Les recommandations de la Commission européenne en matière salariale sont souvent mal comprises. Parfois, comme dans le cas de la Slovénie, nous avons adressé le mécanisme de fixation des salaires, soulignant que l'évolution du salaire minimum devrait tenir compte des besoins du marché du travail ; mais nous n'avons pas émis d'instructions sur son niveau. Nos avis suivent une logique : lorsqu'on partage une monnaie unique, on adhère à un objectif d'inflation commun, actuellement fixé à 2 %. Dans le cadre du Pacte pour l'euro plus, les États membres de la zone euro – et non la Commission – ont reconnu que les clauses d'indexation n'étaient pas compatibles avec cet objectif. Or durant les dernières décennies, les augmentations de salaires dans certains pays sont allées bien au-delà de ce que pouvaient garantir les gains de productivité, ce décalage entraînant des pertes de parts de marché à l'exportation. Nous recommandons donc une série de corrections possibles : baisse du niveau de salaire minimum, mais aussi modification de la structure de production entre le secteur manufacturier et celui des services ou encore ralentissement de l'augmentation des salaires par rapport aux prix. Mais nous n'empiétons ni sur le dialogue social, ni sur l'indépendance des partenaires sociaux en matière de négociation dans les conventions collectives.
Lorsqu'on se demande jusqu'où on peut aller en matière d'harmonisation des politiques sociales, il faut se rappeler que la gouvernance budgétaire, telle qu'elle a été négociée, joue sur les soldes et les stocks : on regarde le déficit, mais non les modalités de l'ajustement budgétaire ; le niveau d'endettement, mais non les causes de celui-ci. En effet, l'idée que le niveau de fiscalité et l'agencement des dépenses publiques doivent relever des préférences nationales fait l'objet d'un large consensus.
S'agissant du budget européen et de celui de la zone euro, l'instrument de convergence et de compétitivité (ICC) n'est pas conçu pour financer l'éducation au Portugal, qui relève des fonds structurels. Les outils destinés à la zone euro ne devraient pas dupliquer des instruments de cohésion sociale qui existent déjà pour l'Union à vingt-huit, mais constituer des mécanismes budgétaires complémentaires. Minimalistes, nous avons ainsi proposé, dans le cadre de l'union bancaire, de créer un fonds destiné à la restructuration des banques et à la résolution des crises. De même, l'ICC offrirait des incitations financières – et non un financement – aux États membres ayant besoin de conduire des réformes, qui ne seraient en aucun cas imposées par Bruxelles. Mais ce mécanisme ne saurait remplacer les fonds structurels, ni servir à financer le déficit actuel de l'éducation au Portugal ou en Italie.
De même, puisque le cycle économique peut amener certains pays d'une union monétaire à manquer de liquidités, il faut imaginer des mécanismes pour y faire face. Cependant, nous disposons déjà d'outils de mutualisation des fonds au niveau communautaire, tels que le MES ; on peut également songer à des instruments de prêt ou de transfert budgétaire. Si, à l'heure actuelle, les États membres semblent plutôt réticents à avancer plus avant dans la mutualisation, certains d'entre eux se montrent néanmoins favorables à la création d'un dispositif de prêt dans le cadre de l'ICC. Les nouveaux mécanismes de la zone euro – appelés à progresser dans le futur – démarreront sur une base assez modeste, voire reposeront dans un premier temps sur les outils de prêt existants, sans disposer de ressources de transfert additionnelles. Quoi qu'il en soit, pour que les solutions retenues bénéficient de la légitimité démocratique, cet enjeu ne doit pas rester au niveau intergouvernemental, mais faire l'objet d'un débat au Parlement européen ; c'est dans ce sens que vont nos propositions.