Intervention de B B

Réunion du 14 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

B B, commissaire de police, chef adjoint du service des compagnies de sécurisation et d'intervention, CSI et chef de la CSI de Paris :

La DGPN élabore une nouvelle doctrine, très intéressante d'un point de vue stratégique et tactique, qui va sortir très prochainement. La stratégie consiste à entrer en contact. Partout dans le monde, après analyse de ces situations, on s'est rendu compte que, dès que la police a un contact avec eux, les auteurs de tels faits s'arrêtent, soit parce qu'on leur tire dessus, soit parce qu'ils se retranchent. On peut alors temporiser en attendant l'intervention du RAID et de la BRI. Une fois que la DGPN aura formalisé cette nouvelle doctrine, la direction de la formation se sentira autorisée à l'enseigner.

Pour en revenir à votre question sur le tir, monsieur le rapporteur, je peux comprendre l'étonnement des non-professionnels de l'armement. Il peut sembler incroyable qu'autant de balles aient été tirées rue Nicolas-Appert sans que les fugitifs aient été touchés. En fait, la vision des gens est déformée par les films où l'on voit des policiers qui tirent dans les mains des malfaiteurs. En cas de « bavures » — qui n'ont d'ailleurs souvent rien de bavures — on entend des quidams demander : « Pourquoi n'ont-ils pas tiré dans la main ? » On ne le fait pas parce que c'est que c'est impossible avec un pistolet. Un très bon tireur sera toujours moins performant avec un pistolet que le plus mauvais des tireurs avec un fusil, en raison de la longueur du canon. Car, on peut le regretter, c'est avec des armes de poing que nous ripostons aux kalachnikovs.

Vous allez auditionner le commissaire qui est intervenu au Bataclan. Ce qu'il a fait, à une distance de vingt ou vingt-cinq mètres, est exceptionnel. Je ne veux pas parler de chance pour ne pas dénigrer la qualité de son tir, mais, en termes de probabilités et de statistiques, c'était de l'ordre de l'impossible. Je suis allé au Bataclan et j'ai vu la distance de tir. Il ne faut pas penser qu'à peu près n'importe qui est capable de réussir un tel tir. À plus de sept ou dix mètres, il est quasiment impossible de toucher avec un pistolet quelqu'un qui est en action.

Avant même le mois de janvier 2015, nous avions demandé que les CSI soient renforcés en armement. Nous nous sommes ensuite appuyés sur les événements du mois de janvier pour argumenter nos demandes d'armes supplémentaires, notamment de fusils. En fait, nous n'avons jamais eu de réponse. Nous avions pourtant produit des rapports circonstanciés en nous inspirant notamment des événements qui s'étaient déroulés en Tunisie, au musée du Bardo et sur les plages de Sousse. Nous avions pourtant expliqué que de tels faits pouvaient se produire à Paris.

Certes, il y a des contraintes budgétaires. À l'impossible nul n'est tenu : si l'on n'a pas l'argent, on n'a pas de fusils. Mais nous avons appris par la bande que des armes étaient disponibles dans certaines armureries et qu'il suffisait d'une autorisation. Cette autorisation impossible à obtenir est arrivée le 14 novembre. C'est regrettable. On ne peut pas refaire l'histoire, et la journée du 13 novembre a été très bien gérée. Il est néanmoins regrettable que notre demande de janvier n'ait été acceptée — et encore, partiellement, à la marge — que le 14 novembre.

En octobre dernier, il y a eu un drame au commissariat de Saint-Denis : un policier de la BAC locale a pris une balle dans la tête, lors d'une intervention contre des braqueurs. Le ministre de l'intérieur s'est évidemment rendu sur place pour se rendre compte de la situation et témoigner sa solidarité aux policiers de terrain. Comme ceux-ci lui ont fait part de leur problème d'armement et d'équipement, le ministre a décidé de créer un plan BAC pour les doter. Malheureusement, la CSI ne s'appelle pas BAC et elle a été exclue de ce plan. À mon avis, cela résulte d'une carence dans la chaîne de décision et non pas d'une volonté ministérielle : personne n'a dû signaler à M. Cazeneuve que les CSI faisaient exactement le même travail que les BAC. Nous ne sommes pas très nombreux en France, c'est ce qui nous dessert. Alors que la CSI 75 est le seul service de la police nationale à être intervenu sur tous les attentats franciliens en 2015, elle sera prochainement moins armée que la BAC de Charenton-le-Pont. J'étais autrefois en poste dans le Val-de-Marne et je ne dénigre pas la BAC de Charenton-le-Pont, mais elle doit compter quatre fonctionnaires.

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