Intervention de Nicole Alix

Réunion du 18 février 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Nicole Alix, administratrice déléguée et trésorière de Confrontations Europe :

Confrontations Europe vous présentera un point de vue plus modeste et plus extérieur sur ce sujet. Ayant publié, en 2012, une réflexion sur un Pacte européen pour des infrastructures sociales, c'est sur ce point que je centrerai mon propos.

Confrontations Europe présente la particularité de relier les échéances politiques aux investissements de long terme. Nous lançons donc aux Européens de bonne volonté un appel en faveur d'un contrat de reconstruction. Tout en soulignant l'immense apport de l'Union européenne, nous considérons qu'elle présente des vices de construction majeurs et que, pour réduire les écarts de compétitivité entre les différents pays, et, en leur sein, entre les différentes branches d'activité, il nous faut investir dans des solidarités productives. C'est ainsi que nous pourrons combattre la fragmentation et la division, et nous semble, de surcroît, plus bénéfique que d'adopter des règles uniformes. Dans cet appel, que je vous invite à signer sur notre site, nous indiquons que « les investissements à long terme pourront donner sens à l'Union et les projets seront portés par les entreprises, les collectivités publiques et l'économie sociale et solidaire ». Nous expliquons ensuite que les processus d'élaboration et de valorisation de projets ne vont pas de soi à l'heure actuelle.

S'agissant des infrastructures sociales, le tableau de bord des indicateurs sociaux et d'emploi comprendrait les cinq indicateurs suivants : le chômage, le chômage des jeunes, le revenu brut réel disponible des ménages, le taux de risque de pauvreté de la population, les inégalités. Le Parlement européen ayant évoqué la possibilité de compléter cette liste, il pourrait être pertinent, en matière de taux de pauvreté, de distinguer entre les pays disposant d'infrastructures sociales de formation, de santé et à d'accompagnement du vieillissement et les pays qui en sont dénués. Peut-être pourrait-on également retenir un taux de services d'intérêt général ou encore un taux d'infrastructures sociales. À cet égard, je vous renvoie aux travaux de la Conférence des régions périphériques maritimes d'Europe de septembre 2013 sur le nouveau modèle de gouvernance économique européenne, qui comportent des propositions de régionalisation, et, d'autre part, aux propositions de l'Association des régions de France (ARF) en faveur de l'introduction d'indicateurs synthétiques de développement durable et d'indicateurs de contexte tels que le taux de création d'entreprises, la qualité de l'air ou encore la part de la population qui adhère à une association. Mme Bucher a indiqué tout à l'heure que la Commission ne souhaitait pas seulement réagir aux indicateurs sociaux mais qu'il conviendrait de les prendre en compte dans le jugement porté sur les politiques économiques. Nous pourrions nous servir de ces indicateurs pour promouvoir les infrastructures sociales.

L'initiative de MM. Barnier, Tajani et Andor en faveur de la promotion des entreprises et des infrastructures sociales, si elle offre des perspectives nouvelles, présente néanmoins des ambiguïtés : on ne sait guère à quoi correspondent véritablement ces entreprises sociales, tant et si bien que pourrait en être retenue une définition qui ne nous permettrait pas d'appréhender la nécessaire hybridation des ressources. De fait, nous continuons à éprouver des difficultés à mélanger le marchand et le non marchand, l'économique et le social, que ce soit pour les règles applicables aux structures proposant ces services ou pour hybrider des ressources de nature diverse, ou même d'ailleurs pour les aides d'État, les marchés publics et les financements privés. En outre, il convient d'adopter une vision ouverte de ces infrastructures et entreprises sociales. Les formations professionnelles initiale et continue constituent des services d'intérêt général nécessaires au développement des biens privés – or plus il y a de biens privés, plus l'on a besoin de biens publics. Qui plus est, l'importance des biens immatériels va croissant. Peut-être l'idée d'hybridation des ressources pourrait-elle être promue dans le cadre de la conférence qui se tiendra à Milan sur le nouveau système de protection sociale, sous la présidence italienne de l'Union européenne.

Enfin, en ce qui concerne la règle d'identification et de valorisation des investissements de long terme, le repérage des projets d'intérêt général est de plus en plus souvent effectué à distance selon des logiques et des méthodes de décision empruntées aux marchés financiers. Par conséquent, peu nombreux sont ceux qui acceptent de parier sur un avenir commun. Beaucoup se réfugient, au contraire, dans des décisions de court terme, les seules raisonnables à leurs yeux. Je manque de temps pour vous exposer tous les méfaits des systèmes de notation qui deviennent vraiment la règle. Reste qu'il serait bénéfique d'établir un lien entre le volet social de l'Union économique et monétaire, le mode de valorisation et de décision des investissements et les décisions prises dans le cadre d'accords fixant des normes comptables internationales, tels que Bâle 3 ou Solvency II.

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