Intervention de Patrick Pelloux

Réunion du 14 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Patrick Pelloux, médecin urgentiste :

Je comprends ce que les victimes ressentent puisque le 13 novembre, vers 22 heures 45, au moment de l'attaque du Bataclan, Mme Hidalgo, maire de Paris, m'a téléphoné, me demandant : « Où sont les secours ? ». Je rappelle que le Bataclan a été le théâtre d'une attaque éclair, qui a duré de 12 à 15 minutes. Pendant ce petit quart d'heure, une des « ordures » est passée à droite de la salle et deux autres à gauche, tous trois tirant avec des kalachnikovs dont chaque chargeur contient trente cartouches. Si je connais ces détails, c'est qu'il y a une dizaine de jours, à la demande du directeur du Bataclan, la salle a été rouverte, avec l'aide de la CUMP, pour une discrète cérémonie de recueillement, qui a aussi été l'occasion d'un debriefing. Le soir du 13 novembre 2015, à cet endroit, deux personnes ont été héroïques : les policiers de la BAC qui, transgressant leur règlement d'intervention, sont entrés à l'intérieur du Bataclan au lieu de se figer en attendant la BRI comme ils y étaient théoriquement tenus. N'auraient-ils pas fait cela que quatre chargeurs supplémentaires au moins auraient été tirés sur la foule, avec d'autres morts en nombre proportionnel. Les deux autres terroristes étaient montés au balcon, retenant des otages.

Ensuite, la BRI arrive, et ce qui se passe alors est assez mystérieux pour moi aussi. La BRI, comme le RAID – service de recherche, assistance, intervention et dissuasion – et comme le groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), a des médecins « de colonne » qui accompagnent les interventions pour prendre en charge les policiers ou les gendarmes éventuellement blessés. C'est à ce titre qu'était là M. Denis Safran, professeur d'université retraité de l'AP-HP mais travaillant à la BRI, et c'est lui qui a décidé. Mais je ne sais qui fait quoi dans la police, et le rôle de cet éminent professeur reste pour moi énigmatique.

Comme vous, j'ai entendu des témoignages de gens qui attendaient. À la régulation du SAMU, scindée en deux unités, et qui avait installé le poste de regroupement de victimes boulevard des Filles-du-Calvaire, je m'occupais du « tout-venant ». Mais je répondais aussi à des gens cachés dans les faux-plafonds du Bataclan, qui appelaient le 15 et à qui je disais de mettre un garrot, de ne pas parler, de faire tel ou tel acte… Nous avons également reçu des appels depuis des « nids » de victimes réfugiées dans des halls d'immeubles ou dans des appartements, que nous conseillions aussi par téléphone. La cellule de crise devait gérer tout cela, mais parfois les communications téléphoniques ne passaient pas, ce qui compliquait encore la situation, et les services de police interdisaient le passage des secours. Il n'empêche que des sapeurs-pompiers y sont allés, vaillamment ; c'est alors qu'ils ont fait le décompte des victimes en urgence absolue.

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