Intervention de V G

Réunion du 14 mars 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

V G, commissaire divisionnaire :

Quarante-trois de mes fonctionnaires, rattachés au commissariat du 18e arrondissement sont intervenus sur les événements du 13 novembre, disséminés partout, sauf autour du Stade de France. Je suis moi-même intervenue de 21 h 30 à 4 heures du matin rue de la Fontaine-au-Roi, qui n'était pas du tout l'endroit où j'aurais dû arriver, puisque je devais me rendre rue Bichat. C'est par hasard que je me suis trouvée à cet endroit, où quelques effectifs intervenaient déjà avec les pompiers qui prodiguaient les premiers secours aux victimes du bar La Bonne Bière, tandis qu'il fallait s'assurer de la sécurisation du restaurant Casa Nostra, dans lequel de nombreux témoins disaient qu'un terroriste s'était retranché.

C'est une opération qui a pris du temps et, avant de pouvoir faire intervenir le Groupe de soutien opérationnel (GSO) et le RAID, il a fallu que les pompiers puissent évacuer toutes les victimes. J'ai été frappé par le fait que le capitaine des pompiers n'avait aucun médecin à ses côtés. Il n'a donc pu faire aucune stabilisation comme on a l'habitude de les pratiquer sur place, évacuant directement les blessés vers les hôpitaux.

Le dispositif était très vulnérable, et les collègues intervenants, dont beaucoup de jeunes qui n'avaient jamais vu un seul cadavre de leur vie, se sont montrés très courageux. Je me suis donc immédiatement préoccupée de protéger les bases arrière, les informations diffusées sur les ondes laissaient penser qu'il pouvait y avoir des terroristes dans le métro et qu'une autre attaque était possible.

J'ai agi sans hiérarchie intermédiaire, à l'exception d'un commandant qui est arrivé plus tard dans la nuit ; cela a compliqué les procédures de commandement sur un site en définitive assez étendu.

À un moment donné, j'ai été avertie par la Croix-Rouge qu'une quarantaine de personnes traumatisées s'étaient réfugiées au Palais des Glaces, à une centaine de mètres. Il m'a donc fallu courir à droite et à gauche, contrôler un véhicule suspect ainsi qu'un colis suspect dans le panier d'un Vélib'.

Nous n'avons pas vu de journalistes, et personne n'a parlé de nous le lendemain dans les médias, ce qui a étonné la plupart de mes effectifs.

Comme tous nos collègues, nous avons procédé à des débriefings et monté des cellules de soutien psychologique. J'ai mené des entretiens individuels avec une vingtaine de fonctionnaires parmi les plus choqués. Le traumatisme met souvent plusieurs jours à remonter à la surface, et j'ai pensé que le nombre d'arrêts maladie risquait d'être important : personne ne s'est arrêté et, s'il avait fallu recommencer les jours suivants, ils y retournaient.

Nous avons obtenu ces temps derniers un surcroît de matériel. Nous ont également été distribuées des fiches « Réflexes attentats ». Des retours d'expérience ont été organisés, notamment une réunion au cours de laquelle l'ensemble des commissaires de la DSPAP ont été débriefés par le RAID et la BRI pendant deux heures. Nous avons beaucoup appris, et cela nous a permis de transmettre à nos troupes des conseils utiles.

En ce qui concerne la prise de risque, on ne pourra jamais empêcher un gardien de la paix, un officier ou un commissaire de foncer s'il y a des blessés. Le risque fait partie de notre travail. Compte tenu néanmoins des risques qui ont été pris le 13 novembre, je considère que c'est un miracle qu'aucun policier n'ait été ni blessé ni tué.

Dans le cas d'une attaque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), nous risquons en revanche d'être en mauvaise posture, car nous ne disposons pas encore de protocole établi. Cela n'empêche pas les troupes de se déclarer prêtes à y aller, étant entendu que, lorsqu'on part en opération, on ne sait pas toujours à quel type de situation on va être confronté.

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