Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 30 octobre 2015 à 9h35
Commission élargie : finances - affaires sociales

Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Le budget du travail et de l'emploi pour 2016 affirme les engagements du Gouvernement pour la lutte contre le chômage, l'insertion professionnelle des plus fragiles et la création d'emplois. C'est un budget en quasi-stabilité par rapport à la loi de finances de 2015 et en progression de près de 15 % par rapport à la loi de finances pour 2012. Dans le contexte de redressement de nos finances publiques, il est important de souligner cet effort qui montre notre capacité à faire des choix dans les priorités pour la bataille pour l'emploi.

Ce projet de budget pour 2016 est axé autour de trois priorités : l'emploi des jeunes, l'apprentissage et le soutien aux TPE et PME.

Première des priorités : l'emploi et l'insertion des jeunes. S'agissant du nombre de demandeurs d'emploi, les résultats sont encourageants, avec une baisse, pour le quatrième mois consécutif, du chômage des jeunes. Il n'est donc pas question de relâcher nos efforts. Au contraire, nous devons aller encore plus vite et plus loin. C'est pour cette raison que 78 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux actions à destination des jeunes.

Nous l'avons dit lors de la Conférence sociale du 19 octobre dernier, nous allons étendre la Garantie jeunes à tous les territoires volontaires, tout en renforçant la mobilisation en direction des jeunes décrocheurs et des jeunes des quartiers populaires.

Le chômage concernant avant tout des jeunes peu ou pas qualifiés, nous devons impérativement mieux cibler nos dispositifs pour ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. C'est dans cette perspective que nous augmenterons la part des contrats « starter », notamment en direction des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville, et que nous augmenterons également les capacités d'accueil de l'EPIDE. Ces dispositifs et le service militaire volontaire, que nous avons inauguré hier avec le Président de la République à Montigny-lès-Metz, offrent une réponse publique adaptée aux problématiques des jeunes et permettront de faire raccrocher ceux qui sont sortis du système scolaire à seize ans, voire à quinze.

En ce qui concerne les missions locales, elles sont en première ligne pour déployer les dispositifs majeurs : emplois d'avenir, Garantie jeunes, plateformes de décrochage scolaire. Leurs moyens seront confortés en 2016.

Deuxième priorité : le développement de l'apprentissage.

L'apprentissage, pour moi aussi, est un enjeu majeur, une voie indispensable pour retrouver le chemin de l'emploi, une arme contre le chômage. 70 % de ceux qui sortent d'un apprentissage retrouvent le chemin de l'emploi. Dans l'artisanat, ce sont souvent les chefs d'entreprise de demain. Depuis 2014, nous avons mis en place une stratégie globale pour rendre l'apprentissage plus attractif, plus accessible, et renforcer les moyens financiers de son développement.

Vous m'avez interrogée sur l'embauche d'apprentis par l'État : aujourd'hui, 4 500 jeunes sont employés dans ce cadre. Le ministère du travail a, pour sa part, pris en charge 150 jeunes apprentis.

Dès 2015, la réforme du financement a permis de dégager 280 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'apprentissage, pour les régions et pour les CFA. Le budget 2016 renforce à nouveau l'effort financier de l'État, avec 110 millions d'euros supplémentaires pour le budget de l'emploi, le financement de l'aide « TPE jeunes apprentis » et la poursuite de la sécurisation des ressources des régions.

Troisième priorité : la création d'entreprise et le développement de l'emploi dans les PME.

Le budget 2016 s'inscrit dans la dynamique de la création de l'Agence France Entrepreneur pour soutenir la création d'entreprise, en fédérant les acteurs, afin que les entrepreneurs soient mieux accompagnés, particulièrement dans les territoires fragiles – zones rurales ou quartiers de la politique de la ville, par exemple. Avec un budget de près de 100 millions d'euros, cette agence offrira un bouquet de services à destination des entrepreneurs et permettra de soutenir les entreprises après leurs trois premières années d'existence. Je pense notamment à la Banque publique d'investissement (BPI), qui a développé un prêt entreprises et quartiers, insuffisamment utilisé aujourd'hui. L'Agence permettra de le mettre à la disposition des personnes qui souhaitent créer leur entreprise.

Cela passe aussi par le développement de l'emploi dans les petites entreprises : 95 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour le financement de l'aide « TPE première embauche » et l'appui à la gestion des ressources humaines, véritable levier pour le développement de l'emploi.

Dans un contexte d'amélioration de la conjoncture – l'activité repart, les créations d'emplois progressent –, la mobilisation des dispositifs de la politique de l'emploi est plus que jamais nécessaire pour accompagner le retour à l'emploi des publics fragiles. C'est pour cette raison que 2,4 milliards d'euros seront dédiés à la programmation des contrats aidés, avec des résultats qui devront être maintenus en ce qui concerne la qualité et l'orientation de ces contrats vers ceux qui en ont le plus besoin.

J'entends parfois les critiques sur les contrats aidés, mais ils restent une voie efficace pour au moins trois raisons. D'abord parce qu'ils ciblent des publics prioritaires : demandeurs d'emploi de longue durée, personnes handicapées, seniors, jeunes sans qualification, notamment ceux des quartiers de la politique de la ville. Ensuite, parce qu'ils dispensent des formations certifiantes. Enfin parce que ces contrats s'inscrivent dans la durée et qu'ils représentent un vrai plus pour les entreprises et les bénéficiaires du contrat, qui reprennent confiance en eux et se sentent utiles.

Par ailleurs, le budget 2016 maintient l'effort financier à destination de l'insertion pour l'activité économique et l'insertion des travailleurs handicapés : 1,18 milliard d'euros, avec la consolidation de la réforme de l'aide au poste dans l'insertion par l'activité économique et le financement de 500 aides au poste supplémentaires.

Ce budget vient également conforter les moyens de Pôle emploi pour améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises – je pense notamment aux seniors et aux chômeurs de longue durée, avec le déploiement des formations prioritaires. Nous entendons trop souvent parler d'emplois non pourvus. Il est essentiel de cibler les formations pour les publics les plus éloignés de l'emploi.

Nous avons là un budget ambitieux, qui vise à amplifier l'action du Gouvernement en faveur du retour à l'emploi. Ce budget vient conforter la tendance encourageante que nous observons avec, notamment, la décrue du chômage des jeunes. Plus que jamais, nous devons rester optimistes, déterminés et efficaces.

J'en viens aux questions des rapporteurs Castaner et Perrut sur les ressources supplémentaires pour les CFA et l'objectif de 500 000 apprentis. S'agissant de l'apprentissage, nous agissons sur trois leviers.

Le premier est le fléchage accru des ressources au profit de l'apprentissage : c'est l'objectif de la réforme de la taxe d'apprentissage, mise en oeuvre depuis le 1er janvier. Le Gouvernement a souhaité aller plus loin en affectant 150 millions de recettes supplémentaires au financement de l'apprentissage, à l'issue de la Conférence sociale de 2014.

Le deuxième levier est le ciblage renforcé des aides au profit des petites entreprises et des premiers niveaux de formation, là où se situent les enjeux de l'insertion et où les aides ont un véritable effet de levier pour le retour à l'apprentissage.

Le troisième levier est la levée des freins non financiers. Les organisations professionnelles m'ont confirmé que, dans leurs différents réseaux, que ce soit la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), l'Union professionnelle artisanale (UPA) ou la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), les informations sur la levée des freins non financiers permettaient d'améliorer les choses.

La réforme du financement de l'apprentissage se voit affecter 280 millions d'euros supplémentaires, dont 95 millions au profit des régions, qui bénéficient de l'affectation directe d'une ressource fiscale dynamique assise sur la masse salariale, et 185 millions au profit des CFA. Les engagements ont été tenus.

Concernant l'évolution des effectifs d'apprentis, on observe une augmentation de 6,5 % en septembre dernier, qui n'a concerné que le secteur privé. Mille contrats d'apprentissage ont été signés dans la fonction publique, notamment territoriale. La mise en place, en 2016, d'une plateforme au niveau national permettant de mettre en relation employeurs et jeunes apprentis apportera une véritable fluidité.

Le frémissement que nous percevons dans le secteur du bâtiment est essentiel. S'il se confirme, notamment pour les artisans, la situation ira en s'améliorant.

Je fais actuellement le tour des régions et je réunis à chaque occasion les comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CREFOP).

Au-delà du partage de l'information entre les branches professionnelles, les partenaires sociaux, les régions et les services de l'État – je pense notamment aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) –, je veux savoir si nous avons, territoire par territoire, une vraie stratégie axée en premier lieu sur l'apprentissage.

Bien qu'il y ait une reprise dans le secteur industriel, nous avons un problème culturel, qui pénalise l'attractivité et la valorisation de certains métiers manuels. Nous travaillons actuellement, avec la ministre de l'éducation nationale, à la valorisation de la voie professionnelle et de l'apprentissage.

Yvon Gattaz s'est intéressé au rapprochement de l'entreprise et du domaine scolaire et à la formation des enseignants dans certaines filières. Nous devons élaborer des dispositifs en partant du bénéficiaire, c'est-à-dire du jeune : trouve-t-il, sur le site de l'éducation nationale, des informations sur l'ensemble des CFA ou seulement sur les CFA académiques ?

Nous sommes en train de lever tous ces freins. Mes déplacements sur les territoires me permettent de poser des diagnostics en direction des métiers en tension. J'estime qu'il ne faut pas agir seulement au niveau des formations prioritaires en direction des demandeurs d'emploi, mais aussi dès l'orientation scolaire et dès le CFA.

Il conviendrait également de sensibiliser les familles à l'apprentissage. Les réunions d'information, au printemps, dans les mairies ou dans les établissements scolaires, n'ont pas le succès escompté. Si en revanche ce sont des jeunes qui parlent aux jeunes de leur expérience, nous avons plus de chances de capter leur attention.

Dans le quartier de La Castellane, à Marseille, les CFA sur les métiers manuels se sont installés pendant deux jours, avec les branches professionnelles, dans un centre commercial. Le vendredi était une journée destinée aux jeunes, le samedi aux familles. L'expérience a été extrêmement positive. Il est essentiel que nous arrivions, avec les branches professionnelles, les CFA et les services de l'éducation nationale, à faire des démonstrations de ce type, de façon massive, dès le printemps prochain, sur l'ensemble des territoires, comme nous le faisons pendant la Semaine de l'industrie.

Certes, les chiffres de l'apprentissage sont en hausse, mais nous ne parvenons pas à toucher le public des quartiers de la politique de la ville. Il y a là une réelle difficulté. Il est essentiel, au-delà de la campagne nationale que nous mettons en oeuvre, d'aller à la rencontre de ces jeunes. Cela suppose de trouver d'autres manières de toucher ces publics.

J'en viens à la question du rapporteur Castaner sur baisse du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand programmés en 2016.

Nous avions 80 000 contrats initiative emploi (CIE) en 2015, contre 60 000 programmés aujourd'hui. Le taux d'insertion de ces contrats aidés est de 66 %. Avec 295 000 nouveaux contrats, le budget 2016 maintient l'effort pour les contrats aidés à un niveau élevé, similaire à celui du PLF 2015, et les volumes financiers sont importants.

Le climat des affaires n'a jamais été aussi bon depuis 2011 et nous avons des résultats avec le CICE : le coût du travail diminue et est à peu près similaire à celui de l'Allemagne. Des branches professionnelles se sont engagées dans le pacte de responsabilité. Dans l'Isère, par exemple, la chimie, qui a été l'une des premières branches à s'engager dans le pacte de responsabilité, est en train de remplir ses engagements en termes d'apprentis et d'emplois.

Notre programmation est donc cohérente avec les perspectives de croissance et de rebond de l'emploi marchand pour 2016.

La programmation des contrats initiative emploi (Cie) reste ambitieuse. Je resterai attentive, tout au long de l'année 2016, à l'évolution des contrats aidés. En période de fort chômage, ils présentent le grand avantage de pouvoir cibler des publics particuliers, que nous ne pourrions ramener à l'emploi sans ces dispositifs. Les contrats Cie-Starter permettent ainsi, dans les zones rurales et dans les quartiers relevant de la politique de la ville, de prendre en compte les jeunes, notamment les jeunes diplômés, qui subissent beaucoup de discriminations. Citons encore les travailleurs en situation de handicap, qui représentent 12 % des contrats aidés contre 9 % en 2012, les seniors et les chômeurs de longue durée.

J'en viens aux maisons de l'emploi. Je souhaite que nous ayons un vrai débat sur leurs missions, leur financement, leur évolution, partant de trois constats que je crois partagés. Premièrement, l'ambition initiale portée par Jean-Louis Borloo de faire des maisons de l'emploi un guichet unique du service public de l'emploi n'est plus d'actualité depuis la fusion de l'ANPE et de l'ASSEDIC intervenue en 2008. Deuxièmement, elles sont conduites à se recentrer sur l'animation du territoire et l'accompagnement des mutations économiques ; elles ne sont pas un opérateur chargé du déploiement des dispositifs nationaux comme peuvent l'être les missions locales. Troisièmement, elles ont des fonctionnements très hétérogènes et ne sont présentes que sur un tiers du territoire.

Il est compréhensible, dans ces conditions, que depuis 2010, l'État se retire progressivement du financement de ces structures au profit de financements sur projets. Les crédits qui leur sont dévolus ont beaucoup décru : pour 2016, ils s'élèvent à 13 millions d'euros contre 26 millions dans la précédente loi de finances. Cette diminution prend en compte les évolutions du réseau : depuis le début de l'année, une vingtaine de maisons de l'emploi a fermé et plusieurs projets de fusion sont en cours. Il me faut ici féliciter les élus qui ont travaillé à des rapprochements avec le plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE) et les missions locales.

Je suis prête à réexaminer avec vous les soutiens que l'État prévoit d'apporter aux maisons de l'emploi en 2016, mais en posant deux principes.

Premièrement, nous devons être capables de moduler les financements de l'État en fonction des projets et des résultats. L'hétérogénéité des situations des maisons de l'emploi appelle une réaction adaptée : je suis favorable au maintien, voire à l'augmentation des aides en faveur de celles qui fonctionnent bien ; mais cela de réduire les aides en faveur de celles qui n'ont pas de bons résultats.

Deuxièmement, nous devons clarifier ce que nous attendons de ces structures – vous avez souvent dû entendre ce discours, j'en suis bien consciente. Pour mieux évaluer leurs résultats, il est nécessaire de redéfinir les actions prioritaires qu'elles doivent conduire : l'ingénierie de développement territorial ; le développement des clauses d'insertion – lors de ma visite à Rennes, j'ai pu constater que la maison de l'emploi avait pu faire en sorte qu'il y ait la même proportion de clauses sociales dans les marchés publics de l'ensemble des collectivités locales, au-delà de ceux de la métropole, ce qui me paraît constituer une réponse publique efficace ; le soutien à la création et au développement des entreprises – je citerai au Mans et dans l'agglomération stéphanoise, le développement de fabriques à entreprendre, très bons dispositifs à privilégier ; la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) territoriale, qui permet de favoriser le déploiement des plans de formation prioritaires pour les demandeurs d'emploi.

Dans les semaines qui viennent, je vous propose de définir le cahier des charges des maisons de l'emploi, en concertation avec les acteurs concernés, notamment les régions. Il s'agira de demander aux préfets d'attribuer les financements au titre du budget pour 2016 en fonction des projets stratégiques et opérationnels qu'elles présenteront.

C'est sur ces bases que nous pourrons rediscuter en séance publique des crédits alloués aux maisons de l'emploi dans le présent budget.

Je reviendrai sur le Fonds de cohésion sociale, le dispositif local d'accompagnement et les missions locales après avoir entendu les questions des divers orateurs.

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