Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 29 septembre 2015 à 18h15
Commission des affaires européennes

Matthias Fekl, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger :

Je vous remercie pour la qualité de cet échange.

Monsieur Dufau, je partage votre appréciation. Les négociations sont importantes à beaucoup de points de vue. Concernant le traité transatlantique, la France et l'Allemagne jouent ensemble un rôle important. Nous ne sommes pas d'accord sur chaque point, mais l'important est de l'être sur les principes. Si ce n'est pas le cas, il faut en parler. Concernant les différents scénarios indiqués, tous sont sur la table. Ce que j'ai dit hier l'a été en connaissance de cause.

Madame Bonneton, concernant l'acceptabilité du mécanisme de règlement des différends qui serait proposé par les États-Unis, je ne peux me prononcer car je ne connais pas encore leurs propositions. La proposition de l'Union européenne est en tout cas sérieuse, ce n'est pas une proposition de diversion.

Concernant l'accord avec le Canada, il y a eu des améliorations mais nous sommes toujours dans un mécanisme d'arbitrage privé. Le chapitre 33 doit changer de façon substantielle. C'est un problème de fond.

En ce qui concerne la coopération réglementaire, le principe d'une coopération technique ne nous pose pas de problème. Ce qui en poserait, ce serait d'une part d'être lié par cette coopération, d'autre part que le principe de réciprocité ne soit pas appliqué.

Monsieur Cinieri, l'entreprise dont vous nous avez parlé fait l'objet d'un suivi attentif de la part de notre poste. L'ambassade s'est adressée au plus haut niveau du gouvernement togolais.

Madame Bruneau, la diplomatie des terroirs, qui est une question essentielle, est active. Le Canada a reconnu 173 indications géographiques. Autre résultat récent de cette diplomatie, l'acte de Genève modifiant l'arrangement de Lisbonne reconnaît les indications géographiques, ce qui aura des conséquences concrètes. La Chine a également reconnu de nombreuses indications géographiques.

Monsieur Mariani, concernant la question d'un vote du parlement, la position de la France et de tous les États membres de l'Union européenne est qu'il s'agit d'un accord mixte, ce qui implique un vote du parlement de chaque État membre ainsi que du Parlement européen. Cette position est parfaitement claire. La Commission européenne n'a en revanche pas donné son avis à ce jour, mais ce serait un véritable coup d'État démocratique si les parlements n'étaient pas consultés sur un accord aussi important.

Pour ce qui est des sanctions contre l'Iran, les étapes de la levée sont connues.

En ce qui concerne la Russie, la position de la France et de l'Allemagne ne consiste pas à condamner la Russie en général, mais sur un point particulier. Les sanctions ont des conséquences connues. Les exportations françaises de produits sous embargo vers la Russie, c'est 220 millions d'euros, soit 33 % de nos exportations agricoles vers la Russie, notamment 80 % des exportations de viande et 41 % des exportations de produits laitiers. Au niveau macroéconomique, les exportations du secteur agro-alimentaire français vers la Russie comptent pour 0,64 % du total des exportations du secteur agro-alimentaire français depuis que les sanctions sont en place ; c'était 1,26 % avant qu'elles ne le soient.

Monsieur Roumegas, le débat relatif aux normes sanitaires et environnementales est crucial. Deux exemples illustrent la pleine mobilisation de la France sur ce sujet : d'une part, la mobilisation de notre diplomatie pour parvenir à un accord contraignant sur le climat dans le cadre de la COP 21, d'autre part, le soutien que nous apportons à la négociation, menée par l'Union européenne, d'un accord visant à faciliter le commerce des biens concourant à la défense de l'environnement. Cela se traduirait par exemple, par la levée des barrières tarifaires appliquées aux énergies renouvelables.

Monsieur Arif, les députés ont effectivement besoin de moyens supplémentaires pour assurer efficacement leur mission de contrôle de l'action de l'exécutif. Les services administratifs de l'Assemblée nationale sont performants, mais hélas trop peu nombreux. Nous pourrions par exemple envisager la création d'un grand pôle d'évaluation des politiques publiques, en rapprochant du Parlement un certain nombre d'instances de réflexion.

Sur la question du multilatéralisme, la multiplication des accords bilatéraux pose en effet une réelle difficulté. Un récent rapport du Fonds monétaire international pointait à ce sujet les risques de fragmentation de l'espace commercial international.

Concernant les intérêts offensifs de la France, je rappelle que nos entreprises doivent accéder davantage aux marchés publics américains. La réciprocité en la matière n'est pas encore respectée dans la mesure où plus de 90 % des marchés publics européens sont ouverts à la concurrence internationale, alors que moins de la moitié des marchés publics américains le sont.

Par ailleurs, nous souhaitons négocier avec nos partenaires américains la suppression de doubles contrôles qui nuisent à la vitalité de nos petites et moyennes entreprises ainsi que la baisse de droits de douanes encore trop élevés.

Quant à nos intérêts défensifs, ils comprennent, entre autres, le respect du principe de diversité culturelle porté par la France, la défense de nos services publics, ainsi que la reconnaissance de nos indications géographiques.

Monsieur Myard, sur l'extraterritorialité il existe un problème de respect du droit international et de souveraineté. Or il n'existe pas de dispositifs pour y mettre un terme, il conviendrait d'entreprendre un travail au niveau multilatéral sur ce sujet.

S'agissant des engagements des entités fédérées, l'accord de libre-échange signé avec le Canada comprend des engagements forts de tous les échelons de l'administration publique canadienne. Nous souhaitons obtenir un niveau équivalent de garanties de la part des américains afin d'éviter les problèmes contentieux relatifs à l'application du traité au sein des États fédérés.

Concernant l'accès aux documents de négociation, ces derniers sont mis à la disposition des hauts-fonctionnaires français à l'ambassade des États-Unis à Paris. La démarche à suivre pour un membre du gouvernement est en théorie équivalente. Je n'ai jamais eu à procéder de la sorte, je vous relate seulement l'état du droit. J'ai fait part des difficultés que cela engendrait à nos homologues américains.

Madame Batho, la question de l'ISDS ne tient pas seulement à un simple changement d'appellation, cela recouvre aussi des avancées importantes. La proposition soumise par la Commission européenne comprend à cet égard de nombreux points défendus par la France, comme le droit pour les États de réguler et de faire respecter leur législation.

Les propos tenus hier dans mon entretien accordé au journal Sud-Ouest représentent la position officielle de la France. Si dans un avenir raisonnable les choses n'ont pas changé, les négociations prendront fin de façon naturelle.

En ce qui concerne les questions numériques, elles sont au programme de plusieurs négociations (le TTIP, le TISA) et l'Union européenne est engagée sur le sujet car il y a des intérêts offensifs évidents. Les règles sur le numérique en matière de commerce et de sécurité datent de 1994. À l'évidence ces règles ne sont plus adaptées à l'avancée des outils et des techniques.

Cependant, un nombre de questions doivent être exclues du cadre des négociations commerciales ; j'en cite deux : le régime des données personnelles et la fiscalité. Ces questions appellent des réponses, mais dans le cadre des organisations internationales appropriées.

Sur le reste, il faut bâtir une doctrine européenne que l'on pourra porter au niveau international, en défendant notamment des valeurs de diversité qui sont chères à la France. Le Gouvernement reste, bien entendu, attentif à ces questions.

Monsieur Leroy, je vous remercie pour votre analyse de fond, sur laquelle je vous rejoins. Sur les questions énergétiques, l'Union européenne souhaite l'introduction d'un chapitre sur l'énergie dans les négociations. L'objectif est de diversifier nos sources d'approvisionnement et de réduire notre dépendance énergétique. Les États-Unis aujourd'hui imposent des restrictions à l'exportation de leur production qu'il est nécessaire de lever. Nous souhaitons à la fois ces négociations là et le respect des choix énergétiques des uns et des autres.

Concernant les VIE, vous avez été entendu. Je travaille beaucoup avec ceux qui font vivre l'économie française à l'international ; nous avons 2,5 millions de Français à l'étranger : c'est une chance pour la mobilité internationale et le signe du rayonnement d'un pays.

Monsieur Pellois, sur les effets des accords de libre-échange sur la croissance et l'emploi, je considère qu'aujourd'hui il n'y a pas d'études fiables. On a besoin de plus d'études, plus de débats contradictoires, en y associant toutes les écoles de pensée économique. Là aussi, nous avons besoin d'expertises à tous les niveaux, national, européen et international.

Monsieur Caresche, vous avez raison de rappeler que les États-Unis sont engagés dans de nombreuses négociations commerciales. C'est d'ailleurs aussi le cas de l'Union européenne. Aujourd'hui les États-Unis veulent être au centre du commerce international en concluant d'abord le traité transpacifique avant le traité transatlantique. En ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas sacrifier le fond aux exigences du calendrier. Ce pivot est un des éléments clés qu'il faut avoir pour les négociations.

J'ajoute que la politique de la « chaise vide » n'a pas d'avenir, qu'elle ne constitue pas une ligne de conduite viable et qu'elle méconnaît complétement l'intérêt national.

Monsieur Taugourdeau, je vous rejoins sur la nécessité d'avoir accès aux marchés publics américains, c'est un point essentiel de la négociation.

Madame Got, merci pour vos propos. Il y a beaucoup de simplifications en cours sur les PME, depuis le forum des PME à l'international que j'ai organisé, au Quai d'Orsay, au mois de mars dernier. Depuis, il y en a dans toutes les régions et nous travaillons avec Business France, avec les chambres de commerce, la CGPME et d'autres organisations pour promouvoir ce sujet. Il faut, bien entendu, faciliter l'accès aux VIE pour les PME. Sur le volet du parcours à l'export, l'ensemble des acteurs du monde de l'export se sont mis d'accord afin que les PME sachent, à chaque stade de leur projet d'internationalisation, à qui s'adresser. Il y a enfin le guichet unique douanier, qui sera opérationnel à la fin de l'année, avec un engagement très fort de l'administration des douanes sur le sujet.

Concernant les Caraïbes, la France a salué l'accord de partenariat économique conclu entre l'Union européenne et les Caraïbes, et qui inclut l'Afrique de l'Ouest. Nous saluons également le paraphe du partenariat économique avec l'Afrique australe et de l'Est. C'est l'aboutissement de douze ans de négociations et il s'agit d'un nouveau cap dans la relation bilatérale entre l'Union européenne et ces régions. La France continuera de soutenir cette mise en oeuvre, cela a été rappelé par le Président de la République lors du sommet de l'Élysée.

Monsieur Destot, je suis absolument d'accord, le commerce français ne concerne pas seulement les États-Unis. Le commerce extérieur se déploie sur d'autres continents. L'Union européenne d'ailleurs est au coeur de notre commerce, 23 de nos échanges sont intracommunautaires. Les problèmes de financement avec l'Iran sont une des clés pour la suite et là-dessus je partage entièrement votre propos.

Enfin, concernant le rapprochement entre la Caisse des dépôts et des consignations et de l'Agence française de développement, récemment annoncé par le Président de la République, l'objectif est effectivement d'augmenter les capacités financières, de renforcer l'aide au développement française en lien avec les entreprises et conformément aux règles mises en place par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Comme vous le savez, le principe d'aide liée a ainsi été abandonné depuis quelques années, ce qui n'interdit évidemment pas aux entreprises françaises disposant d'un réel savoir-faire d'être présentes sur le terrain dans le cadre d'opération d'aide au développement. Il convient donc de créer des synergies et M. Rémi Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères, est très engagé sur cette question, dont il est le préfigurateur, et bénéficie du plein soutien du Gouvernement pour exercer sa mission.

Concernant le lien avec le terrain à l'occasion des déplacements de membres du Gouvernement, toutes mes délégations sont ouvertes aux entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises qui le souhaitent, via un système d'inscription sur internet systématique. Cette nouvelle méthodologie est favorable aux PME, qui éprouvent parfois plus de difficultés que les grands groupes à accéder à l'information. Evidemment, les délégations sont aussi ouvertes aux élus qui souhaitent m'accompagner dans le cadre de la diplomatie parlementaire.

En réponse à madame Dubié, j'aimerais insister à nouveau sur le rôle des parlements nationaux. La position de la France est très claire : il est évident que les parlements nationaux auront le dernier mot, toute autre solution étant impensable sur le plan des principes fondamentaux et de la démocratie. Cette position restera intangible jusqu'à la fin des négociations. Vous êtes impliqués sur l'ensemble des sujets du commerce extérieur et vos rapports montrent combien vous suivez cette question. Il me semble d'ailleurs qu'en tant que rapporteure budgétaire vous auditionnerez mon cabinet en fin de semaine. Ils sont sur des charbons ardents et c'est très bien ainsi !

Enfin, monsieur Le Roch, les succès remportés par la diplomatie des terroirs en matière d'exportations agricoles concernent essentiellement des levées d'embargo dans trois pays : le Vietnam, l'Afrique du sud, et Singapour. Bien évidemment, des progrès restent encore à faire et nous espérons d'ailleurs bientôt de bonnes nouvelles s'agissant de la Chine. Il est essentiel, en coopération avec nos ambassadeurs dans les pays concernés, de maintenir la pression. À ce sujet, M. Stéphane Le Foll et moi-même avons expliqué que la viande française disposait depuis mai dernier du meilleur statut de risque épidémiologique possible selon les critères de l'Organisation internationale de santé animale. Un vote unanime au sein de cette structure des Nations-Unies a décerné ce statut de « risque négligeable ». Il est impossible de faire mieux et nous pensons cohérent que ce vote se traduise par des levées d'embargo, d'une part, et des mesures d'accès aux marchés, d'autre part. A ce sujet, il est de notre responsabilité de mener un travail, très technique, afin d'obtenir les agréments de la part des organismes concernés. Par ailleurs, les différentes filières doivent travailler pour présenter à l'international des offres groupées et cohérentes. Ainsi, à la demande de M. Stéphane Le Foll, la plateforme « France viande export » est en cours de constitution afin de présenter l'offre française et de proposer des offres cohérentes et non dispersées. Les professionnels sont totalement mobilisés sur ce sujet et vous pouvez compter sur le ministre chargé de l'agriculture pour assurer le suivi nécessaire.

Je ne reviendrai pas sur la question des sanctions iraniennes, à laquelle j'ai déjà apporté des éléments de réponse.

J'espère avoir répondu à l'ensemble des interrogations formulées ce jour et vous assure de mon entière disponibilité pour répondre à vos questions à chaque fois que vous le souhaiterez.

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