Intervention de Hugues Vidor

Réunion du 11 septembre 2014 à 9h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Hugues Vidor, vice-président chargé du dialogue social et de l'emploi de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire :

L'UDES, seule organisation multiprofessionnelle de l'économie sociale – reconnue comme telle depuis la loi de mars 2014 relative à la formation professionnelle et au dialogue social –, regroupe vingt-sept syndicats d'employeurs – associations, mutuelles et sociétés coopératives et participatives (SCOP) – relevant de quatorze branches professionnelles, soit 70 000 employeurs et 1 million de salariés. Son champ est très large, puisqu'il couvre à la fois les secteurs de la petite enfance et de l'animation et les établissements sanitaires et sociaux. Il est composé d'entreprises très petites – un centre de soins infirmiers, par exemple, emploie en moyenne neuf salariés – et de structures beaucoup plus importantes, qui peuvent compter jusqu'à 3 000 ou 4 000 salariés. L'activité de ces entreprises a trait au lien social, à la solidarité : il s'agit de foyers de jeunes travailleurs, de régies de quartiers, d'établissements sanitaires et sociaux ou d'aide à domicile… À ce titre, elles participent aux politiques de l'emploi et favorisent l'emploi de proximité et non délocalisable. J'ajoute que l'UDES s'est récemment étendue à d'autres secteurs, puisqu'elle a intégré le Syndicat des employeurs associatifs de l'action sociale et médico-sociale (SYNEAS), la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI) et la Croix-Rouge.

Il convient de préciser que, parmi les différentes structures regroupées au sein de l'UDES, seules les mutuelles et les sociétés coopératives sont assujetties à l'impôt. Nous centrerons donc notre propos sur les enjeux du CICE pour les trois secteurs relevant de notre organisation – le secteur associatif, le secteur mutualiste et le secteur coopératif –, avant de vous présenter nos propositions.

Si le contexte est connu, il faut rappeler que, dès l'annonce du pacte de responsabilité et du crédit d'impôt de 20 milliards, le 6 novembre 2012, l'UDES et les acteurs de l'économie sociale ont demandé que les entreprises associatives, qui n'entraient pas initialement dans le périmètre du dispositif, bénéficient d'un effort identique. Ainsi, un sous-amendement visant à créer un crédit de taxe sur les salaires a été adopté par votre commission des finances, mais il n'a pas été accepté par le Gouvernement, qui a jugé le coût de cette mesure, évalué à 1,5 milliard, trop élevé. Un dispositif alternatif a donc été proposé, consistant en un relèvement de l'abattement de la taxe sur les salaires – pour les mutuelles de santé, qui a été porté de 6 000 à 20 000 euros ; cette mesure ne s'appliquant qu'aux structures de moins de trente salariés. Suite aux difficultés soulevées lors des débats, Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire, a confié, en avril 2013, une mission à quatre députés, MM. Blein, Grandguillaume, Guedj et Juanico, sur le régime fiscal et réglementaire des structures privées non lucratives. Ceux-ci ont rendu, en décembre 2013, un rapport qui comporte plusieurs préconisations que nous approuvons. Aussi regrettons-nous qu'aucune d'entre elles n'ait été encore mise en oeuvre.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé, en janvier 2014, dans le cadre du pacte de responsabilité, des mesures visant à alléger les charges pesant sur le travail et les contraintes subies par les entreprises, celles-ci devant en contrepartie accroître les embauches et renforcer le dialogue social.

Toutefois, les allégements du coût du travail prévus dans le cadre du pacte de responsabilité, qui s'élèvent à 30 milliards – 10 milliards en 2013 et 20 milliards pour 2015 et 2016 –, bénéficient aux entreprises commerciales et non au secteur associatif. Pour les entreprises de notre secteur et pour celles qui ne sont pas assujetties à la TVA, le CICE constitue donc une rupture de l'égalité fiscale et fragilise une partie importante du secteur de l'ESS.

Je ferai trois remarques à ce sujet. Premièrement, l'UDES a soutenu la mécanique et l'ambition du pacte de responsabilité, qui consistent dans une baisse généralisée des charges sur les bas salaires et les salaires inférieurs à 3,5 SMIC pour un montant de 10 milliards d'euros, afin de redonner des marges de manoeuvre aux entreprises et de développer l'emploi.

Deuxièmement, notre organisation a alerté les pouvoirs publics sur le fait que ces allégements ne devaient pas obérer les capacités de financement des politiques familiales, un certain nombre de nos secteurs d'activité étant financés par ces politiques, notamment celui de la petite enfance et celui de l'aide à domicile familiale – nous émargeons au fonds d'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales –, ainsi que les établissements sanitaires et sociaux.

Troisièmement, en privant les entreprises associatives du bénéfice du CICE, on leur applique un traitement fiscal qui leur est défavorable. En effet, dans le secteur de l'aide à domicile par exemple, interviennent à la fois des entreprises associatives et des entreprises commerciales. Or il ressort de nos simulations portant sur ce secteur que, sur la base de 100 000 heures de prestations facturées, l'exclusion du CICE se traduit pour l'association par une perte de compétitivité qui s'élève à 0,45 euro par heure, soit 45 000 euros au total.

De cette situation découle un triple problème. Tout d'abord, un certain nombre de grandes structures, employant entre 2 500 et 3 000 salariés, s'interrogent sur l'opportunité de procéder à une forme de « décomposition », en créant plusieurs filiales associatives, afin de bénéficier de l'abattement sur les salaires. Or, dans le secteur de l'aide à domicile, la volonté est plutôt de développer la professionnalisation et de créer des structures importantes pour faire face aux besoins de la population.

Ensuite, un certain nombre de structures envisagent de changer de régime fiscal pour être assujetties à l'impôt et bénéficier à ce titre du CICE. Ce faisant, elles adopteraient un modèle entièrement différent. Ainsi, le défaut de reconnaissance de la structure associative conduirait à une forme de négation de la dynamique associative, dont je rappelle les trois vertus : la représentation des populations, la force économique et les valeurs de solidarité.

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