Beaucoup d'entre vous ont évoqué les derniers chiffres du chômage, que j'ai annoncés lundi dernier. Je voudrais que nous partagions le même constat à ce sujet.
La croissance démographique est, ainsi que l'a relevé M. Liebgott, une chance pour notre pays, mais c'est aussi un défi pour notre économie : on compte, chaque année, 850 000 entrées sur le marché du travail pour 700 000 départs à la retraite. À titre de comparaison, la réalité n'est pas la même en Allemagne : pour le même nombre de départs à la retraite, il n'y a que 680 000 entrées.
Vous avez évoqué, madame Dalloz, les mouvements de bascule qui peuvent exister entre différentes catégories. Nous sommes dans une phase de reprise progressive de l'activité économique. À cet égard, on considère souvent l'intérim comme un indicateur avancé de l'emploi. Or l'agence ADECCO, chez qui j'ai assisté à la signature du mille deux centième CDI intérimaire, m'a confirmé constater, semaine après semaine, une augmentation de 5 à 6 % de l'intérim.
J'aimerais faire le point avec vous sur ce que recouvrent les différentes catégories de demandeurs d'emploi. La catégorie A regroupe les demandeurs d'emploi qui n'exercent aucune activité, soit actuellement 3,54 millions de personnes. C'est dans cette catégorie que nous enregistrons une diminution de 23 800 demandeurs d'emploi, que j'ai annoncée lundi dernier, sans triomphalisme aucun. On peut se réjouir que 23 800 personnes aient ainsi retrouvé le chemin de l'emploi, mais personne ne crie victoire. Nous avons toujours dit que les chiffres au mois le mois n'avaient pas beaucoup de sens et qu'il fallait observer la tendance. Celle-ci est à la baisse sur les quatre derniers mois, mais il faut bien évidemment qu'elle s'amplifie.
La catégorie B comprend les demandeurs d'emploi qui ont travaillé moins de 78 heures au cours du mois, soit actuellement 717 000 personnes. Notez que 30 % d'entre elles ont un emploi à mi-temps.
La catégorie C compte 1,1 million de personnes. Savez-vous que 38 % d'entre elles, soit près de 450 000, exercent une activité à temps plein, et que 65 % occupent un emploi aux trois quarts temps, mais qu'elles restent inscrites à Pôle emploi parce qu'elles souhaitent changer d'emploi ? Telle est la réalité. Si nous voulons vraiment avoir un débat serein et posé à partir d'un vrai diagnostic, il me semble important de vous apporter ces éléments d'information.
Le basculement d'une partie des demandeurs d'emploi de la catégorie A vers les catégories B et C atteste de la reprise progressive de l'activité. Une chose est sûre : nous n'avons pas eu autant de créations nettes d'emplois depuis longtemps, et le frémissement que l'on sent dans le secteur du bâtiment est déterminant tant pour l'apprentissage que pour l'emploi.
En tant que ministre de l'emploi et du travail, je rappelle – c'est un point essentiel – que ce budget ne reflète pas l'ensemble de la politique du Gouvernement dans le domaine de la création d'emplois. C'est la politique économique qui permet aux entreprises de retrouver des marges et de créer des emplois. En la matière, le cap est clair : nous avons mis en place le pacte de responsabilité, et il faut désormais que les branches professionnelles qui ont signé ou vont signer ce pacte tiennent leurs engagements.
En revanche, ce budget est le miroir des politiques de l'emploi. Il est essentiel que nous ayons une véritable stratégie concernant les métiers d'avenir, notamment dans le domaine de la transition énergétique, mais aussi les métiers en tension. À cet égard, il y a certes 300 000 emplois non pourvus, mais je ne voudrais pas laisser croire que les demandeurs d'emploi sont des paresseux ! La réalité est tout autre : l'enjeu pour nous est de permettre la reconversion professionnelle, alors que 94 % des Français estiment celle-ci compliquée.
Je ne veux pas me lancer dans une bataille de chiffres, en revenant par exemple sur l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi et l'extension du chômage des jeunes entre 2008 et 2012. Je ne suis pas non plus la ministre des pronostics. Je suis là non pas pour crier victoire, mais pour dire qu'il nous faut accompagner la reprise dont témoignent les indicateurs. Nous devons d'ailleurs le faire aussi par la parole : si nous continuons à parler, dans le débat public, de freins non financiers à l'apprentissage ou de réglementation trop lourde, alors que ces freins ont été levés aux dires même des organisations professionnelles que je rencontre – UPA, CGPME, CAPEB, FNSEA –, cela n'encourage pas les employeurs à recruter des apprentis ! Les mauvaises nouvelles ayant tendance à se diffuser très rapidement, il est important de porter aussi les bonnes, à savoir qu'il y a eu un changement dans le champ de l'apprentissage. Il faut le faire dans l'intérêt même des jeunes qui n'arrivent pas à trouver d'employeurs.
Madame Khirouni, le statut national d'étudiant-entrepreneur relève de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il a été créé précisément pour permettre aux étudiants et aux jeunes diplômés de conserver le bénéfice du régime social des étudiants et l'ensemble des droits liés au statut d'étudiant. Toutefois, dans certains cas, des difficultés peuvent se présenter sur les sujets que vous avez évoqués – accès aux aides au logement, maintien du RSA, compatibilité avec le régime social des indépendants. Ainsi que je l'ai indiqué, je souhaite renforcer l'accès des jeunes peu ou pas qualifiés à l'entreprenariat, notamment en favorisant les partenariats entre les pôles étudiants pour l'innovation, le transfert et l'entreprenariat (PEPITE) et les missions locales. Aussi, je prendrai l'attache du secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et du ministre des finances et des comptes publics afin d'examiner les améliorations que nous pourrions apporter au dispositif, ainsi que vous l'avez suggéré.
Madame Khirouni et monsieur Vercamer, je partage votre intérêt pour les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA). Depuis 2002, ils ont permis de consolider près de 562 000 emplois. La dotation budgétaire pour 2016 permettra la poursuite des conventions triennales conclues avec les structures porteuses de DLA, ainsi que le maintien du niveau d'activité du dispositif, à savoir l'accompagnement d'environ 6 000 structures d'utilité sociale. Cette dotation prend en compte l'anticipation d'une moindre demande d'accompagnement de la part des structures de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui a été consolidée par la réforme de l'aide au poste.
Les évaluations réalisées montrent l'efficacité des DLA pour consolider économiquement les structures associatives, ce qui leur permet de développer et de pérenniser l'emploi en leur sein. En effet, les associations accompagnées par le DLA enregistrent de meilleurs résultats en termes de croissance des effectifs et de recours au CDI. De mon point de vue, les DLA sont donc un dispositif pertinent pour soutenir l'emploi dans le secteur associatif. Vous noterez d'ailleurs que, lundi dernier, j'ai annoncé les chiffres du chômage depuis le siège de La Varappe à Aubagne, structure qui emploie près de 1 000 personnes par an. Le retour des crédits à leur niveau de 2015 permettrait effectivement d'adresser un signal et de mieux prendre en compte les objectifs de la loi relative à l'économie sociale et solidaire. Je comprends donc tout à fait votre préoccupation à ce sujet.
S'agissant du Fonds de cohésion sociale (FCS), la dotation prévue pour 2016 est en ligne avec la consommation constatée en 2015, qui s'est établie à 19,3 millions d'euros. Le FCS permet de garantir chaque année près de 24 000 prêts pour des demandeurs d'emploi ou des bénéficiaires de minima sociaux qui créent leur entreprise.
Je fais une parenthèse : nous expérimentons actuellement, dans l'Oise, avec le réseau d'accompagnement BGE – Boutique de gestion pour entreprendre –, un dispositif de soutien à trente jeunes en emploi d'avenir qui créent leur entreprise. J'attends beaucoup de cette expérimentation. Il faut l'examiner de près pour voir dans quelle mesure nous pourrions orienter des jeunes en emplois d'avenir vers la création d'entreprise. En tout cas, cette action est cohérente avec la mise en place de l'Agence France Entrepreneur.
Je comprends la pertinence d'un amendement qui abonderait les crédits du FCS, afin d'amplifier la capacité d'engagement des acteurs du microcrédit et de soutenir encore plus fortement la dynamique de création d'entreprises : lorsque l'on crée une entreprise, on crée son propre emploi, puis on peut en créer d'autres. Au-delà des contrats aidés, la création d'entreprise est un vecteur majeur dans la lutte contre le chômage. J'y suis donc très attentive. Toutefois, dans certains territoires, si l'on crée des entreprises, c'est parce que les discriminations à l'embauche sont extrêmement fortes. C'est pourquoi nous menons d'autres actions en parallèle : campagne de testing – tests de discrimination ; développement du parrainage, notamment avec l'association « Nos quartiers ont des talents », qui s'adresse aux jeunes diplômés de niveau bac plus 4 ou bac plus 5 issus des quartiers populaires ; mise en place de l'Agence France Entrepreneur.
Monsieur Liebgott, l'extension de la garantie jeunes à tous les territoires volontaires en 2016 a été entérinée dans le cadre de la conférence sociale du 19 octobre dernier. En pratique, un appel à candidatures sera adressé aux préfets dans les tout prochains jours, et un courrier sera envoyé aux conseils régionaux et départementaux. Les candidatures seront recensées et analysées en décembre. Les candidatures volontaires des missions locales et des services de l'État bénéficiant d'un appui du conseil départemental seront toutes retenues.
Vous m'avez interrogée, monsieur Perrut, sur l'extension de l'aide TPE-jeunes apprentis. J'ai bien saisi que l'objectif de votre proposition était double : d'une part, éviter l'effet de seuil, c'est-à-dire faire en sorte que la concentration du dispositif sur les apprentis mineurs ne défavorise pas l'emploi des jeunes majeurs ; d'autre part, cibler les bas niveaux de qualification. Selon moi, l'objectif de l'aide TPE-jeunes apprentis est bien de relancer l'apprentissage des mineurs, qui sont aussi les moins qualifiés. Je vous redonne les chiffres : la part des mineurs dans les entrées en apprentissage est passée de 50 % en 2011 à 38 % en 2013, et la proportion des entrées en apprentissage visant à préparer une formation de niveaux V et IV est passée à de 73 % en 2009 à 63 % en 2014, alors même que l'efficacité de l'apprentissage en matière d'insertion professionnelle est plus marquée pour ces niveaux de diplôme. L'aide TPE-jeunes apprentis a rééquilibré les choses en faveur des mineurs et des moins qualifiés, conformément à son objectif. Quand on parle des « chefs d'entreprise de demain », notamment dans l'artisanat, on vise clairement les bas niveaux de qualification.
D'autre part, ce sont surtout les petites entreprises qui recrutent des apprentis, ce qui motive le ciblage de l'aide sur les entreprises de moins de onze salariés. Je tiens d'ailleurs à saluer les organisations professionnelles – l'UPA, la CGPME, la FNSEA, la CAPEB – qui ont beaucoup relayé l'information sur l'aide TPE-jeunes apprentis. Il est encore trop tôt pour dire si l'augmentation de 6,5 % des entrées en apprentissage que nous avons constatée entre juin et septembre est due à l'aide. En tout cas, la levée de l'ensemble des freins a contribué à ce résultat.
Vous m'avez interrogée, monsieur Vercamer, sur les élections prud'homales et sur la mesure de la représentativité syndicale et patronale. Nous souhaitons refonder notre système de relations sociales en indexant la représentativité des organisations syndicales et patronales sur leur audience réelle auprès des salariés et des entreprises. Les élections professionnelles des salariés des TPE à la fin de l'année 2016 seront une étape majeure à cet égard. Elles permettront également de composer les nouvelles commissions paritaires régionales. Le cycle actuel de mesure de l'audience s'achèvera à la fin de l'année 2017, pour un coût de 33 millions d'euros. Il servira de base à la désignation des conseillers prud'hommes, en lieu et place du scrutin spécifique qui était organisé jusqu'à présent. L'ordonnance correspondante fait actuellement l'objet d'une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Elle sera prête au début de l'année 2016.
C'est non pas le ministère du travail, mais celui de la justice qui est chef de file pour la réforme de la procédure prud'homale. Mais je suis cette réforme de près, car je suis bien évidemment attachée, vous l'imaginez, à l'amélioration du règlement des litiges qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail et à la réduction des délais. Beaucoup de mes interlocuteurs insistent sur ce point, à juste titre. La loi du 6 août 2015 comprend des dispositions qui visent à simplifier les procédures et à réduire les délais, inspirées du rapport de M. Alain Lacabarats. Ainsi, il sera possible de passer directement de la conciliation à la formation de départage, soit en cas d'accord entre les parties, soit en raison de la nature de l'affaire. La loi instaure aussi une formation initiale obligatoire de cinq jours commune aux conseillers salariés et employeurs, qui sera dispensée à l'École nationale de la magistrature. Elle sera opérationnelle dès 2018.
Vous avez également appelé mon attention sur la baisse des crédits dédiés à la santé au travail. Ceux-ci s'élèveront à 25,3 millions d'euros en 2016. Quant aux crédits d'études et de recherche, ils sont bien sûr maintenus, compte tenu notamment de l'actualité que vous avez évoquée. Comme dans tous les ministères, les subventions aux opérateurs sont ajustées en tenant compte de la marge de réduction de leur fonds de roulement, tout en préservant leur capacité d'action. En 2014 et 2015, l'État a souhaité préserver ses opérateurs, notamment l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), prenant en considération l'effort important de réforme qu'elle consent à la suite du rapport de la Cour des comptes. Cette réforme est conduite conformément aux conclusions des partenaires sociaux.
Je souhaite renforcer la cohérence des outils de programmation stratégique. La loi relative au dialogue social et à l'emploi a donné une existence légale au Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT). Réunis en son sein, les partenaires sociaux – Christophe Sirugue a salué avec raison la dynamique dans laquelle ils se sont engagés – ont défini des orientations stratégiques pour le nouveau plan santé au travail, que je lancerai dans les prochaines semaines. Ce plan mettra l'accent sur la prévention, en rupture avec une logique fondée uniquement sur la réparation. Ainsi que je l'ai déclaré récemment au cours d'un colloque sur les conduites addictives, il faut diffuser partout la culture de la prévention. Le nouveau plan permettra d'améliorer les conditions de travail et de maintien dans l'emploi et, partant, la performance sociale des entreprises, qui va de pair, selon moi, avec leur performance économique. Il faudra, bien sûr, renforcer les acteurs de l'entreprise.
Mme Rabin et M. Sirugue m'ont interrogée sur l'investissement en faveur des travailleurs en situation de handicap. Ségolène Neuville et moi-même avons prévu d'organiser, au cours du mois de novembre, au ministère du travail, une conférence rassemblant les organisations syndicales et professionnelles sur le thème du handicap, car il est essentiel que soient conclus, dans l'ensemble des entreprises, des accords sur l'accès au travail de ces personnes et sur l'utilisation des moyens de l'AGEFIPH. Le ministère du travail doit continuer de s'impliquer, même en tant que chef de file, dans ce domaine. Ainsi, le taux de contrats aidés destinés aux personnes handicapées est passé de 9 % à près de 12 %. Nous devons poursuivre dans cette voie, mais il importe que nous sensibilisions davantage les partenaires sociaux à cette question, car la négociation collective doit occuper une place plus importante. Au reste, le dialogue social tel qu'il se déroule au niveau national ne reflète pas ce qu'il est à l'échelle des entreprises, comme en témoignent les quelque 35 000 accords d'entreprises signés à ce jour.
Concrètement, le budget prévoit le financement de 500 aides au poste supplémentaires, et les crédits de subventions spécifiques sont maintenus, s'établissant à 40 millions d'euros, comme en 2015.
Au-delà de la mobilisation des organisations professionnelles, j'interroge chaque mois les préfets de région, ainsi soumis à une pression constante, sur le taux d'accès des personnes en situation de handicap aux contrats aidés. Il s'agit, avec l'emploi des jeunes des quartiers « politique de la ville », celui des seniors et des chômeurs de longue durée, de l'un des quatre indicateurs que j'ai imposés, notamment aux directeurs régionaux de Pôle Emploi.
Vous vous êtes inquiété, monsieur le président, du financement par le FSE des écoles de la deuxième chance dont j'ai rencontré, la semaine dernière, la présidente de la fédération, Édith Cresson. J'ai en effet eu vent des difficultés rencontrées par trois établissements franciliens, où nous sommes intervenus en pompiers afin que les jeunes puissent y être accueillis. Il s'agit, là encore, de mener une action cohérente. Dans la mesure où le chômage, en France, touche principalement des personnes peu ou pas qualifiées – on dénombre 150 000 jeunes décrocheurs chaque année –, nous devons étoffer notre palette de réponses à destination de ces publics. Les écoles de la deuxième chance en font partie, de même que la grande école numérique – à peine un mois après son lancement, 150 collectivités ont déjà répondu à l'appel d'offres –, l'EPIDE, la Garantie jeune, les missions locales et le service militaire volontaire. C'est en effet en partant des difficultés des intéressés et en multipliant les réponses de façon à faire du cousu main que nous gagnerons en crédibilité auprès de jeunes qui ont perdu confiance.
Cela dit, l'intervention du FSE se caractérise trop souvent par une « insécurisation » financière des bénéficiaires. J'ai donc demandé la création d'une mission d'évaluation destinée à me faire, d'ici à début 2016, des propositions très concrètes en vue d'améliorer et de sécuriser l'accès des porteurs de projets à ce fonds. J'ai par ailleurs saisi la Caisse des dépôts et consignations, car celle-ci pourrait jouer un rôle d'interface entre le FSE et les demandeurs. En tout état de cause, il faut éviter que, deux ans après que les engagements ont été pris, des crédits ne soient toujours pas versés.