Merci beaucoup pour ce rapport très instructif, que j'ai lu avec un grand intérêt.
C'est un exercice très utile, qui nous permet de prendre du recul, notamment grâce au prisme du droit comparé, particulièrement enrichissant.
Je ne vais pas revenir sur chacune des très nombreuses propositions de votre rapport, une par une, mais je souhaite vous présenter mon ressenti général. Il me semble qu'il y a tout de même beaucoup de points de convergence entre vous, et c'est sur ce socle commun sur lequel vous êtes d'accord que nous nous appuierons.
Votre rapport montre bien tous les progrès qui ont été faits au cours des vingt dernières années dans le traitement des affaires européennes à l'Assemblée, à la fois juridiquement – avec les différentes révisions constitutionnelles qui ont eu lieu, et notamment celle de 2008, grâce au travail de Pierre Lequiller – mais aussi dans la pratique.
Notre Parlement est aujourd'hui l'un des plus actifs sur les sujets européens, analysant les textes en profondeur et dialoguant de manière particulière active avec ses partenaires européens, institutions européennes ou parlements nationaux. Je reviens d'une réunion interparlementaire à Luxembourg où nous avons parlé du « carton vert », avec une proposition d'ailleurs émise par notre commission.
L'essentiel de son rôle, discret, est avant tout un rôle d'influence politique qui a vocation à s'exercer le plus en amont possible de la négociation des textes européens, par un travail d'avis et de propositions.
C'est pour cela que nous entretenons des relations extrêmement denses avec les institutions européennes.
Nous recevons très régulièrement les commissaires européens dans cette commission, conjointement, le plus souvent possible, avec les commissions permanentes. Si je faisais la liste de tous les commissaires européens que nous avons auditionné depuis trois ans, je vous assure qu'elle serait très longue !
Nous nous réunissons très régulièrement avec la délégation française au Parlement européen, comme ce sera encore le cas juste après cette réunion. La visioconférence organisée il y a quelques semaines avec la commission « libertés civiles » du Parlement européen a également été un succès.
Comme le montre ce rapport, les rapporteurs de toutes les commissions sont désormais très nombreux à se rendre à Bruxelles, preuve qu'ils ont pleinement intégré le rôle de l'Europe dans l'élaboration de la législation nationale. Nous devons nous en féliciter.
Enfin, vous soulignez l'originalité du rôle de « laboratoire d'idées » de notre commission, qui contraste avec l'activité de la plupart des autres parlements nationaux. Comme vous l'écrivez, je crois qu'il est primordial que nous contribuions à la construction d'un « espace public européen », en organisant des auditions d'experts, des tables-rondes avec des représentants de la société civile, toujours publiques.
Je voulais revenir sur votre principal constat, que je partage pleinement : notre Parlement n'est pas assez fort dans le contrôle du Gouvernement.
Le système institutionnel de la Vème République est un véritable obstacle à ce contrôle, et je suis intimement persuadée que c'est le noeud du problème. Pour résumer, si nous voulons avoir un parlement puissant sur les questions européennes… il faudrait déjà avoir un parlement fort tout court ! C'est évidemment le cas du Bundestag, du parlement finlandais ou de la Chambre des communes.
Nous avons fait des progrès, notamment avec l'instauration des auditions pré-Conseil depuis un an. Mais force est de constater que le contrôle des affaires européennes aujourd'hui est encore trop lié à la bonne volonté du Gouvernement.
Par exemple, la décision d'organiser des débats et de les assortir d'un vote comme cela a été le cas pour la Grèce relève pleinement du Gouvernement, et en aucun cas ce vote ne peut engager la responsabilité de celui. C'est également ce que nous rappelle le fait que le Gouvernement ait fait le choix cette année de ne pas faire voter le programme de stabilité, alors que c'est prévu par la loi. De même, rien ne peut forcer les ministres à venir lors de ces auditions pré-Conseil, ni à tenir compte de l'avis du Parlement lors des négociations à Bruxelles. Pour le moment, aucun ministre n'a opposé de refus de venir à une audition pré-Conseil, ce qui montre bien qu'il y a une volonté partagée d'avancer sur ce sujet. Les difficultés rencontrées tiennent plutôt, en pratique, à des problèmes d'agenda et de disponibilité.
La mise en place de certaines de vos propositions – demander au Gouvernement de fournir un « mémorandum » de manière systématique deux semaines après l'adoption d'un texte par la Commission européenne, organiser des débats avec vote sur les Conseils européens les plus importants et sur le déblocage de nouvelles tranches d'aides dans le cas du MES – dépendra donc du bon vouloir du Gouvernement.
Je trouve la proposition du président Bartolone de permettre au Président de la République de s'exprimer dans l'hémicycle avec les Conseils européens très intéressante. Cela montre bien qu'il y a un problème dans notre système institutionnel actuel : des décisions majeures sont aujourd'hui prises au niveau européen par les chefs d'État et de Gouvernement, dans un cadre qui n'est absolument pas transparent. Ce manque de transparence est compensé, dans les autres États membres, par le fait que le Premier ministre qui s'y rend doit rendre des comptes au Parlement, parfois avant et après le sommet. Quant à nous, nous écoutons le ministre Harlem Désir nous faire le compte-rendu d'une réunion… à laquelle il n'était pas présent ! Les comptes rendus qu'il nous fait du Conseil européen restent très intéressants, mais il serait néanmoins utile, et symbolique politiquement, d'entendre parfois le Premier ministre.
Cette situation pose à mon sens une question beaucoup plus large, celle du caractère démocratique de nos institutions et du rôle du Président de la République. J'ai noté avec grand intérêt qu'une situation similaire à la nôtre existait en Finlande auparavant : le Président de la République et le Premier ministre se rendaient à tour de rôle aux Conseils européens. Une révision constitutionnelle en 2012 est venue clarifier cette situation, et c'est désormais obligatoirement le Premier ministre qui représente la Finlande au Conseil européen. Nous pourrions faire la même chose.
À plus-court terme, je suis tout à fait d'accord pour que nous proposions des résolutions préalables au Conseil européen. Comme vous l'avez souligné, cela nécessitera une grande coordination entre les différents organes de l'Assemblée, et je vais en parler avec les autres présidents de commission pour que nous puissions mettre cela en place dès que possible. Je suis également favorable à ce qu'un rapporteur propose au moment des auditions des ministres avant un Conseil des conclusions déterminant les « lignes rouges » de notre commission sur les différents sujets inscrits à l'ordre du jour.
Je suis cependant un peu déçue, je dois l'avouer, que vous ayez laissé de côté la proposition de mettre en place un système de mandat, même souple. Evidemment, cela nécessiterait une révision constitutionnelle, mais votre rapport est très prospectif, donc je pense qu'il faut aller jusqu'au bout de cette démarche et être ambitieux ! Pour véritablement renforcer la légitimité démocratique de l'Union, le système de mandat tel qu'il existe dans les pays nordiques, est, je crois, la clef.
Je suis dubitative quant à l'idée de décentraliser le traitement des affaires européennes dans les commissions sectorielles… Je pense que c'est sans doute une bonne idée dans l'absolu, mais, au vu du fonctionnement actuel de notre Parlement, nous ne sommes vraiment pas prêts. Par ailleurs, je crois que l'on ne pourrait concevoir une telle évolution que si la commission des affaires européennes récupérait une compétence exclusive sur les questions européennes transversales, aujourd'hui partagée avec la commission des affaires étrangères.
Enfin, je pense qu'il faut relier ce débat avec celui du rôle des parlements nationaux dans le système institutionnel de l'Union européenne. Il est important d'améliorer notre système en interne, mais cela ne suffit pas.
L'Europe a plus que jamais besoin des parlements nationaux, et les avancées du traité de Lisbonne ne sont aujourd'hui plus suffisantes. Les parlements doivent être moteur de la construction européenne, d'où le projet d'un mécanisme de « carton vert » qui permettrait à un certain nombre de parlements de proposer un texte aux institutions européennes. Surtout, les parlements nationaux doivent être pleinement associés aux choix européens qui pèsent de plus en plus sur la détermination des politiques économiques et budgétaires nationales : c'est l'objet de la Conférence budgétaire prévue à l'article 13 du TSCG. À terme, cette conférence pourrait servir de base à la création d'un « parlement de la zone euro », composé de parlementaires nationaux, que le Président de la République a appelé de ces voeux le 14 juillet dernier.