Intervention de Didier le Bret

Réunion du 18 mai 2016 à 16h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Didier le Bret, coordonnateur national du renseignement :

C'est une question délicate. Chacun doit rester dans son rôle : on ne peut pas se faire le substitut ou le bras armé des services dans l'exercice d'un mandat électif ou de fonctions de chef d'établissement. Il y a là un glissement qui n'est pas très sain. Je crois en revanche que ce qui, à long terme, fera la différence, c'est la contribution que chacun d'entre nous, là où il est, sera capable d'apporter. J'ai été frappé par le nombre de personnes qui, depuis janvier et plus encore depuis novembre, viennent nous trouver en nous demandant ce qu'ils peuvent faire. Parmi eux figurent des start-up et de grandes entreprises du CAC 40 qui ont développé des logiciels pour détecter des têtes de réseau, qui nous parlent de processus chimiques, etc.

Voilà pourquoi j'ai sollicité il y a plusieurs mois Alain Fuchs, président du CNRS, et Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche : je suis convaincu que, à long terme, la communauté du renseignement se portera mieux si elle est plus fluide, plus ouverte au monde. Un appel à projets lancé par le secrétaire d'État va permettre d'attribuer 5 000 à 10 000 euros à des chercheurs ; on ne sait pas ce que cela va donner, mais, dans le lot, il y aura certainement quelques projets intéressants. Il est important de s'appuyer non seulement sur nos services qui sont à la manoeuvre, sur la justice et sur les administrations compétentes, mais aussi sur ces apports et ceux de la société civile. Un rapport de l'Alliance Athéna a également recensé l'ensemble des productions intellectuelles des dix dernières années sur le sujet : c'est passionnant.

Les services doivent s'approprier ces informations, pour être au fait de l'état de la recherche et diversifier leurs sources. Aujourd'hui, l'information ouverte, si elle est bien exploitée, représente déjà près de 80 % du résultat. Naturellement, les 20 % qui viennent en propre des services font la différence. Mais il est fondamental de bien traiter l'information. Voilà pourquoi chaque service se dote de structures d'analyse de l'information ouverte ou du darknet.

Au demeurant, il n'y aura jamais de mutualisation entre les services si nous ne prenons pas acte du fait que les nouveaux entrants doivent être formés dans un moule commun, par exemple par l'académie du renseignement. Sans interface avec la recherche, dans le respect du secret des activités, ces personnes risquent la sclérose et ne pourront construire un parcours à long terme. La possibilité de carrières dans le renseignement dépend de notre capacité à organiser la mobilité et la reconnaissance d'équivalences de statut.

Ces questions relèvent de chantiers au long cours qui sont eux aussi importants. Car les résultats que nous pourrons obtenir à moyen terme – prendre Mossoul et Raqqah, entamer les finances de Daech, incarcérer le plus grand nombre possible de personnes présentes sur notre territoire et qui incarnent une menace – ne résoudront pas le problème à long terme.

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