Intervention de Alain Marsaud

Réunion du 18 mai 2016 à 16h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Marsaud :

Monsieur le coordonnateur national, j'ai eu l'occasion de travailler avec vous dans le cadre de vos précédentesfonctions à la tête du centre de crise du Quai d'Orsay, et d'apprécier votre engagement au service de la nation, compte tenu des contraintes de notre politique étrangère.

Le vétéran que je suis constate que, depuis quelque trente ans, au sein du contre-terrorisme, on bricole, on crée des organismes de coordination – j'ai ainsi participé à la création de l'UCLAT, du comité interministériel de lutte antiterroriste (CILAT), du service central de la lutte antiterroriste (SCLAT) –, on connaît des succès, des échecs. Voilà pourquoi je suis très indulgent vis-à-vis des échecs observés autour des attentats de janvier comme de ceux de novembre, et qui concernent les services de renseignement et de sécurité. Naturellement, nous avons à l'esprit le point de vue des victimes et de leurs familles. Mais il ne s'agit pas d'une science exacte et je sais combien il est difficile d'obtenir des résultats en permanence.

Le parcours d'Abaaoud est tout de même extraordinaire : il est dans le viseur des services et se promène un peu partout, du Moyen-Orient à l'Europe.

Mais en ce qui concerne ceux que vous identifiez, que vous interceptez et que vous localisez, existe-t-il une doctrine d'emploi permettant leur élimination préventive – et répressive, quand on sait ce que ces gens ont pu faire et ce dont ils sont capables ? Je vous pose cette question au risque de choquer certains membres de la commission d'enquête ; je la poserai également au patron de la DGSE et à d'autres que nous auditionnerons.

J'étais il y a une semaine à Djibouti, sur la base américaine d'où les drones Predator, armés de missiles Hellfire, décollaient vers le Yémen. Des officiers américains et des agents des services de renseignement, notamment de la CIA, nous ont expliqué que ces drones partaient le soir vers des cibles et qu'ils tuaient – de préférence des Américains, nous a-t-on dit, même s'ils en tuent aussi d'autres. C'est une doctrine d'emploi ; manifestement, au plus haut niveau de l'État – qu'il s'agisse de M. Obama ou de ses collaborateurs –, on décide de faire tuer des gens. Il y a aussi des opérations spéciales dont nous pouvons être informés par nos services, notamment du fait des forces spéciales – qui agissent déjà ainsi, semble-t-il, mais ce sont, dit-on, des actions de guerre.

Ne peut-on envisager de pratiquer l'élimination pure et simple ? J'étais tout récemment avec quelques collègues à Washington, au département de la sécurité intérieure ; les Américains nous ont expliqué que 150 de leurs ressortissants étaient partis en Syrie et, surtout, en Irak, qu'ils ne rentreraient pas puisque trente ans de prison les attendaient à leur retour, et qu'ils allaient tous être « dronés ».

J'ai posé la même question au ministre de la défense.

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