Intervention de J M

Réunion du 14 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

J M, commissaire de police, commissaire central du 10e arrondissement :

Je me suis trouvé dans le 10e arrondissement sur le site du premier attentat parisien, qui a eu lieu à l'angle de la rue Bichat et de la rue Alibert, où les terroristes ont tiré sur les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge, faisant de nombreux morts et de nombreux blessés. J'y suis resté de 21 h 45 à 4 h 40, en quelque sorte coupé du monde, me concentrant sur la protection des traces et indices – de nombreuses douilles de 7,62 ainsi que des chargeurs de kalachnikov étaient éparpillés à terre. Il s'agissait d'un endroit très difficilement défendable, car le carrefour a la forme d'une étoile à cinq branches, et le préfet de police, déjà sur les lieux à mon arrivée, m'a demandé de sécuriser les lieux en priorité. Ma tâche principale a donc été d'éviter un surattentat et de faciliter le travail des sapeurs-pompiers et du SAMU.Si, avec le recul, cette mission paraît assez simple par rapport à ce qu'ont affronté nos collègues du Bataclan, elle a néanmoins nécessité une coordination entre différents types d'unités, notamment des unités de la CSI.

Merci, madame Le Dain, de vous inquiéter du moral des troupes. Elles vont beaucoup mieux, grâce à l'aide très précieuse que nous a apportée le SSPO dans les jours qui ont suivi. Les psychologues se sont montrés très disponibles, intervenant la nuit pour les équipes de nuit. Le travail qu'ils ont effectué a été essentiel pour permettre à nos collègues d'intégrer les événements extraordinaires – au sens propre du terme – qu'ils avaient vécus et dont ils parlent encore aujourd'hui avec une émotion non feinte.

Les effectifs du 10e arrondissement ont évidemment ressenti les choses de manière tout à fait particulière, dans la mesure où ils travaillent parfois dans cet arrondissement depuis des années – vingt-cinq ans pour certains. Devant une telle boucherie, ils ont été atteints d'autant plus profondément qu'ils ont cet arrondissement dans la peau. Ils en connaissent les commerçants et les riverains, le tissu associatif et socioculturel.

Notre intervention s'est faite sans la BRI ni le RAID, car la situation ne le nécessitait pas, notre « scène de crime » étant figée. Nos effectifs ont travaillé avec la plus grande sérénité possible et ils ont évité des drames – je pense entre autres aux idiots ou aux déséquilibrés qui se présentaient à eux en laissant supposer qu'ils étaient munis d'armes ou d'explosifs. Le stress qu'avaient subi les fonctionnaires aurait pu les conduire à des bavures, qui ne se sont pas produites grâce au sang-froid de tous ces collègues à qui je veux rendre hommage.

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