La crise migratoire est un défi majeur que devront relever les différents gouvernements qui succéderont au vôtre, monsieur le ministre. C'est une réalité : nous n'en sommes qu'au début.
Je me félicite que l'on mette en oeuvre une politique de coopération avec les pays tiers : c'est ce que je demandais dans les premiers communiqués que j'ai publiés sur le sujet.
Cette affaire inspire néanmoins un double malaise. Le premier est suscité par l'attitude de l'Allemagne. Je sais bien qu'officiellement tout baigne au sein du couple franco-allemand, moteur de l'Europe – un moteur diesel ? C'est le discours officiel : « Embrassons-nous Folleville », il n'y a aucun problème, nous sommes solidaires de l'Allemagne, etc. Je regrette, mais l'Allemagne ne semble guère solidaire de la France ni des autres États. Voyons les choses en face : Mme Merkel a commis une faute monumentale en annonçant que le pays attendait 800 000 réfugiés, et elle est maintenant confrontée à de graves problèmes internes qui ne vont faire que croître et embellir. On n'a pas le droit que dire que tout va bien. Tôt ou tard, il faudra s'expliquer ; cela ne signifie pas que l'on va se fâcher – de toute façon, l'Allemagne est un partenaire obligé.
Le second sujet de malaise est la Turquie. Il y a là un gros problème, que le voyage de Mme Merkel a d'ailleurs aggravé. À cet égard, la question posée par François Fillon tout à l'heure en séance n'avait rien d'inopportun. À ce propos, monsieur le ministre, le Gouvernement n'a rien dit sur le discours scandaleux de M. Erdoğan à Strasbourg, un discours qui a été tenu dans des conditions rocambolesques – je pense par exemple à la manière dont les journalistes femmes ont été dirigées vers une partie de la salle pour ne pas être mêlées aux autres. Cet accueil de 12 000 Turcs avait paraît-il été interdit dans les Länder allemands. Mais nous, nous leur ouvrons les bras, sans rien dire ! C'est une violation directe de la souveraineté française. J'ai posé une question écrite au Gouvernement à ce sujet.
En outre, on connaît la duplicité de la politique étrangère de la Turquie dans la région. Je la dénonce depuis longtemps, Mme Guigou le sait bien. Pourtant, je le répète, la Turquie est un partenaire incontournable en Méditerranée. C'est une grande puissance. Mais, là aussi, il faudra bien que nous ayons quelques explications avec son gouvernement, qui incarne parfois l'archétype même de la duplicité.
Enfin, en ce qui concerne Frontex et la directive Retour, cessons de nous illusionner. Ce n'est pas Frontex, même avec un corps européen, qui va empêcher les flux migratoires, ou alors vous en viendrez à construire un véritable mur tout le long des frontières européennes, comme entre les États-Unis et le Mexique. C'est une refonte de l'ensemble du système qu'il faut, une politique qui dise clairement : « désolés, on ne rentre pas en Europe ». Bien sûr, nous devons étudier la situation des personnes qui peuvent relever de la convention de Genève, qui nous lie. Mais nous ne pouvons continuer ainsi. Il faut dépasser l'utopie, monsieur le ministre !
Quant à la directive Retour, j'aimerais bien savoir comment cela va se passer, car le problème n'est pas la politique de retour, mais l'accueil dans les États où les migrants doivent rentrer. J'attends donc de voir ce qui va ressortir du sommet de La Valette.