On peut toujours se poser la question. Bien sûr, on aurait pu faire mieux… si l'on avait connu d'emblée le scénario final. Mais, en réalité, il n'y a pas eu de retard. Comme on l'a constaté lors des attentats de Londres et de Madrid, il est très, très long d'intervenir sur le site d'un attentat. Et puis on a toujours à l'esprit, sans que cela doive conditionner l'action des secours, le risque de « sur-attentat », et l'idée qu'il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier, c'est-à-dire qu'il faut économiser les ressources. Je dois avouer avoir fait partir des colonnes de secours en plus au Bataclan – plusieurs véhicules de la Protection civile – sans en référer à la cellule de coordination et de régulation, parce que j'estimais qu'il fallait le faire. Je ne pense pas que nous aurions pu sauver plus de blessés. Il est impossible de le dire, mais nous avons fait le maximum et nous avons même réussi à sauver une femme qui avait reçu neuf balles de kalachnikov. Mais je suis convaincu de la nécessité d'une colonne de secours « de l'avant », collant à l'intervention de la BRI, du RAID ou du GIGN. Je ne suis pas certain qu'elle doive être composée de médecins ; mieux vaudrait des secouristes, car il s'agit d'extraire au plus vite les gens encore en vie. En cas de catastrophe, le protocole classique est, une fois entré en un lieu, de déterminer qui est dans un état grave ; ce faisant, on perd un quart d'heure. Sur des terrains de tuerie de masse, il faut extraire les blessés vivants de la zone dangereuse, les regrouper à l'extérieur et les convoyer vers l'hôpital le plus vite possible. Incidemment, j'ai demandé que cette audition ait lieu à huis clos car je suis convaincu que Daech et Al Qaïda observent la manière dont nous nous organisons.
J'ai eu vent de rumeurs délirantes après l'attentat dans les locaux de Charlie Hebdo, quand il s'est dit par exemple que Georges Wolinski aurait eu un infarctus. Cela étant, nous ne devons pas rester sur un système figé, en arguant que tout se serait passé de manière formidable. Il faut revoir les chaînes de commandement et, puisqu'il est à craindre que des attentats se produisent à nouveau, nous devons passer du XXe au XXIe siècle en mettant au point de nouveaux systèmes de prompt secours très dynamiques, engageant des personnels entraînés à ramper sur 50 mètres avec une victime pour l'extraire.