Intervention de Estelle Grelier

Réunion du 12 février 2014
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Grelier, rapporteure :

Cette communication est très importante puisqu'il s'agit de répondre par ces conclusions à la consultation de la Commission européenne sur les aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture, et vous connaissez mon attachement au secteur de la pêche. Ce sujet a des implications économiques majeures pour ce secteur, et c'est pourquoi que j'ai souhaité que nous répondions officiellement à cette consultation.

Comme vous le savez, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit une interdiction de principe des aides d'État. Si des aides peuvent exceptionnellement être autorisées, elles sont soumises à une procédure de notification et d'autorisation très contraignante, régie par l'article 108, paragraphe 3 de ce traité.

Toutefois, certaines aides sont considérées comme n'affectant pas la concurrence et les échanges au sein du marché intérieur, et ne sont par conséquent pas soumises à l'obligation de notification prévue par le TFUE : c'est ce que nous appelons les aides de minimis, qui sont des aides de faibles montants. Ce principe permet d'optimiser le travail de la Commission, qui n'a pas à lancer de procédure d'autorisation.

Le règlement de minimis dit « général » a été refondu en décembre dernier. Il prévoit un plafond de 200 000 euros qu'une entreprise unique peut recevoir sur une période de trois ans.

En revanche, les secteurs de l'agriculture et de la pêche sont soumis à des règles spécifiques.

En 2004, un règlement de minimis relatif à l'agriculture et à la pêche a ainsi établi un plafond spécifique de 3 000 euros par bénéficiaire par période de trois ans. Cependant, dès 2007, la Commission a adopté un règlement uniquement pour le secteur de la pêche, après avoir constaté que dans ce domaine le risque de distorsion de concurrence était moins élevé que ce qui avait été envisagé. Un nouveau règlement spécifique prévoit un nouveau plafond de 30 000 euros par bénéficiaire sur une période de trois à condition que les aides ne dépassent pas 2,5°% de la production.

Par comparaison, le nouveau règlement de minimis agricole, applicable depuis le 1er janvier 2014, a porté ce montant par bénéficiaire à 15 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux, et le plafond par État à 1°% de la valeur de la production agricole. Les règles de minimis dans le secteur de la pêche, même si elles sont particulièrement contraignantes comparées à celles applicables aux autres entreprises, restent donc largement moins contraignantes que celles relatives à l'agriculture.

Le mécanisme de minimis permet une plus grande souplesse et une plus grande réactivité dans l'attribution d'aide par l'État. Cette réactivité est d'autant plus importante dans le cas de la pêche, où les aides de minimis sont souvent accordées dans des situations d'urgence, notamment suite à des catastrophes naturelles. Les aides de minimis varient d'ailleurs considérablement d'une année sur l'autre, de 317 000 euros en 2010 à 28,9 millions d'euros euros en 2008 par exemple.

Quelques exemples très concrets montrent l'utilité de ces aides de minimis : l'aide à la reconstitution du cheptel ostréicole en région Pays de la Loire, le dispositif de soutien à la filière ostréicole en Bretagne, le plan de reconversion de la pêche à la langouste en Corse ou le soutien aux conchyliculteurs et pêcheurs à pied professionnels suite à la pollution engendrée par le TK Bremen.

Cette consultation s'inscrit dans une procédure européenne un peu particulière, puisque le traité prévoit que la Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d'État que le Conseil a considéré comme pouvant être dispensées de la procédure de codécision classique. C'est le cas pour les aides de minimis.

Le Parlement européen et le Conseil ne sont donc pas impliqués dans ce processus décisionnel. En revanche, deux procédures de consultation sont mises en place. Un comité consultatif en matière d'aides d'État, composé de représentants des États membres, doit être consulté par la Commission avant de publier un projet de règlement puis avant d'arrêter ce règlement. Surtout, lorsque la Commission se propose d'arrêter une nouvelle réglementation relative aux exemptions de notification, elle doit en publier un projet afin de permettre à toutes les personnes et organisations intéressées de lui faire connaitre leurs observations, c'est dans ce cadre-là que nous nous fixons. Nous avons d'ailleurs pris connaissance d'un avis formulé précédemment par le Comité national des pêches en réponse à une consultation sur le sujet.

Ce projet de règlement apporte des modifications très marginales au règlement précédent. Il a surtout pour objectif de prendre en compte les évolutions récentes de la politique européenne de la pêche. Ainsi, sont exclus des aides de minimis les aides à la construction et à l'achat de bateaux de pêche du champ d'application de ce projet. Dans une logique de cohérence, ce règlement exclut de son champ d'application les mêmes opérations que celles exclues du Fond Européen pour les affaires maritimes et la pêche, notamment les opérations visant à renforcer les capacités de pêche des navires. Qu'on déplore ou non cette disposition de la nouvelle politique commune de la pêche, et je le déplore personnellement, il me semble nécessaire de faire oeuvre de cohérence.

Le projet de règlement renforce également la sécurité juridique applicable à ces aides, en apportant des clarifications sur la notion d'entreprises en difficulté qui ne peuvent pas bénéficier de ces aides de minimis car elles sont concernées par d'autres dispositifs, sur les modalités de cumul de différentes aides de minimis, et sur la notion d'aide « transparente ».

Ce qui doit retenir notre attention, ce sont les seuils qui sont proposés. Le seuil de 30 000 euros par bénéficiaire sur une période de trois ans est préservé par le projet proposé par la Commission européenne. Toutefois, et avec la Commission européenne le diable se cache souvent dans les détails, le projet de la Commission ouvre la porte à une baisse possible du plafond total des aides de minimis attribuées par l'État dans le secteur de la pêche. En effet, le considérant 6 du texte proposé par la Commission européenne prévoit que le montant total des aides de minimis accordé à l'ensemble des entreprises dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture sur une période de trois ans est inférieur à un plafond situé entre « 0,5 - 2,5°%, de la production annuelle du secteur de la pêche et de l'aquaculture ». Ce plafond n'est pas encore, à ce stade, déterminé par la Commission. Ce considérant pourrait donc remettre en cause le plafond de 2,5°% retenu par le précédent règlement.

Or, il est nécessaire de maintenir un plafond élevé, afin de garantir une marge de manoeuvre aux États, grâce au caractère souple et réactif des aides de minimis, particulièrement nécessaire dans le secteur de la pêche comme je l'ai souligné précédemment. Il n'est donc absolument pas souhaitable d'abaisser ce seuil de 2,5°% de la production annuelle du secteur pêche, déjà relativement contraignant.

Enfin, il me semble pertinent de souligner que les secteurs de la transformation et de la commercialisation des produits de la pêche devraient relever du minimis général et non pas du minimis pêche, avec un plafond s'élevant donc jusqu'à 200 000 euros. C'est le cas aujourd'hui en matière agricole : seule l'activité de production primaire rentre dans le champ du règlement de minimis agricole.

Nous proposons dans ces conclusions de rappeler notre attachement aux aides de minimis dans le secteur, d'affirmer notre refus d'une diminution du plafond des aides et d'inclure les secteurs de la transformation et de la commercialisation des produits de la pêche dans le champ du minimis général et non pas du minimis pêche, par réciprocité avec ce qui se passe dans le domaine agricole.

Je rappelle que nous sommes ici contraints par des délais, la réponse devant parvenir à la Commission avant le 21 février.

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