Intervention de Gilbert Font

Réunion du 11 septembre 2014 à 11h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Gilbert Font, président de la commission des affaires administratives du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales :

Le GIFAS est une fédération professionnelle qui rassemble l'ensemble des entreprises du secteur aéronautique et spatial français, soit 342 sociétés, tant les plus grandes et les plus connues – Airbus, Dassault, SAFRAN, Thalès – que les ETI et les PMI. Pour ma part, je travaille à la direction générale de SAFRAN.

Notre profession connaît aujourd'hui une évolution favorable, mais elle doit relever des défis en matière de compétitivité, dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue. Nos concurrents étrangers bénéficient souvent d'aides importantes de la part des États, sur presque tous les continents. De surcroît, dans la mesure où nous avons une base de coûts en euros, mais que nous exportons beaucoup en dollars, le cours de l'euro par rapport au dollar revêt une importance majeure pour nous.

La concurrence internationale s'est exacerbée ces dernières années. Elle ne vient plus seulement des États-Unis, mais aussi de la Chine, du Canada et du Brésil. Le duopole Boeing-Airbus, qui a caractérisé le marché depuis les années 1980, est presque derrière nous. L'industrie aéronautique et spatiale française doit maintenir la compétitivité de son offre à son haut niveau actuel et conforter ses positions sur les marchés à l'export. Cela passe par des investissements dans la recherche et développement, l'innovation et la production industrielle, mais aussi par un accompagnement public. Notre industrie, très fortement implantée en France, exporte 80 % de son activité. Avec un solde des échanges commerciaux excédentaire de 22 milliards d'euros en 2013, elle est la première contributrice à la balance commerciale française.

L'industrie aéronautique – cet élément important est parfois méconnu – est caractérisée par des cycles longs : les cycles de développement durent dix à quinze ans ; les cycles de vie des produits sont supérieurs à trente ans. Nous avons donc à faire des choix technologiques particulièrement lourds, surtout quand ils sont pionniers : il nous faut investir dans la recherche très en amont et avoir ensuite la possibilité de valider ces choix, de façon à garantir leur pertinence et à limiter les risques. Notre industrie consacre chaque année près de 14 % de son chiffre d'affaires – qui s'établit à 48 milliards d'euros – à la recherche et développement. Dans tous nos contrats, nous prenons en compte le long terme, en essayant d'optimiser nos activités. Nous devons faire preuve de patience et d'obstination pour maintenir nos positions. Nous avons aussi besoin que les accompagnements publics qui nous sont proposés soient pérennes.

Face à la concurrence, nous sommes engagés dans une course contre la montre : les travaux de recherche et d'innovation doivent être réalisés sans délai. Pour nous préparer à relever ces grands défis technologiques et commerciaux, nous devons bien maîtriser notre déploiement en France et à l'étranger. Notre filière – grands groupes comme PMI – s'efforce de conserver les moyens de conception et de production en France, particulièrement pour ce qui est des technologies les plus sensibles. Grâce à la forte augmentation de son chiffre d'affaires à l'international, elle est créatrice nette d'emplois sur le territoire national depuis plusieurs années.

Dans ce contexte de concurrence mondiale accrue, le CICE va dans le bon sens : il contribue à la maîtrise des coûts salariaux sur nos sites français et à l'amélioration de notre compétitivité. Notre profession y est donc très favorable dans son principe. Néanmoins, dans sa forme actuelle, le dispositif a un impact trop modéré sur notre secteur. En effet, seules les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC sont retenues pour le calcul du CICE. Or la structure des emplois est particulière dans notre profession : parmi les 177 000 salariés des entreprises du GIFAS, 42 % sont des ingénieurs et des cadres, 34 % des employés, des techniciens et des agents de maîtrise, et 24 % des ouvriers.

Ainsi, avec un CICE à 6 %, notre secteur bénéficiera d'un montant de 170 millions d'euros en année pleine, ce qui représente un peu plus de 1 % des 13 milliards d'euros de sa masse salariale chargée. Cela compense à peine l'alourdissement d'un certain nombre de charges intervenu au cours des dernières années : passage de 8 à 20 % du forfait social qui est appliqué à toute somme versée au titre de l'intéressement et de la participation ; assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur les hautes rémunérations ; augmentation des prélèvements patronaux pour les retraites et la prévoyance.

Ainsi que Louis Gallois l'a proposé dans son rapport sur la compétitivité de l'économie française, nous demandons que les rémunérations jusqu'à 3,5 SMIC soient retenues pour le calcul du CICE. Cette extension permettrait de couvrir une part plus importante de nos coûts salariaux et se traduirait par un doublement du montant du CICE pour notre secteur.

L'ensemble des prélèvements obligatoires – impôts et cotisations sociales – versés par notre secteur atteint 5,9 milliards d'euros par an, soit 30 % des 20 milliards de valeur ajoutée produite. Ce montant, élevé de notre point de vue, représente à peu près le double des prélèvements obligatoires auxquels sont soumises les entreprises des pays européens dont le système social est comparable au nôtre. Un CICE plus avantageux corrigerait en partie cette situation.

D'autre part, un dispositif plus efficace et plus incitatif nous aiderait à investir davantage et mieux dans les développements industriels dont nous avons besoin pour préparer l'avenir. Comme je l'ai indiqué, l'industrie aéronautique et spatiale française est confrontée à des défis technologiques majeurs. Nous devons faire en sorte de rester au premier plan dans des domaines à forte intensité capitalistique tels que les avions électriques, les systèmes embarqués, les technologies composites ou les usines aéronautiques du futur. Nous souhaitons accroître nos investissements industriels et technologiques en France. À cette fin, nous avons besoin de dispositifs tels que le CICE, si possible pérennes, pour renforcer notre compétitivité dans la durée. Encore une fois, nous travaillons sur des cycles longs : un programme d'avion s'étale sur quarante ans. Nous avons donc besoin d'une visibilité à moyen et long terme dans nos business plans.

Enfin, le CICE peut contribuer au renouvellement des compétences. Compte tenu de la pyramide des âges, nous allons être confrontés dans les prochaines années à un nombre important de départs à la retraite. Pour maintenir notre niveau d'excellence et garantir des succès pérennes, nous avons donc d'importants efforts à fournir en termes de formation des jeunes et des apprentis. Nous avons d'ailleurs pris une série d'engagements à ce sujet. Afin de pérenniser l'emploi dans notre secteur industriel en France, il est essentiel que les pouvoirs publics soient à nos côtés avec des dispositifs tels que le CICE.

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