Intervention de Anne Bucher

Réunion du 18 février 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Anne Bucher, directrice des réformes structurelles et de la compétitivité à la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne :

Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à un débat national sur le volet social de l'UEM. Ceux d'entre vous qui ont rencontré le commissaire Andor disposent déjà d'éléments de réponse aux questions qui viennent d'être posées. Je me contenterai donc de rappeler où nous en sommes du traitement de la dimension sociale de l'UEM.

Bien que les États membres se soient fixé des objectifs communs en matière d'emploi, de protection sociale et d'éducation dans le cadre du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les instruments pour y parvenir restent essentiellement dans le champ des politiques nationales. Nous nous trouvons, en effet, dans un domaine où le principe de subsidiarité joue pleinement et dans lequel il est très difficile de progresser.

La crise a mis en lumière une régression sur deux fronts : d'une part, l'Europe n'est plus source de prospérité mais est confrontée à des niveaux durables de chômage ainsi qu'à un accroissement de la pauvreté ; d'autre part, c'est un mouvement de divergence, et non de convergence, qui s'est exercé sur le continent, si bien que les disparités entre niveaux de chômage n'y ont historiquement jamais été aussi élevées qu'aujourd'hui.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Tout d'abord, le type de surveillance que nous avons instauré, parce qu'il était essentiellement axé sur l'aspect budgétaire, ne nous a pas permis d'enrayer des politiques nationales préjudiciables et insoutenables à long terme. Nous y avons donc remédié en élargissant la discussion budgétaire et en instituant la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques. Ensuite, nous savions que les États membres n'adhéraient pas à une Union économique et monétaire constituant une zone monétaire optimale, mais nous espérions que les mécanismes mis en place ainsi que l'expérience communautaire permettraient une convergence. Or les défaillances dans l'architecture de la zone euro ont eu des conséquences dramatiques.

Parce que la crise était d'ordre financier, nous nous sommes fixé comme priorité l'institution d'une union bancaire : l'excès de liquidités a, en effet, montré que si les banques fonctionnaient selon des règles nationales, les flux transnationaux de capitaux n'étaient pas forcément investis dans des pays tels que l'Espagne ou l'Irlande, et ne permettaient donc pas d'assurer une convergence entre les différents taux de croissance mais induisaient plutôt une divergence.

En septembre 2013, nous sommes revenus, sur la dimension sociale de l'UEM : même si la réponse que nous avons apportée à la crise au niveau européen a permis de préserver l'intégrité de la zone euro et de restaurer la confiance sur les marchés financiers, les perspectives économiques n'en demeurent pas moins sombres : la croissance reste faible et le taux de chômage élevé ; le taux de chômage de longue durée augmente et la pauvreté s'accroît sur différents segments de la population dans les pays situés en périphérie de la zone euro. Il nous a donc paru urgent de discuter de la dimension sociale de l'UEM et de l'intégrer parmi nos critères de surveillance. Tel fut l'objet de notre communication de septembre dernier.

D'aucuns estiment que l'intégration de tels indicateurs n'est pas suffisamment ambitieuse. C'est pourtant la première fois que nous nous mettons d'accord, dans le cadre d'une surveillance essentiellement macroéconomique, sur des indicateurs couvrant un large champ des politiques sociales incluant les questions d'emploi, d'inégalités et de pauvreté, et mettant l'accent sur les difficultés des jeunes à accéder à l'emploi ou à la formation. Peut-être les indicateurs retenus ne sont-ils pas contraignants – de toute façon, nous ne disposons pas toujours des prérogatives, ni au niveau national ni au niveau européen, pour obtenir des objectifs chiffrés en ce domaine. Cependant, ces indicateurs seront utilisés pendant tout le processus de surveillance : non seulement au moment de l'élaboration de nos orientations annuelles de croissance, mais aussi dans le cadre de notre analyse des déséquilibres macroéconomiques et des conséquences sociales des ajustements apportés. Qui plus est, nous prévoyons de mieux prendre en compte les aspects sociaux dans nos recommandations aux différents pays.

Au sein de cette dimension sociale, nous avons également mis l'accent sur la mobilité intra-européenne et sur le renforcement du dialogue social, qui repose sur la consolidation des plateformes existantes : le comité du dialogue social, le dialogue macroéconomique et le sommet social tripartite.

Quant à la solidarité européenne, elle trouve sa traduction budgétaire dans le Fonds social européen qui y devrait consacrer 20 % de ses ressources, grâce aux décisions courageuses que nous avons prises pour le nouveau cadre financier pluriannuel. Nous avons également dégagé 6 milliards d'euros pour soutenir l'emploi des jeunes dans les régions où le taux de chômage de cette population est supérieur à 25 %. Bref, nous avons fourni un effort par le biais même des instruments budgétaires communautaires existants afin que des ressources significatives soient orientées vers le capital humain et les questions sociales.

Dans le cadre de notre réflexion sur les exigences minimales de fonctionnement de l'Union monétaire, tout le monde reconnaît qu'il nous faudrait nous doter d'une capacité de stabilisation conjoncturelle pour permettre aux États membres qui se heurtent à des problèmes de liquidité de faire appel à des ressources mutualisées au niveau de la zone euro. Dans la mesure où l'appartenance à une zone monétaire élimine l'instrument de change, le marché du travail doit gagner en flexibilité, tant en termes d'emploi que de salaires, et les mécanismes de compensation qui interviennent doivent être d'un niveau plus élevé. C'est d'ailleurs pourquoi le Conseil soutient l'idée que nous devons nous doter d'une capacité budgétaire pour la zone euro, qui ait, à moyen terme, une fonction de stabilisation. La possibilité d'assurer cette fonction de stabilisation grâce à un fonds de chômage européen a été envisagée et reste ouverte. Reste que pour résoudre toutes ces questions, il faudra malheureusement en passer par une modification du traité de l'Union ; leur traitement n'évoluera donc pas dans les douze prochains mois.

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