Étant de repos le soir du 13 novembre, j'étais parti boire un verre avec des collègues rue de Charonne, lorsque j'ai été alerté par un attroupement et des cris, parmi lesquels revenait le mot « attentat ». J'ai appelé mon capitaine commandant l'unité sur mon téléphone portable et, après lui avoir fait part de ce que j'avais vu et entendu, je suis arrivé à hauteur du bar La Belle Équipe, qui offrait un spectacle atroce après la fusillade qui venait d'y avoir lieu. Je suis allé voir le responsable des forces de police sur place, un major, à qui j'ai proposé de faire intervenir les groupes de militaires que je savais se trouver à proximité. Après avoir recueilli son accord, j'ai rendu compte à mon capitaine, qui m'a donné le feu vert.
J'étais encore en civil quand j'ai accueilli mon premier groupe boulevard Voltaire, et l'ai conduit auprès du nid de blessés en lui donnant pour mission d'établir un premier périmètre de sécurité afin de sécuriser la zone et de permettre un accès plus facile des secours et des forces, grâce à l'établissement d'un axe logistique sûr et ouvert, dédié à la circulation des véhicules d'urgence – c'est ce que nous faisons en OPEX. J'ai ensuite rendu compte aux forces de police et ai regagné en courant la mairie du 11e, où j'ai rendu compte à mon capitaine avant de revêtir ma tenue de combat et de repartir sur les lieux, afin d'y accueillir les différents groupes composant ma section et d'en assurer le commandement. Au fur et à mesure que ces groupes arrivaient, je les disposais dans les rues adjacentes afin d'élargir le dispositif. J'ai également pris l'initiative de constituer, au moyen de poubelles et de matelas trouvés dans la rue, des chicanes destinées à ralentir la circulation – car les comptes rendus de la police faisaient état du risque de voir surgir des tireurs embusqués et des voitures-béliers.
Notre mission s'est poursuivie toute la nuit, jusqu'à l'arrivée des services de police judiciaire. Nos soldats devant reprendre, dès le jour suivant, leurs activités dans le cadre de l'opération Sentinelle, nous avons quitté la rue de Charonne vers six heures du matin.