Il ne faut pas confondre les outils et oublier le rôle de la justice: c'est elle qui dirige les enquêtes. On ne peut pas faire n'importe quoi au motif que des attentats viennent d'être perpétrés. Il est important de garder aux outils leur vocation, ce qui n'empêche pas d'en créer de nouveaux en cas de besoin. Si la fiche S est un moyen de signalement et d'échange d'informations entre les services de renseignement, informations qui vont peut-être permettre de détecter des actions terroristes, il ne convient pas d'en faire un outil d'interpellation. Pour cela, ou l'on institue un nouveau système de fiches ou bien l'on inscrit les individus concernés au FPR avec un code établissant une fiche PJ permettant l'interpellation. Il y a aussi cette possibilité qui sera offerte d'une retenue de 4 heures dans un cadre bien précis.
Lorsqu'un attentat est commis et que nous disposons d'un signalement suffisamment précis pour être versé au FPR, nous utilisons en effet un autre code, celui des fiches PJ qui, je le répète, permet, le cas échéant, d'interpeller une personne impliquée dans une affaire judiciaire. La fiche S a une vocation et si l'on souhaite lui en donner une nouvelle, il convient de revoir le dispositif. Il faut en outre bien prendre en compte les réticences de certains de nos partenaires à l'idée de procéder ainsi à la retenue de personnes sans aucune base juridique. Nous devons nous montrer très pragmatiques, certes, mais sans que ce pragmatisme nous conduise à détourner la fiche S de son utilisation régulière.
En effet, il faut prendre en considération les critères de signalement qui ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Quelle est, ainsi, l'appréciation des services du renseignement belge pour considérer un ressortissant belge, en l'occurrence Salah Abdeslam, comme un terroriste ou comme susceptible de se livrer à une action terroriste ? Quelle est, de leur côté, l'appréciation des services français, allemands, italiens… ? La situation est donc assez complexe.
Bref, il faut laisser à la fiche S sa vocation et créer, le cas échéant, un autre outil ou se servir des fiches PJ du FPR.
Il faudra aussi considérer cette nouvelle disposition de « retenue de 4 heures » prévue par le projet de loi contre le crime organisé et le terrorisme.