Intervention de Serge Grouard

Réunion du 17 mars 2016 à 13h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Grouard :

Je me joins bien sûr aux hommages qui vous ont été adressés il y a un instant. Vous avez vécu une situation de guerre, comment allez-vous aujourd'hui ? Arrivez-vous à prendre de la distance ?

Par ailleurs, tirez-vous des enseignements de cette expérience, notamment en matière de doctrine d'emploi des forces ? La doctrine générale, notamment lorsqu'il y a prise d'otages, consiste à figer la situation, à sécuriser, à chercher à prendre contact avec les preneurs d'otages – c'est un temps long – dans l'espoir de calmer les choses, de limiter les dommages collatéraux et de mettre fin à la situation de la manière la « moins risquée possible ».

Vous, vous n'avez pas fait cela : vous êtes intervenu en premier, directement, et, grâce à cette intervention, vous avez évité une tuerie plus grande encore. En tirez-vous l'enseignement que dans ce type de situation, face à des gens qui ne sont plus dans les ressorts psychologiques que l'on connaît, il faut y aller tout de suite, avec tous les risques que cela comporte ?

Commissaire divisionnaire X. Pour répondre à votre première question, je vais bien. Il est clair que nous avons été proches de la mort, donc beaucoup de choses changent, surtout vis-à-vis des familles. Il n'est pas facile d'expliquer à sa femme et à ses enfants que l'on est prêt à donner sa vie pour des personnes que l'on ne connaît pas. « C'est très bien, mais si tu meurs, que devenons-nous ? » : m'ont-ils demandé. Cela a été difficile à gérer, mais il n'y a pas eu trop de réactions de nervosité au sein de la cellule familiale.

Ensuite, j'ai évalué le temps pendant lequel j'ai rêvé du Bataclan : cela a duré pratiquement trois mois et toutes les nuits. Je ne faisais pas de cauchemars, parce que j'étais serein, mais je revoyais la scène, je pensais à ce que nous aurions pu faire autrement : si nous étions montés à l'étage peut-être aurions-nous pu mettre fin à cette attaque. Nous nous posons beaucoup de questions sur ce point.

Ce qui nous a fait du bien, par ailleurs, c'est d'avoir reçu des courriers de victimes – en préservant toujours notre anonymat. J'ai répondu à chacune en ne mentionnant que mon grade. Certaines ont envoyé des photos les montrant parfois sur un lit d'hôpital. Elles nous remercient, et nous disent que si elles sont encore vivantes aujourd'hui, c'est grâce à nous. Pouvoir mettre des visages ou des noms sur toutes ces personnes, nous a fait du bien.

Nous avons aussi fait connaissance du jeune homme, que nous avons retrouvé. Il y a enfin ce petit comité de victimes, très restreint, qui a déjà été filtré par notre syndicat, que nous allons rencontrer chez un particulier.

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