Le 7 janvier 2015, j'étais chef de bord d'un véhicule de la BAC 11. Alors que nous étions en patrouille, nous avons reçu un appel nous informant d'éventuels coups de feu au numéro 10 de la rue Nicolas-Appert. On ne nous a pas précisé si c'était sur la voie publique ou à l'intérieur d'un bâtiment. Nous nous sommes rapprochés. J'ai demandé à mon chauffeur de nous déposer sur le boulevard Richard-Lenoir.
Je suis descendu avec deux collègues et nous nous sommes dirigés à pied vers la rue Nicolas-Appert. C'est une sorte de cul-de-sac et elle n'est pas connue comme une rue à problèmes. En arrivant dans la rue, nous n'avons rien remarqué de particulier ; il y avait même un camion qui livrait des colis. Devant la porte du numéro 10, un employé de maintenance nous a expliqué qu'il avait un collègue à l'intérieur, blessé par balles. Nous ne savions toujours rien sur l'immeuble et nous lui avons demandé quelle était la nature de l'établissement. Il n'a pas su nous répondre.
Dans l'immeuble d'en face, il y avait des gens à une fenêtre. Ils nous ont appelés, nous ont dit qu'ils avaient vu trois personnes armées entrer dans l'immeuble et qu'ils avaient entendu des coups de feu. L'un d'eux nous a indiqué que cet immeuble hébergeait les locaux de Charlie Hebdo. C'est alors que nous avons entendu des rafales à l'intérieur. Quelques secondes plus tard — nous avions eu à peine le temps de nous écarter légèrement de l'entrée —, les portes se sont ouvertes et les deux frères Kouachi sont sortis. Ils ont fait feu dans notre direction. Mes deux coéquipiers et moi avons réussi à nous dissimuler derrière des murs.
À ce moment, des collègues en vélo tout-terrain (VTT) sont arrivés. Les frères Kouachi se sont focalisés sur ces collègues en tenue, en tirant dans leur direction. Nous avons riposté, sans effet. Ensuite, j'ai essayé de transmettre des messages pour indiquer ce qui se passait. Les frères Kouachi sont montés dans leur voiture ; ils sont partis ; ils ont croisé une voiture de police et de nouveaux échanges de tirs ont eu lieu. Ils sont repartis.
La station directrice nous a demandé de retourner au numéro 10 de la rue Nicolas-Appert pour savoir ce qui s'était passé à l'origine. Nous sommes revenus sur les lieux. En arrivant, nous avons trouvé les sapeurs-pompiers qui nous ont informés du décès de l'agent de maintenance qui était à l'intérieur. M. Pelloux est venu nous chercher et nous a demandé de monter au deuxième étage où il y avait de nombreuses victimes. Nous sommes montés ; nous avons sécurisé les lieux ; nous avons découvert le carnage dans les bureaux. Nous avons transmis les premières informations et avons ensuite été relevés par les autres services qui sont arrivés sur place.