Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 18 février 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente :

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à cette table ronde intitulée « Vers une Union économique, monétaire et sociale », consacrée à envisager le volet social de l'Union économique et monétaire (UEM), à travers la prise en compte de la dimension sociale au même titre que la dimension économique, et non plus de façon marginale. Peut-être notre commission se montre-t-elle exigeante en la matière, mais la récession dans laquelle nous sommes entrés en 2008 – et que le commissaire Andor a qualifiée ici même il y a quelques jours de « grande récession » – ne nous laisse aucune alternative.

Depuis la crise financière de 2008, l'UEM a considérablement renforcé sa gouvernance, en se dotant d'une procédure de surveillance budgétaire et macro-économique appelée « semestre européen » – une notion dont il nous faut constamment expliquer le sens à nos concitoyens tant elle relève de la technicité bruxelloise. Parallèlement, alors que les conséquences économiques et sociales de la crise actuelle ont touché l'ensemble des États membres, certes dans des proportions variables, s'est imposée l'évidente nécessité de définir, dans le cadre de l'UEM, un ensemble d'initiatives afin de renforcer sa dimension sociale.

Soyons clairs : il ne s'agit en aucun cas de mettre en place un modèle social unique qui ferait fi des histoires et particularismes des modèles sociaux nationaux, mais bien de favoriser la prise en compte de la dimension sociale et de l'impact social de l'UEM, sur la base d'une convergence des garanties sociales, et ce pour deux raisons. D'une part, il convient de signifier à nos concitoyens que nous travaillons pour eux et que l'Europe est à leur service et non à celui des seuls marchés financiers. D'autre part, la crise économique et financière continuant malheureusement à produire ses effets dévastateurs, il est nécessaire d'en compenser les effets ainsi que ceux des politiques d'austérité nationales, en menant une action volontaire au niveau européen en faveur de l'emploi et de l'investissement social.

De fait, une union monétaire efficace doit pouvoir nous permettre de répondre aux conséquences sociales des réformes qui s'imposent pour stimuler l'emploi, la croissance et la compétitivité, et également de détecter et résoudre les problèmes les plus graves qui se posent dans l'ensemble de ses États membres en matière sociale et d'emploi.

Répondant à une demande du Conseil européen du mois de décembre 2012, la Commission européenne a ainsi souligné, dans une communication du 2 octobre 2013 intitulée « Renforcer la dimension sociale de l'Union économique et monétaire », la nécessité de renforcer la coordination et la surveillance des politiques sociales et de l'emploi au sein de l'UEM et d'encourager la convergence dans ces domaines. La Commission a notamment proposé la création d'un nouveau tableau de bord afin de permettre une identification plus précise et plus précoce des grands problèmes sociaux et d'emploi dans le cadre du semestre européen. Elle a ainsi proposé de retenir cinq indicateurs : le taux de chômage et son évolution ; le taux de jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET), ainsi que le taux de chômage des jeunes ; le revenu brut réel disponible des ménages ; le taux de risque de pauvreté de la population en âge de travailler ; les inégalités.

Nous avons été nombreux, lors de la conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière qui s'est tenue du 20 au 22 janvier dernier à Bruxelles, à demander que ce tableau de bord soit complété. Pour ma part, j'estime que ces indicateurs doivent, de surcroît, revêtir un caractère contraignant et qu'il nous faut compléter la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et des déficits publics excessifs par une véritable surveillance des déséquilibres sociaux. De plus, la dimension sociale de l'UEM devrait être présente tout au long du semestre européen, et non seulement lors de l'examen annuel de croissance. La Commission européenne et le Conseil devraient utiliser le tableau de bord social pas seulement comme un simple instrument de constat, mais comme un outil d'intégration de la dimension sociale dans la définition des orientations des politiques économiques. Les recommandations-pays devraient également accorder une plus grande place au volet social des politiques économiques. Les politiques sociales et de l'emploi feraient ainsi l'objet d'une surveillance multilatérale permettant la diffusion des bonnes pratiques. Je ne fais ici que reprendre ce qui a été affirmé par la majorité des parlementaires nationaux présents à Bruxelles lors de cette conférence.

Afin de faire progresser notre réflexion sur ces sujets, je souhaiterais vous poser quatre questions : comment donner une réalité quasi « incarnée » à l'Europe sociale, de telle sorte que nos concitoyens prennent conscience de ce que fait l'Europe en matière sociale ? Rappelons que le Fonds social européen ( FSE ) représente à lui seul 10 % du budget total de l'Union. Comment faire en sorte que la dimension sociale de l'Union européenne ne reste pas un concept théorique mais s'inscrive dans la réalité ? Nous entendons souvent, en effet, que Bruxelles est lointaine et technocratique. Comment améliorer la gouvernance sociale de l'UEM ? Enfin, que penser de l'idée d'instituer des stabilisateurs au niveau européen, sous forme d'assurance-chômage ou encore de revenu de base ?

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