Nous abordons là les problèmes de terrain et ma conception du métier. Il n'est pas la peine, selon moi, de procéder à une interception de sécurité si elle n'est pas suivie d'un travail de terrain et si elle n'est exploitée qu'en termes d'écoutes. Depuis très longtemps, les interceptions de sécurité – à une seule exception près, que je pourrais évoquer mais qui nous ferait remonter très loin en arrière – vous apprennent peu de choses. Elles vous disent néanmoins quelques petites choses sur la vie d'un individu, notamment sur ses rendez-vous – aux trois quarts desquels il n'ira pas car ces gens-là ne sont pas très fiables en la matière. Ces interceptions nous permettent d'entendre parler la personne. Elles doivent selon moi servir à engager des dispositifs de surveillance de terrain afin de voir vivre dans la rue l'individu dont vous entendez parfois la voix. C'est là que se révèle véritablement la personnalité d'un objectif. Quand ce dernier est chez lui, il peut raconter n'importe quoi. Ce n'est peut-être même pas lui qui parle. Les choses se compliquent encore davantage lorsqu'on intercepte des données informatiques car il n'y a alors même plus de voix. L'interception de sécurité doit nous servir à voir vivre un individu, à identifier ses contacts et à connaître sa fiabilité s'il annonce au téléphone un horaire de rendez-vous.
Bref, l'interception de Saïd Kouachi a été abandonnée dans la mesure où il s'était transporté à Reims.