Je vous remercie d'avoir souhaité m'auditionner devant les trois commissions réunies. J'ai pour ma part toujours souhaité vous associer le plus étroitement possible à l'action du gouvernement dans ce domaine.
Concernant la préparation de la conférence de Nairobi, l'enjeu est important. C'est la conférence de la dernière chance, et il est essentiel de conclure enfin le cycle de Doha. Le point de vue de la France est que la négociation doit progresser sur l'ensemble des quatre piliers comme sur chaque sujet à l'intérieur de chaque pilier, sans compromis. L'Union européenne a fait des efforts importants qui doivent être pris en compte. Je pense en particulier aux réformes de la politique agricole commune depuis plusieurs années.
J'irai moi-même plusieurs jours à Nairobi avec des principes directeurs et la conviction que nous pouvons conclure ce cycle de façon cohérente. L'éclatement des discussions commerciales n'est pas une bonne chose.
Concernant le TTIP, le premier point que je souhaite évoquer concerne la question de la transparence. La première chose que j'ai faite lorsque j'ai été nommé à ce poste a consisté à demander la transparence des négociations et du mandat. Cela a créé un précédent et il faut que la transparence devienne la règle et non l'exception.
La décision du conseil de rendre public le mandat, par ailleurs disponible sur Internet, a été une première victoire, mais un véritable changement culturel est nécessaire.
Vous, députés, aviez accès aux comptes rendus de chaque session de négociation TTIP par procédure sécurisée, mais à la suite d'une « fuite », la Commission a suspendu la transmission de ces documents par voie électronique. Désormais, seule leur consultation en salle sécurisé par l'administration est possible. La France, avec les 27 autres États membres, a vivement protesté contre cette décision. La commissaire chargée du commerce a par conséquent annoncé que les comptes rendus de chaque session seraient traduits et rendus publics. Il reste à espérer qu'ils ne seront pas vidés de leur substance, ce qui serait inacceptable.
Concernant le comité de suivi des négociations, il est important qu'y soit associés aussi bien les parlementaires que la société civile.
Le deuxième point est la question du fameux ISDS, c'est-à-dire de la procédure d'arbitrage. C'est un sujet que j'ai d'abord évoqué presque seul. Les objections que l'on m'a faites alors étaient souvent sarcastiques. Mais il s'est passé beaucoup de choses depuis quelques années, avec notamment des attaques frontales de grandes entreprises contre des politiques publiques. Cela n'est pas acceptable.
Ainsi, une stratégie a été bâtie peu à peu, et nous avons finalement proposé la création d'une cour commerciale internationale. Cette proposition française, qui a d'abord reçu peu de soutien, a été adressée à la Commission européenne au mois de juillet, et a finalement été reprise dans ses grandes lignes.
Il manque cependant à la proposition européenne deux choses qui figuraient dans la proposition française :
– le principe de quarantaine, qui empêcherait un arbitre membre de la cour de devenir ou redevenir avocat avant un certain délai, ce afin d'éviter les conflits d'intérêt ;
– le principe d'une amende pour plaintes abusives qui viserait à dissuader une grande entreprise de contester de façon frivole une politique publique.
Toutefois, la proposition européenne va dans le bon sens. Il faut que cette cour soit mise en place dans des délais raisonnables.
Concernant le fond des négociations, la commission européenne a fait des propositions offensives, mais les États-Unis n'ont rien proposé de sérieux ou de volontariste. Il en va ainsi en matière de services, d'accès aux marchés publics et de transparence. Les choses ne sont pas acceptables en l'état. Les négociations ne sont pas actuellement à la hauteur de cet enjeu majeur.
Actuellement, deux scénarios sont possibles : l'enlisement ou une accélération qui pour l'instant n'a pas lieu. La France s'est exprimée clairement : les négociations n'ont de sens que si elles sont un levier permettant à l'Europe de mettre en avant son projet politique.
Concernant la diplomatie des terroirs, la question posée est celle de l'accès aux marchés. Des progrès ont été faits avec le Vietnam, l'Afrique du Sud, Singapour, et nous avons l'espoir d'en réaliser également avec la Chine. L'agriculture française est une agriculture d'exportation, ouverte au monde. Il faut bien comprendre que la fermeture des frontières serait particulièrement néfaste pour elle.
Je souhaite enfin dire un mot sur l'Iran. Ma visite à Téhéran a été la première visite d'un ministre français chargé du commerce extérieur dans ce pays depuis douze ans. Il s'agissait d'une délégation de plus de 130 entreprises. Nous avons eu de très bons échanges, toujours en présence des entreprises. Tous les secteurs ont été représentés.
Nous avons fait établir un tableau de la levée des sanctions. Celles-ci se répartissent en trois catégories :
– les sanctions de l'ONU ;
– celles de l'Union européenne ;
– enfin, les sanctions américaines avec effet extraterritorial.
Des échanges ont lieu avec les États-Unis afin d'obtenir des clarifications sur ce dernier point.