Intervention de Sébastien Darrigrand

Réunion du 11 septembre 2014 à 9h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Sébastien Darrigrand, délégué général de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire :

À la différence du secteur associatif, les secteurs mutualiste et coopératif étant assujettis à l'impôt sur les sociétés de droit commun pour un certain nombre d'activités, ils bénéficient du CICE. Toutefois, la situation des mutuelles est un peu particulière. En effet, les structures relevant du Livre II du code de la mutualité, notamment les mutuelles de santé ayant des activités assurantielles en matière de santé et de prévoyance, bénéficient pleinement du CICE. En revanche, pour celles relevant du Livre III, qui exercent donc une activité dans le domaine des services de soin et d'accompagnement mutualistes – notamment les centres optiques, les centres dentaires, les établissements destinés à la petite enfance ou les cliniques et hôpitaux à but non lucratif –, il convient de distinguer entre, d'une part, les entreprises exerçant des activités dites lucratives – les centres optiques, par exemple –, qui sont assujetties à l'impôt sur les sociétés et bénéficient donc du CICE, et, d'autre part, les entreprises exerçant une activité dans le domaine de l'action sociale et médico-sociale, qui sont assujetties à la taxe sur les salaires et ne bénéficient pas du CICE.

Aujourd'hui, après plus d'un an d'application du dispositif, nous ne disposons pas de chiffres précis sur le bénéfice que les mutuelles du Livre II tirent du CICE. Cependant, on peut dire que des entreprises mutualistes importantes ont bénéficié à ce titre de crédits considérables. Aussi aurait-il probablement fallu segmenter le CICE, car les grosses mutuelles, qui sont aujourd'hui des acteurs stratégiques sur le marché, telles que les mutuelles interprofessionnelles, dont les marges sont importantes, ont moins besoin d'être accompagnées dans l'amélioration de leur compétitivité que d'autres, plus petites et plus fragiles.

Pour ce qui est du secteur mutualiste, il serait donc souhaitable, d'une part, d'adapter le CICE en fonction de la situation des différentes structures et, d'autre part, de prévoir une compensation pour celles qui n'en bénéficient pas, notamment celles qui exercent des activités sociales et médico-sociales.

S'agissant des coopératives, nous avons mené une étude auprès de cinquante SCOP, employant environ 8 000 salariés équivalents temps plein, des secteurs du BTP, de l'industrie, des services, du commerce, de l'énergie et de l'environnement. Il en ressort que 99 % d'entre elles ont bénéficié du CICE, pour un montant global de 6,5 millions d'euros. Quant à la part du CICE dans la masse salariale globale, elle s'élève, pour le dernier exercice, à environ 3 %, c'est-à-dire un peu moins que les 4 % visés. Ce résultat s'explique par le fait que, dans ces sociétés, les salaires inférieurs à 2,5 SMIC sont plus nombreux que dans l'industrie.

J'en viens maintenant aux propositions formulées par l'UDES dans le cadre du débat sur le CICE. S'agissant du secteur associatif, dont on a rappelé les difficultés, nous avons proposé une compensation sur la taxe sur les salaires, à laquelle sont assujetties l'ensemble des associations relevant de l'article 1679 A du code général des impôts, pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Nous souhaitons, dans cette perspective, une réforme structurelle de la taxe sur les salaires, dont le coût global, estimé à 700 millions d'euros, pourrait être prélevé sur les 20 milliards du CICE. Nous avons défendu cette idée auprès de Benoît Hamon lorsqu'il était ministre délégué à l'économie sociale et solidaire, du Premier ministre, Manuel Valls, du ministre du travail, François Rebsamen, et du cabinet de Mme Delga. Mais ces différentes actions n'ont pas abouti.

Toutefois, nos interlocuteurs reconnaissent les difficultés rencontrées par les associations placées en situation de concurrence. Si chacun est conscient de ces difficultés et de la nécessité de trouver une solution, il semble que celle-ci ne puisse pas reposer sur la taxe sur les salaires. En effet, non seulement d'autres secteurs sont assujettis à cette taxe, notamment la banque et les assurances, mais une partie du produit de la taxe sur les salaires sert à financer la protection sociale et les politiques familiales. Il nous est donc difficile d'obtenir gain de cause en la matière. En tout état de cause, cette proposition soulève la question de l'évolution globale de la fiscalité du secteur à but non lucratif, notamment associatif. Ainsi, Bercy considère aujourd'hui que les associations en situation de concurrence devraient être assujetties à l'impôt sur les sociétés de droit commun. Or cela pose de véritables problèmes au regard de la spécificité du secteur associatif.

Notre proposition n'ayant pas rencontré un accueil favorable, nous avons décidé de confier au cabinet d'avocats fiscalistes Delsol une étude globale sur la fiscalité du secteur à but non lucratif. Nous disposerons de cette étude fin septembre ou début octobre, mais nous avons d'ores et déjà pu prendre connaissance d'éléments très intéressants qui pourraient être utiles aux cabinets ministériels dans la recherche d'une solution aux difficultés liées à la non-application du CICE au secteur associatif. Cette étude porte en particulier sur les secteurs des services à la personne, de l'animation périscolaire, de la petite enfance et sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous avons adressé aux établissements concernés un questionnaire afin de connaître les difficultés que soulève l'application du CICE. En tout état de cause, si l'on considère la fiscalité du secteur à but non lucratif de manière globale, il faut tenir compte non seulement de l'impôt sur les sociétés, mais aussi de la TVA, de la taxe d'apprentissage et de la contribution économique territoriale, d'un côté, de la taxe sur les salaires et de la taxe d'habitation, de l'autre.

Le système fiscal français étant particulièrement complexe, il convient de préciser que les associations à but non lucratif sont assujetties à un impôt sur les sociétés (IS) à taux réduit dès lors qu'elles ont des revenus patrimoniaux ou des revenus de placement. Peut-être est-ce là une piste : les associations pourraient bénéficier d'un crédit d'impôt sur cet IS à taux réduit, ce qui présenterait l'avantage de ne pas remettre en cause la dynamique du pacte de responsabilité, qui repose sur l'IS.

Par ailleurs, ces quatre secteurs ne sont pas soumis au même régime de TVA. Le secteur de l'animation périscolaire et celui de la petite enfance en sont entièrement exonérés. Les EHPAD se voient appliquer un taux différent – de 5,5 % à 20 % – selon qu'il s'agit d'une structure à but lucratif ou à but non lucratif. Quant à l'aide à domicile, les structures à but non lucratif sont exonérées alors que les structures à but lucratif se voient également appliquer un taux différent – 5,5 % ou 20 % – selon qu'elles sont agréées ou déclarées. Une telle complexité soulève des difficultés évidentes.

L'étude en cours nous permettra donc non seulement d'évaluer les conséquences sur la concurrence du traitement différent réservé au secteur à but lucratif et au secteur à but non lucratif, mais aussi de souligner que, au-delà du relèvement de l'abattement de la taxe sur les salaires – qui est important, mais n'a guère d'impact sur les associations fortement développeuses d'emploi –, il conviendrait d'instaurer un CICE spécifique pour ces structures ou de faire évoluer l'abattement de la taxe sur les salaires en le rendant progressif en fonction de la masse salariale.

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