Il se trouve que les primo-intervenants ce soir-là ont été les membres d'un équipage du 3e arrondissement qui effectuait une intervention sur un accident matériel de la circulation dans le secteur des Filles-du-Calvaire, c'est-à-dire juste à côté du Bataclan. Hélés par un agent de sécurité de la salle qui les a avertis que des tirs avaient lieu, ces trois jeunes gardiens de la paix, parmi lesquels se trouvait une stagiaire avec six mois d'ancienneté, se sont précipités vers le Bataclan, dont ils ont dû chercher l'adresse sur leurs téléphones personnels, car ils ne connaissaient pas cette salle qui ne se trouve pas dans le 3e arrondissement. Arrivés pendant la fusillade, impuissants, ils ont dû attendre l'arrivée des renforts. J'y insiste, parce qu'il est important de souligner que se trouvaient aussi devant le Bataclan ce soir-là des policiers largement démunis devant ce qui était en train de se produire.
Pour ma part, j'ai été prévenu à 21 h 50 et suis arrivé sur place à 22 h 30, en compagnie de mon adjoint, Cyril Lacombe. Nous nous sommes réparti les rôles de manière assez naturelle : lui s'est occupé de la circulation, car les pompiers bloquaient la rue Oberkampf et qu'il était nécessaire de libérer l'accès pour l'intervention d'autres véhicules de secours ; je me suis d'abord préoccupé de savoir si mes gars – sept au total – n'étaient pas blessés. Mes gardiens de la paix se sont occupés de faire des massages cardiaques, des garrots sur des personnes en train de mourir, lesquelles sont d'ailleurs toutes décédées dans les minutes qui ont suivi. Ils ont ensuite transporté les victimes encore vivantes à l'angle du boulevard Voltaire et de la rue Oberkampf où se trouvaient les pompiers. Je leur ai prêté assistance, puis nous sommes entrés dans la salle, sans trop nous poser de question ni solliciter l'autorisation de la hiérarchie, afin de récupérer d'autres blessés.