Intervention de Harlem Désir

Réunion du 20 octobre 2015 à 17h15
Commission des affaires européennes

Harlem Désir, secrétaire d'état chargé des affaires européennes, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international :

Merci à tous de vos questions et interventions.

En ce qui concerne la Turquie, le contexte est particulier, mais nous ne l'avons pas choisi. C'est vrai, il y a des élections en Turquie ; on ne peut remettre pour autant les partenariats et les négociations en cours avec ce pays à des échéances considérées comme plus favorables, à un moment où certains problèmes politiques seraient supposés résolus. Car il y a urgence, pour l'Europe comme pour la Turquie. Nous avons engagé des discussions pour réagir au fait que les frontières entre la Turquie et l'Union européenne n'étaient plus maîtrisées. Il ne pouvait y avoir de préalable à cette réaction ; chacun ici en conviendra.

Un processus de discussion très précis est donc désormais engagé entre la Commission européenne et la Turquie. Des chefs d'État et de gouvernement peuvent évidemment être amenés à avoir eux-mêmes des échanges avec la Turquie ; c'est ainsi que la chancelière Merkel était sur place il y a quelques jours. Mais c'est la Commission qui prend part aux discussions, notamment par la voix de son vice-président Frans Timmermans, lequel s'est rendu la semaine dernière en Turquie pour présenter le plan qui allait ensuite être soumis à l'approbation du Conseil européen. De même, c'est le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, et celui du Conseil, Donald Tusk, qui ont reçu le président Erdoğan lorsqu'il est passé à Bruxelles, afin de débattre avec lui du contenu de ce plan. Et c'est collectivement que les chefs d'État et de gouvernement ont pris des décisions sur les éléments du plan au cours du Conseil européen.

S'agissant de la Libye, Joachim Pueyo l'a souligné, le rejet de la proposition des Nations Unies et de son représentant spécial, M. Bernardino León, fait perdurer le chaos dans le pays. Nous soutenons pleinement les efforts de M. Bernardino León. À plusieurs reprises au cours des derniers jours, un appel unanime a été lancé par l'Union européenne, par les ministres des affaires étrangères, par les chefs d'État et de gouvernement, pour que, des deux côtés, dans le fameux parlement de Tobrouk, que l'on appelle la Chambre des représentants, comme au sein du Congrès général national de Tripoli, qui est l'ancien parlement, les modérés, qui étaient partisans de l'accord, soutiennent véritablement l'instauration du futur gouvernement d'union nationale sans laisser des jusqu'au-boutistes ou des extrémistes dicter l'évolution de la situation. Nous sommes mêmes favorables à ce que le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies adopte des sanctions individuelles contre ceux qui, des deux côtés, empêcheraient la mise en oeuvre de cet accord d'union nationale, absolument indispensable à l'avenir de la Libye et à la stabilité de la région. C'est ce chaos, en effet, qui permet que s'implantent et prospèrent des groupes de trafiquants, mais aussi des groupes terroristes, notamment dans les régions de Derna et de Syrte où des groupes se sont affiliés à l'État islamique.

C'est une priorité pour l'Europe, qui appuie sans réserve les efforts des Nations Unies. Concrètement, cela implique de convaincre plusieurs États voisins de la Libye, mais aussi d'autres pays qui jouent un rôle dans cette affaire, qui entretiennent une proximité avec les acteurs – certains pays du Golfe, la Turquie –, de ne soutenir qu'une seule solution : celle qui a été proposée par les Nations Unies.

J'en viens à la Tunisie. Pour nous, ce pays doit faire l'objet d'un soutien prioritaire. Il passe par le programme de soutien au développement économique, qui est très important, dans le cadre de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Tunisie ; mais aussi, dans le domaine précis du contrôle des frontières, dont les attentats en Tunisie ont souligné l'urgence, par un budget de 23 millions d'euros, financé notamment par la France et l'Allemagne, pour former des garde-frontières et des douaniers et moderniser les postes-frontières en Tunisie, en particulier entre ce pays et la Libye.

Madame Ameline, vous avez vous aussi insisté sur la situation en Libye – j'ai partiellement répondu – et sur la mission du SEAE. Celui-ci est chargé de défendre les priorités de politique étrangère commune des États membres ; c'est ce que fait Mme Mogherini, qui est à sa tête en tant que Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en particulier dans ses démarches vis-à-vis de l'ensemble des États membres de l'ONU qui peuvent jouer un rôle en Libye. En effet, nombre des factions qui se partagent le territoire libyen sont plus ou moins soutenues par des États de la région, des États frontaliers ou d'autres États du Moyen-Orient. Dans ce contexte, le SEAE est tout entier mobilisé pour trouver une solution.

Vous avez également abordé les relations franco-allemandes, de même que la présidente Élisabeth Guigou et nombre des intervenants. En premier lieu, il est absolument certain qu'aucune décision ne peut être prise en Europe sans un accord entre la France et l'Allemagne, dans quelque domaine que ce soit. Cela vaut qu'il s'agisse de la Grèce, comme en juillet dernier, d'imposer d'une même voix une solution de paix entre l'Ukraine et la Russie, ou, comme aujourd'hui, de réagir à la crise des réfugiés : si la France et l'Allemagne, dont les positions peuvent différer à l'origine, ne font pas en sorte de les rapprocher et de défendre la même, l'Europe est bloquée. Il s'agit donc d'un impératif et d'un devoir. De telles relations sont celles que nous voulons entretenir avec l'Allemagne indépendamment des urgences, mais elles deviennent une nécessité absolue en période de crise.

En ce qui concerne la crise des réfugiés, nous avons toujours défendu l'équilibre entre solidarité, accueil, droit d'asile, d'une part, et maîtrise, contrôle des frontières, organisation des retours, d'autre part. C'est cet équilibre, à propos duquel toute l'Europe se retrouve aujourd'hui, qui permettra qu'ensemble – la France, l'Allemagne, la Commission européenne, tous les États membres – nous apportions une réponse à cette crise.

S'il a pu exister entre nous des différences d'appréciation, il n'y en a aucune quant aux valeurs. N'oublions pas les attaques qui se sont produites depuis le début de l'année contre des foyers de réfugiés, les manifestations de haine dans la rue, les actions violentes, dont celle qui vient de viser une candidate aux élections municipales à Cologne. La chancelière Merkel a voulu répondre à ces manifestations d'hostilité vis-à-vis des réfugiés en encourageant l'humanisme, l'accueil, la fidélité aux valeurs de l'Union européenne. Nous la soutenons pleinement dans cette démarche, comme lorsque l'Allemagne appelle de ses voeux la solidarité européenne en matière d'accueil des réfugiés. Mais nous avons aussi défendu l'idée que celui-ci devait se faire avec méthode, à partir des hotspots, des premiers points d'entrée dans l'Union européenne. Aujourd'hui, les positions se sont ajustées pour aboutir à une attitude commune.

Marietta Karamanli a demandé des précisions sur les crédits. Il existe un ensemble de décisions budgétaires, dont certaines ont été évoquées lors de la discussion sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. En effet, la Commission européenne a été amenée à demander le soutien des États membres et du Parlement européen, lequel a déjà voté un budget rectificatif, afin de rendre disponibles les fonds nécessaires à la mise en oeuvre des décisions prises. Car celles-ci comportent bien un volet budgétaire.

Au total, il faudra 1,7 milliard d'euros supplémentaire sur deux ans, selon l'évaluation de la Commission. Pour 2015, l'enveloppe sera d'environ 800 millions d'euros, issus d'un budget rectificatif, pour 400 millions, ainsi que de la mobilisation de l'instrument de flexibilité. Il a également été décidé une utilisation additionnelle de l'aide humanitaire. La répartition est la suivante : 100 millions d'euros pour le Fonds asile, migration et intégration (FAMI) et le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI) ; 1,3 million pour les agences qui s'occupent des politiques de contrôle des frontières – Frontex, le Bureau européen d'appui en matière d'asile et Europol ; au titre de l'assistance aux pays tiers, 300 millions d'euros destinés au fonds Madad pour la Syrie et les pays voisins, qui sera ainsi porté à 500 millions d'euros. Enfin, 200 millions proviennent de redéploiements de crédits. Il faut aussi compter avec les aides au HCR et au PAM.

Le total est très élevé. Il atteindra 900 millions d'euros en 2016. Ce dossier est en effet devenu une priorité budgétaire.

Une partie des fonds destinés aux pays voisins ira à d'autres pays que la Turquie : le Liban et la Jordanie. Pour l'instant, l'Union européenne n'a pas présenté de ventilation par pays, monsieur Hamon. Les réfugiés syriens au Liban représentent 30 % de la population, ce qui risque de compromettre les équilibres religieux et culturels du pays. Le HCR et le PAM se sont trouvés à court de moyens en Liban comme en Jordanie. Les États membres doivent donc se mobiliser bien davantage pour financer les nouvelles dépenses inscrites dans le budget européen, mais aussi au niveau bilatéral. Le président Juncker les a ainsi appelés à abonder ces agences des Nations Unies. Si on ne le fait pas, il ne faudra pas s'étonner de voir arriver une grande partie de ces réfugiés, puisque la plupart des réfugiés de la crise syrienne se trouvent encore en Syrie ou dans les pays voisins. Voilà pourquoi il est indispensable – et il est encore temps – d'apporter une aide conséquente à ces pays ainsi qu'aux agences des Nations Unies concernées.

Y a-t-il eu une discussion sur un échange entre un assouplissement de l'austérité en Grèce et l'accueil ou le maintien sur place des demandeurs d'asile ? Non : il n'existe ni ne peut exister de discussion de ce genre. Ce sont deux sujets entièrement différents.

En revanche, les discussions se poursuivent à propos de la mise en oeuvre du programme d'aide à la Grèce ; le Président de la République sera cette semaine en Grèce, avec une délégation de plusieurs membres du Gouvernement, pour soutenir les autorités et s'assurer que les « institutions » – la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et la Commission européenne – accompagnent le pays dans son redressement économique. À l'heure où la Grèce applique des réformes très difficiles et très courageuses, il faut en effet soutenir les investissements et la croissance ; il est également nécessaire que les projets de développements bénéficient d'appuis au niveau bilatéral, de la part de la France comme des autres pays de l'Union.

Il n'y a aucune négociation en cours qui porterait en même temps sur les conditions d'accueil des réfugiés. Simplement, il faut aussi aider la Grèce à installer les hotspots, et le Premier ministre Alexis Tsipras a souligné lors du Conseil européen que ce serait coûteux et difficile. Mais ni lui ni le président du conseil italien – je mets de côté la demande, formulée par l'Italie et l'Autriche, que soient décomptées dans le Pacte de stabilité et de croissance les dépenses nationales liées à la crise des réfugiés – n'ont subordonné à l'obtention d'une aide supplémentaire l'exercice de leurs responsabilités en matière de contrôle des frontières. Ils ne font que discuter avec la Commission des aides qui vont leur être apportées pour mettre en place les hotspots – sachant que le chiffre de six hotspots pour chacun de ces deux pays n'est peut-être pas définitif.

« More for more », « donner plus pour recevoir plus », est l'un des concepts en discussion dans le cadre de la politique de développement de l'Union européenne vis-à-vis des pays en développement, notamment des pays d'Afrique ; il est en jeu dans le sommet de La Valette. Mais il fonctionne dans les deux sens. En Europe, on a tendance depuis longtemps à subordonner l'aide aux progrès accomplis par les pays partenaires. À l'origine, on visait d'ailleurs plutôt les progrès en matière de démocratie, d'État de droit, d'égalité de genre ; aujourd'hui, cela s'étend à l'immigration, au fait que ces pays acceptent les accords de réadmission. De leur côté, les pays concernés, s'ils acceptent de faire un effort de maîtrise des migrations, demandent en contrepartie qu'on leur donne les moyens d'assurer le développement économique et l'emploi, notamment pour leurs jeunes qui sont tentés d'aller en Europe.

De ce point de vue, ce principe est sain. D'ailleurs, le fait de considérer l'aide à la Tunisie comme une priorité absolue en est d'une certaine manière l'application : il ne serait pas logique que l'Europe n'aide pas un pays qui a réussi sa transition démocratique, adopté sa Constitution et organisé des élections libres de façon remarquable, qui a une société civile exemplaire, qui vient de recevoir le prix Nobel. Bref, nous devons être davantage présents auprès des pays qui en font plus pour le développement et la démocratisation.

Monsieur Myard, la question migratoire est un problème durable. Nous ferons tout pour que la crise syrienne trouve une solution le plus rapidement possible. Cela dit, si, au début, tous les réfugiés arrivant en Allemagne se disaient syriens, on sait aujourd'hui que beaucoup parmi eux sont afghans ou pakistanais. De même, ceux qui sont passés par la Libye ont été nombreux à se prétendre originaires de pays dominés par une dictature, comme l'Érythrée, alors que beaucoup viennent en réalité d'Éthiopie et d'Afrique de l'Ouest. Bref, la manière dont l'Europe est et sera confrontée à la question des migrations s'explique par les crises internationales. En effet, nous sommes entourés de foyers de crise : à l'est, la Russie et l'Ukraine, même si la situation s'apaise grâce aux accords de Minsk ; au sud-est, le Moyen-Orient ; au sud, la Libye et le Sahel. C'est donc dans une perspective durable que nous devons nous organiser.

Voilà pourquoi nous sommes en désaccord. Vous avez tort de dire que Frontex est une utopie : ce n'est pas avec vingt-huit politiques différentes que nous pourrons garantir la stabilité, la coopération avec des pays tiers et le contrôle de nos frontières. Par quelque bout que l'on prenne le problème, on constate la nécessité de faire preuve de cohérence à vingt-huit, d'appliquer des dispositifs communs, bref d'apporter une réponse européenne. Cela n'enlève rien à la souveraineté : cela ajoute à l'efficacité. Si la directive Retour n'est pas mise en oeuvre dans tous les pays, elle ne sera pas efficace. Il faut donc évidemment accroître les moyens de Frontex.

Ce qui serait illusoire, ce serait d'imaginer que Frontex va contrôler toutes les frontières de chacun des États membres de l'Union européenne : en la matière, chaque pays a des responsabilités. Mais chacun est aussi un point d'entrée dans l'Europe. Ce que veulent les personnes qui arrivent aujourd'hui en Grèce depuis la Turquie ou la Syrie, ce n'est pas venir en Grèce, c'est venir en Europe. Dès lors, il est normal que la Grèce se tourne vers les autres pays de l'Union et que nous soyons disposés à l'aider. Nous allons le faire dans le cadre commun, c'est-à-dire celui de Frontex, du Bureau européen d'appui en matière d'asile et du déploiement des garde-frontières européens qui appuieront les polices nationales de l'air et des frontières.

Quant à la Turquie, je le répète, nous n'avons pas choisi le moment où la crise s'est produite et où il nous faut discuter avec M. Erdoğan. Par ailleurs, les réunions publiques en France obéissent à des règles spécifiques que l'on ne peut abroger en fonction du jugement que l'on porte sur tel orateur ou telle personnalité. La France est un pays où chacun peut s'exprimer, dans le respect de la loi, et il n'y a pas à s'en excuser. Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur Myard, la Turquie est un grand pays et un partenaire incontournable en Méditerranée.

M. Piron a insisté sur l'appel lancé par le président Juncker aux États membres pour que tous les moyens soient mis à la disposition de la politique commune. Cet appel a été entendu ; c'était absolument nécessaire.

Quant à la Grande-Bretagne, elle n'a pour l'instant présenté aucune demande formelle dans aucun domaine : elle a simplement évoqué des thèmes à propos desquels elle va formuler des demandes. Toutefois, le Premier ministre Cameron a bien parlé des parlements nationaux dans des discours ou des interviews. Pour reprendre les termes de la présidente Guigou, il existe une marge de progression en ce qui concerne la manière dont les parlements nationaux sont associés à la définition des politiques européennes. On peut d'ailleurs se demander, s'agissant de la seule zone euro, comment ils prendraient part à l'activité du parlement que le Président de la République propose d'y instituer, et qui pourrait détenir un pouvoir budgétaire, et non simplement un rôle consultatif.

La question que pose David Cameron concerne la possibilité pour les parlements nationaux d'émettre un « carton rouge », c'est-à-dire d'exercer une sorte de droit de veto, sur des initiatives législatives de la Commission européenne. Comme il existe déjà un mécanisme qui permet à un tiers des parlements nationaux de demander une deuxième présentation, on fait l'hypothèse que la Grande-Bretagne voudrait aller plus loin. Or il importe de ne pas contredire la logique communautaire, celle qui permet à l'Europe d'avancer depuis plus de cinquante ans. Si l'on peut prendre des décisions en Europe, c'est en effet parce qu'il existe un pouvoir d'initiative de la Commission européenne, un vote à la majorité qualifiée, et parce que le droit de veto a reculé dans bien des domaines. A contrario, partout où le droit de veto subsiste et où il faut décider à l'unanimité, il est bien plus difficile d'aller de l'avant, comme on le voit en matière de fiscalité, ou au sein de l'Eurogroupe au sujet de la Grèce.

Il n'est pas possible à ce stade d'être d'accord ou non avec ce que va proposer la Grande-Bretagne, puisqu'elle n'a officiellement rien présenté. Mais, à cet égard, nous sommes très vigilants. Il ne faudrait pas que l'on réintroduise de manière déguisée le droit de veto national sur des initiatives communautaires.

Le Gouvernement s'attelle à remédier à la situation dramatique qui prévaut à Calais et que Rémi Pauvros a rappelée. Le ministre de l'intérieur s'est rendu sur place à plusieurs reprises. Il est exact que cette situation découle largement des accords du Touquet. En tout état de cause, il serait inconcevable de laisser entrer dans le tunnel les migrants qui veulent se rendre en Grande-Bretagne, en considérant que c'est à la Grande-Bretagne de contrôler la frontière de l'autre côté. Toutefois, dans le cadre des accords du Touquet, et compte tenu de la charge que fait peser sur la France ce contrôle de la frontière britannique, nous avons discuté pendant l'été avec le gouvernement britannique d'un appui plus important. La négociation a débouché sur des décisions budgétaires qui engagent plusieurs dizaines de millions d'euros. Je pourrai vous redonner les chiffres. Désormais, la Grande-Bretagne apporte donc une contribution financière bien plus importante au contrôle de la frontière. Il n'empêche que des réfugiés se trouvent sur le sol français alors qu'ils n'avaient pas l'intention de venir en France. À ceux qui sont susceptibles de relever du droit d'asile, nous faisons d'ailleurs savoir qu'ils peuvent demander l'asile en France, et certains l'ont fait. Mais la plupart veulent aller en Grande-Bretagne et nous sommes obligés de les prendre en charge, et de prendre en charge leur retour pour ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile. Cette situation est pesante, en particulier pour les communes concernées.

Je veux dire à M. de La Verpillière que la France a été très claire sur la nécessité de négocier un plan de contrôle de l'immigration et d'appui à la Turquie sans que cela ne remette en cause le processus d'examen des chapitres en vue de l'adhésion. Le Premier ministre l'a rappelé en réponse à François Fillon : des chapitres ont déjà été ouverts, sur une période de plusieurs années, bien davantage d'ailleurs sous les précédentes majorités que depuis 2012. Nous sommes favorables à l'ouverture d'autres chapitres parce qu'ils permettent de rapprocher le système législatif de la Turquie de celui de l'Union européenne, en matière économique comme dans le domaine des droits de l'homme, sans que cela préjuge de l'issue du processus. Il n'y a pour nous aucune ambiguïté sur ce point.

Pour répondre à Philip Cordery comme à la présidente Guigou : il faut évidemment aller vers une politique d'asile commune. Cela suppose que tous les pays membres aient les mêmes listes de pays d'origine sûrs ; nous avons progressé sur cette voie au cours du Conseil européen. Cela suppose aussi que tous acceptent le mécanisme de répartition voté en juillet et en septembre. Or, parmi ceux qui avaient voté contre, seule la Slovaquie dit encore envisager un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne. Tous les autres, y compris la République tchèque, ont déclaré qu'ils se conformaient à la décision prise.

Quant à une conférence internationale sur les migrations, elle nous semble indispensable, car l'Europe n'est pas seule concernée et ne peut traiter seule ces questions. En la matière, la responsabilité ne se limite pas aux pays voisins de la Syrie. Les États-Unis, qui ont certes annoncé qu'ils accueilleraient une partie des réfugiés syriens, peuvent aussi contribuer à l'effort, comme des pays d'autres régions du monde dont le Golfe. Le Président de la République a proposé que cette conférence internationale ait lieu au début de l'année prochaine.

Je pense avoir répondu pour l'essentiel aux questions d'Élisabeth Guigou. En ce qui concerne la formule d' « union sans cesse plus étroite », il a déjà été mentionné dans les conclusions d'un Conseil européen qu'à certains égards, chaque État membre pouvait l'interpréter comme il l'entendait. Pour les pays de la zone euro, cette formule signifie clairement que l'Union européenne – dont l'euro est normalement la monnaie, sauf opt out – a vocation à pousser l'intégration plus loin. Mais cette évolution n'est pas mécanique ni obligatoire dans la mesure où certains ne la souhaitent pas. Il y a là deux visions différentes de l'Europe ; celle-ci va donc avancer de manière différenciée, comme cela a été le cas avec Schengen, avec l'euro et plusieurs politiques communes. Un certain nombre de pays – le plus grand nombre, me semble-t-il, en tout cas au sein de la zone euro – estime qu'il faut accroître la coopération, l'intégration, le partage de souveraineté, dans bien des domaines. La réponse à la crise des réfugiés le montre, mais cela renvoie aussi à la politique de sécurité et de défense commune. En revanche, plusieurs autres pays ne le souhaitent pas. Il faut en tenir compte, sans empêcher l'Europe de fonctionner ni la faire régresser. En ce sens, la discussion avec la Grande-Bretagne est essentielle : nous ne voulons pas que l'on revienne sur certains acquis, y compris en ce qui concerne l'Union européenne à vingt-huit.

La relation franco-allemande est évidemment indispensable et nous discutons avec l'Allemagne de tous les sujets, y compris commerciaux. Sur l'ISDS, nous sommes aujourd'hui très proches, comme en témoignent les déclarations communes de Matthias Fekl et Sigmar Gabriel contre un arbitrage privé dans les accords de commerce. En outre, Michel Sapin et Wolfgang Schäuble ont promu au sein de l'Ecofin des mesures de durcissement de la lutte contre le financement du terrorisme et le financement du commerce des armes, qui vont de pair avec la lutte contre tous les systèmes de financement illégal, les circuits de l'argent sale et les paradis fiscaux, que nous défendons ensemble au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20.

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