En tant que rapporteur pour avis des crédits du compte d'affectation spéciale dédié au financement de l'apprentissage, j'exprimerai quelques remarques et questions sur la politique de l'apprentissage dont vous devez faire, madame la ministre, un axe prioritaire de votre action. Car l'apprentissage, à mon sens, c'est un métier, un travail, un avenir pour tous les jeunes qui accèdent à cette voie essentielle. Votre objectif de 500 000 apprentis en 2017 sera-t-il atteint ? Nous ne pouvons que le souhaiter.
Ma première remarque portera sur les chiffres de l'apprentissage. Après deux années de forte baisse des entrées dans l'apprentissage – baisse de 8 % en 2013 par rapport à 2012, puis nouvelle baisse de 3 % en 2014, alors que la décennie précédente a connu une hausse moyenne de 5 % par an –, il semble que l'année 2015 sera meilleure, au vu des premiers résultats sur les premiers mois de l'année.
Les baisses étaient dues à la difficile conjoncture économique, mais aussi, pour beaucoup, aux mesures contradictoires prises par le Gouvernement, notamment le resserrement des conditions d'accès au crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage, qui bénéficiait aux entreprises. La diminution de quelque 550 millions d'euros d'aides aux entreprises accueillant des apprentis ne fut pas sans conséquences.
Le regain d'intérêt pour l'apprentissage est dû, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi au fait que le Gouvernement est partiellement revenu sur les mesures les plus néfastes, que je détaille dans mon rapport pour avis.
Auriez-vous, madame la ministre, des chiffres à nous communiquer qui confirment cette tendance ? S'agit-il, à votre sens, d'une tendance de long terme ou simplement d'un effet de rattrapage après deux années difficiles ? Cette augmentation des entrées dans l'apprentissage concerne-t-elle l'ensemble des diplômes préparés ? Qu'en est-il plus spécifiquement des apprentis préparant un diplôme de niveau V ?
La réforme de l'apprentissage, et en particulier la réforme de la taxe d'apprentissage, a conduit à revoir en profondeur la configuration du compte spécial, qui ne retrace plus en recettes que la fraction de 51 % de la taxe d'apprentissage dédiée aux régions. Cette réforme a encore renforcé le rôle des régions dans l'apprentissage. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que les montants qui leur seront affectés, dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale, seront la stricte addition des montants affectés à chaque région fusionnée ?
Par ailleurs, existe-t-il des marges de manoeuvre afin de mener des politiques régionales plus volontaristes en faveur de l'apprentissage ? De nombreux candidats aux élections régionales, partout en France, s'engagent à faire de l'apprentissage une priorité essentielle. Auront-ils les moyens de leurs ambitions ?
Par ailleurs, les Assises de l'apprentissage ont permis de rectifier la politique de l'apprentissage initiée en 2012 avec, notamment, la prime de 4 400 euros annuels et les exonérations de charges dont bénéficient les entreprises de moins de onze salariés lorsqu'elles embauchent un apprenti mineur. C'est une mesure nécessaire. Néanmoins, ne crée-t-elle pas un effet de seuil pour les apprentis majeurs, notamment tous ces jeunes qui, après un baccalauréat et une année d'études, souhaitent s'orienter vers l'apprentissage ? Avez-vous réfléchi à un dispositif qui neutralise l'effet de l'âge comme en Allemagne, en Suisse et en Autriche, et ne prend en compte que le diplôme préparé ?
Comme chaque année, je reviens sur la trop forte étanchéité qui continue d'exister entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise. Je constate les différences importantes des contenus de formation menant au même diplôme. Quelles mesures le ministère compte-t-il prendre en vue de rapprocher l'école du monde de l'entreprise, notamment dans la co-construction des formations, mais aussi pour faire de la voie de l'apprentissage une voie d'excellence, et non plus, comme on le voit encore trop souvent, une voie proposée par les conseillers d'orientation lorsque toutes les autres ne sont plus possibles ?
Madame la ministre, la question des conséquences préjudiciables de la réforme de l'apprentissage se pose toujours. La loi du 5 mars 2014 a restreint le nombre d'établissements éligibles au barème de la taxe d'apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d'établissements privés pouvant y prétendre. Cette modification législative a exclu du financement les écoles et campus créés à l'initiative des entreprises, soit 1 400 établissements d'enseignement privé formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs, pénalisant notamment toutes les actions menées en direction des jeunes décrocheurs du système scolaire.
Madame la ministre, eu égard à ce que nous avons dit sur la barrière qui continue d'exister entre éducation nationale et les autres établissements de formation, je trouve qu'il est dommage de pénaliser des établissements qui forment de vrais professionnels. Allez-vous revenir sur cette mesure afin de permettre aux entreprises de mieux former leurs salariés de demain ?
Valoriser l'apprentissage, c'est aussi valoriser les maîtres d'apprentissage. La loi relative au dialogue social et à l'emploi, adoptée en juillet dernier, a prévu de valoriser les parcours syndicaux et des représentants du personnel afin d'encourager les salariés à prendre des responsabilités. Des entretiens professionnels renforcés et des rattrapages salariaux ont été prévus afin de ne pas pénaliser les carrières de ceux qui se mettent au service des autres. Ne serait-il pas envisageable de créer de tels dispositifs au bénéfice des maîtres d'apprentissage pour encourager ceux qui donnent de leur temps afin de former les jeunes apprentis ? Il faut valoriser les maîtres d'apprentissage, prendre en compte cet engagement, notamment lors de l'obtention de la médaille du travail avec mention particulière. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, je soumets à votre réflexion une expérience tentée dans un département, dont les premiers résultats semblent probants. Il s'agit d'un conseil départemental engagé pour l'apprentissage, qui a financé des formations pour les bénéficiaires du RSA, après avoir contractualisé avec la chambre des métiers, avec comme objectif de faire entrer durablement dans l'emploi ces bénéficiaires de minima sociaux. C'est une mesure qui a un coût initial, mais qui est vertueuse sur le moyen et le long terme. Qu'en pensez-vous ? Serait-il envisageable de réserver des crédits supplémentaires aux départements prêts à s'engager dans une telle voie ?
L'État a annoncé l'embauche de 4 000 apprentis dans ses services et dans les ministères. Où en sommes-nous ? Une réponse positive irait dans le bon sens.