Intervention de Georges Fenech

Réunion du 17 mars 2016 à 13h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech, président :

Les trois terroristes en question sont morts.

Commissaire divisionnaire X. Mais il y a des ramifications, et tout un tas de fanatiques qui gravitent autour de ces gens-là, leurs proches. Ce n'est pas tant pour nous que pour nos familles. Nous faisons donc très attention.

Personnellement, je suis armé en permanence, même hors service, ce que je ne faisais pas avant. Je suis ainsi prêt à riposter lorsque je conduis mes enfants à l'école parce que je me dis que l'un de ces fanatiques va peut-être débarquer et attaquer l'école. Je leur ai expliqué que si ça commençait à tirer, ils devaient s'enfuir par les sorties de secours. Ce sont tout un tas de choses qui changent au quotidien pour nous.

Brigadier Z. Je vais bien, moi aussi. Comme je l'ai expliqué, la majorité des souvenirs a été occultée par le cerveau. Ce qui reste, je vis avec. Cela étant, et comme l'a dit le commissaire, nous refaisons l'histoire. Ce ne sont pas des cauchemars, ce sont des rêves d'autant que les premières semaines, nous avions de nouveaux éléments presque tous les jours, ce qui modifiait la perception de ce que nous avions fait, et de ce que nous aurions pu faire. Je revivais notre entrée au Bataclan. J'imaginais ce qui serait arrivé si nous ne nous étions pas focalisés sur un seul d'entre eux.

Quant à la doctrine d'emploi, ce n'est pas à moi de le dire, mais je pense qu'il a été essentiel de couper leur schéma d'intervention. Ces terroristes ont un projet bien défini, en l'occurrence, pour le Bataclan, procéder à une tuerie de masse. Le fait d'en éliminer un tout de suite les a perturbés. Ils attendent les unités d'élite pour se confronter à elles. L'arrivée de « flics lambda » a bouleversé leur schéma.

Dans le futur et dans des situations comparables, les primo-arrivants seront amenés à être les primo-intervenants, pour casser ce schéma.

Commissaire divisionnaire X. Nous avons élaboré une théorie à partir des événements de l'Hypercacher et du Bataclan : à partir du moment où la police intervient, les terroristes arrêtent de s'intéresser aux victimes, se retranchent, et attendent la confrontation avec les forces d'intervention. Mais ces deux cas ne sont pas suffisants et nous n'avons pas le recul nécessaire pour élaborer une doctrine. Je ne sais pas ce qui se passe à l'étranger, peut-être que le RAID ou la BRI ont d'autres expériences.

On part désormais du principe que les primo-arrivants seront les primo-intervenants, et qu'à la suite de cette intervention, les terroristes vont cesser d'abattre leurs otages. Mais ces fanatiques-là n'ont pas trop de logique. De tout cela je tire donc l'enseignement qu'il faut effectivement intervenir rapidement, parce que l'on peut difficilement faire autrement. Mais j'en déduis aussi qu'on ne peut pas établir une doctrine qui sera appliquée en permanence par les effectifs : c'est dans les tripes que ça se passe. Nous sommes entrés le 13 novembre au Bataclan mais si un tel événement se reproduisait demain sur un autre site, peut-être aurions-nous peur de le faire. On ne peut pas demander à tous les effectifs d'entrer, certains vont avoir peur, d'autres ne seront pas prêts techniquement, d'autres encore seront entrés dans la police depuis seulement un mois ou deux, il s'agira parfois d'adjoints de sécurité… On se rassure en se disant que nous allons établir une doctrine, fixer un schéma d'intervention, et que les choses se dérouleront désormais ainsi, mais dans les faits, les choses seront différentes.

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