le Président de la République a déclenché l'état d'urgence et prescrit le rétablissement du contrôle aux frontières, nous en étions déjà, pour notre part, à la phase 3. Cette procédure concernait 285 points de passage autorisés (PPA). Je rappelle que les PPF concernent une frontière extérieure – aéroports, ports des façades nord, ouest et sud – et que les PPA – terrestres, ferroviaires ou aériens – s'appliquent aux frontières intérieures, à savoir celles qui nous séparent de nos voisins immédiats. Juste avant les attentats du 13 novembre, la PAF a ainsi mobilisé 5 000 agents, auxquels s'ajoutaient les agents des douanes chargés de 71 PPA. Et, en profondeur, c'est-à-dire dans la bande des vingt kilomètres, une action a été menée à la fois par les services de sécurité publique et de douane et par trois compagnies républicaines de sécurité mises à disposition du directeur zonal de la PAF du Nord, pour tenir les 15 points frontières déclarés comme PPA.
Pour ce qui est des renforts d'effectifs, nos services ont bien sûr modifié leurs méthodes puisque nous avons décidé – de notre propre initiative – de contrôler 100 % des voyageurs provenant de pays extracommunautaires, mais aussi tous les ressortissants de l'UE en provenance de pays hors Schengen. Dans les aéroports de province, nous contrôlons tous les passagers empruntant des vols Schengen et, à Roissy et à Orly, compte tenu de l'importance du nombre de vols et, par conséquent, pour ne pas bloquer ces grandes plateformes aéroportuaires, nous contrôlons entre 30 et 40 vols Schengen par jour à Roissy et une vingtaine de vols sensibles par jour à Orly.
Toujours dans les aéroports, dans la perspective de l'Euro 2016, le nouveau schéma national d'intervention de la police nationale sera bientôt complètement opérationnel. Des exercices impliquant l'ensemble des services de la PAF ont été menés avec le RAID afin de réagir en cas de tuerie de masse. Les services sont en train de recevoir, avec des équipements spécifiques, 112 HK G36, utilisant des munitions de 5,56 millimètres. Les formations à l'emploi de cette nouvelle arme sont en train de s'achever. En outre, une nouvelle formation est dispensée pour les primo-intervenants. Aux effectifs de la PAF s'ajoutent ceux du dispositif Sentinelle, renforcés depuis le 13 novembre – ainsi, 289 militaires sont déployés dans les différents aéroports.
Quelque 400 fonctionnaires vont gonfler les rangs de la PAF à la faveur des différents plans définis par le Président de la République et par le ministre de l'intérieur.
Enfin, le fameux PNR, dont la France avait décidé de se doter depuis 2014, a entraîné la dévolution d'effectifs spécifiques sur les sites dédiés.