Je commence par remercier tous ceux qui ont souligné que ce budget était bon. Il va nous permettre de mettre en place différents projets, que j'ai exposés par exemple lors des Assises de la jeune création. Je pense aussi aux mesures issues de la stratégie nationale pour l'architecture. C'est donc un budget ambitieux, pas seulement d'un point de vue comptable, mais parce qu'il permet d'agir pour la culture.
Monsieur Muet, le projet de rénovation des Ateliers Berthier est en effet très important. Le ministère de la culture a lancé une étude de programmation en septembre 2015 ; nous en attendons les résultats en juin 2016. L'objectif est de répondre aux besoins des structures déjà présentes sur le site, tout en constituant un pôle théâtral majeur associant la Comédie française, le Théâtre de l'Odéon et notre prestigieux Conservatoire. Le coût est estimé à 20 millions d'euros environ. Il s'articule avec le projet d'un usage renforcé de la salle modulable de l'Opéra Bastille et du terrain « des délaissés », parcelle dont l'État est propriétaire à l'arrière de l'Opéra Bastille.
D'ores et déjà, 3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1,5 million d'euros en crédits de paiement sont inscrits dans ce projet de loi de finance pour le lancement et la réalisation de différentes études de maîtrise d'oeuvre qui seront nécessaires à la réalisation de l'opération.
C'est là une opération qui pourrait être emblématique, qui prendrait tout son sens au moment où l'ensemble du quartier connaît une transformation très importante, avec notamment l'installation du nouveau palais de justice conçu par Renzo Piano. Mais nous n'en sommes encore qu'au stade des études préalables.
S'agissant du Conservatoire de Lyon, les derniers mois ont également vu ce dossier avancer. La proposition de confier une étude complémentaire au cabinet de programmation architecturale Aubry et Guiguet a été validée lors du conseil d'administration du 31 mars 2015. Cette étude permettra de guider nos décisions, car deux emprises foncières sont susceptibles d'être aménagées : l'une au sud, l'autre au nord.
Le terrain situé au nord a été transféré du département à la métropole ; cette dernière est toujours disposée, je crois, à céder ce terrain. Au sud, c'est le terrain « CEMAGREF », initialement destiné à être vendu au prix du marché par le ministère de l'agriculture, mais placé par le préfet de région sur la liste des biens susceptibles d'être cédés par l'État à des prix décotés à condition qu'ils soient destinés au logement social. Ces deux politiques publiques pourraient être conciliées par un programme mixte destiné à la fois à construire des logements et à soutenir les missions du Conservatoire : la métropole a clairement indiqué que toute étude qui viendrait affiner les besoins du Conservatoire et proposer un pré-programme en ce sens serait bienvenue. Nous y travaillons.
Monsieur Lamour, vous dites que le patrimoine ne serait pas une priorité. Je tiens à rappeler ici que ce projet de loi de finances renforce le budget de ce programme, même si l'on ne tient pas compte de la budgétisation de la RAP. Les autorisations d'engagement augmentent de 49 millions d'euros, soit 6,5 %, dans un contexte économique qui demeure difficile. C'est là une évolution qui me paraît aller dans le bon sens.
J'ai notamment souhaité que la politique de conservation et de valorisation des patrimoines, qui concourt à l'égalité des territoires et au développement économique et touristique, et donc à l'emploi, bénéficie d'un soutien consolidé. L'archéologie préventive est sécurisée. Les crédits alloués aux monuments historiques progressent également : les crédits de paiement augmentent légèrement, et les autorisations d'engagement augmentent de 10 millions d'euros. Les crédits déconcentrés seront maintenus en ce qui concerne les autorisations d'engagement ; leur évolution est liée au cycle des investissements territoriaux. Enfin, un important programme d'investissement sera engagé dans le domaine des archives ; j'y reviendrai. Je reviendrai également sur les schémas directeurs.
S'agissant de la RAP, le mauvais rendement de la cette redevance et les difficultés de sa gestion ont mené ces dernières années à une sous-dotation structurelle du FNAP, comme vous l'aviez relevé dans vos rapports, ainsi que votre collègue Martine Faure. Malgré les concours budgétaires dégagés par le ministère, le FNAP n'a pu faire face à l'ensemble de ses obligations : les retards de décaissement sont excessifs, et l'impatience de ceux qui sont victimes de ces retards bien légitime. J'y suis d'autant plus sensible que ce sont souvent de petites entreprises. Cette situation anormale est dommageable aussi bien à l'archéologie préventive qu'aux entreprises concernées.
La budgétisation de la RAP en 2016 permettra de faire coïncider la dotation du FNAP et ses besoins ; il sera ainsi mis fin à l'accumulation des retards. C'est un excellent arbitrage que nous avons obtenu, à la suite des propositions de Martine Faure.
Sachez que je travaille parallèlement, avec le secrétariat d'État au budget, à un plan d'apurement, recommandé par la Cour des comptes. Il pourrait être lancé dès la fin de l'année 2015. Je note votre proposition de demander à l'INRAP de tenir une comptabilité analytique : ce serait en effet une mesure de bonne gestion. Mes services et moi-même sommes en tout cas, je vous l'assure, pleinement mobilisés pour régler de façon rapide et définitive les problèmes nés des retards de paiement.
Le Grand Palais, sur lequel M. Lamour et M. Piron m'ont interrogée, est effectivement un lieu essentiel au rayonnement international de Paris et de la France, du point de vue tant culturel et scientifique qu'événementiel. Le modèle économique sur lequel il repose est solide, mais pourrait sans doute l'être encore davantage si le bâtiment était mieux utilisé. En effet, l'aménagement actuel, pour des raisons logistiques ou de sécurité, ne tire pas le meilleur parti de ce lieu majeur et crée de nombreuses difficultés pour les exposants.
Nous avons donc lancé plusieurs études qui portent à la fois sur la restauration du monument, sur son aménagement, son programme culturel, et sur son équilibre économique. Ces études sont aujourd'hui très abouties. Les travaux d'urgence sont déjà financés, et engagés pour ce qui concerne la restauration du clos et du couvert. Les discussions interministérielles ont bien progressé dans la période récente. Elles restent ouvertes s'agissant du scénario à privilégier et du bouclage du plan de financement des prochaines étapes, mais nous devrions pouvoir vous annoncer au cours des semaines à venir la solution privilégiée par le Gouvernement. Elle contribuera à une meilleure exploitation du potentiel du bâtiment, parallèlement, bien sûr, à la mise en sécurité totale de l'équipement, qui représente l'investissement minimal à réaliser.
En ce qui concerne le schéma directeur d'aménagement du château de Fontainebleau, les évolutions de la réglementation en matière de sécurité nous ont conduits à privilégier, dans la première phase qui s'étend de 2015 à 2018, des travaux relevant d'urgences patrimoniales. Mais ces travaux permettront aussi d'ouvrir au public la cour Ovale, coeur historique et emblématique du château. Vous avez raison, monsieur Lamour : fort de son histoire et de sa richesse patrimoniale, celui-ci possède un fort potentiel de développement, probablement sous-exploité, alors qu'il permettrait de diversifier les parcours de visite, notamment touristique, en Île-de-France. Je suis tout à fait consciente de la nécessité de prévoir rapidement la restauration de certains décors, outre les travaux déjà engagés. Nous réfléchissons actuellement aux solutions envisageables pour conduire ces deux phases en parallèle, en recherchant des mécénats et des partenariats pour boucler le financement du projet.
Le MuCEM est une très belle réussite, une opération majeure – comme il n'en existe plus beaucoup ces derniers temps – de création d'un musée national hors de Paris et de l'Île-de-France, de création architecturale aussi. C'est un véritable succès public que le ministère de la culture continuera naturellement d'accompagner avec détermination. Les chiffres de fréquentation sont satisfaisants : les visiteurs étaient 650 000 en 2014, ce qui représente un très grand succès pour un musée non francilien. Le MuCEM propose une belle programmation, qui lui permet de toucher un public varié et de jouer le rôle de tête de réseau pour les musées de société. Son ancrage territorial est renforcé par une politique très dynamique de partenariats, par exemple avec le festival de Marseille, avec le théâtre de la Criée ou avec le Ballet national de Marseille. Le musée a également conclu une convention avec l'académie d'Aix-Marseille et la DRAC afin de développer des projets éducatifs, comme par exemple l'événement Panora'mixtes. Le ministère travaille, en étroite collaboration avec l'établissement public, au suivi des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public annuel. Mais, pour l'instant, le musée joue bien son rôle. On peut toujours faire mieux, et nous y oeuvrons. Quoi qu'il en soit, le succès public ne se dément pas après les premières années suivant l'inauguration.
S'agissant de l'avenir des DRAC, je veux vous rassurer, madame Bouillé : dans le cadre de la loi NOTRe comme dans celui de la fusion des régions, les DRAC continueront de se répartir sur tout le territoire, car ce sont des administrations de proximité. Autrement dit, et très concrètement, les conseillers en place à Clermont-Ferrand, à Metz ou à Amiens resteront en place au plus près du terrain. Cette réforme devrait même permettre de déployer davantage d'agents, puisque nous allons être en mesure de créer une vingtaine de postes de conseillers chargés du développement de l'éducation artistique et culturelle dans les départements qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire dans les territoires ruraux ou là où vivent des publics très éloignés de la culture, par exemple dans des zones périurbaines. Bref, la proximité reste une dimension essentielle de l'organisation et de l'implantation des DRAC.
Vous appelez mon attention sur le désengagement des collectivités territoriales en matière budgétaire et financière. Je rappelle que, dans la quasi-totalité de ses interventions en région, le ministère de la culture n'est pas en position de maîtrise d'ouvrage : vis-à-vis de l'action des collectivités dans le domaine du patrimoine, de la création ou de la lecture, il n'est qu'accompagnateur ou incitateur. Dès lors, le ministère n'a pas vocation à compenser le désengagement des collectivités territoriales ; il ne le peut d'ailleurs pas.
Je souhaite néanmoins soutenir les collectivités qui, au niveau communal ou intercommunal, choisissent de maintenir leur dotation. Tel est le sens des pactes culturels que j'ai signés avec des communes ou des agglomérations – de petits villages de 2 000 habitants comme de grandes agglomérations dont la population atteint 300 000 ou 400 000 personnes – afin de sécuriser pour trois ans nos interventions et nos financements. Voilà qui apporte visibilité et sécurité aux acteurs culturels locaux. Les 45 pactes signés à ce jour concernent 3,6 millions d'habitants et ont permis de consolider 400 millions d'euros de fonds publics destinés à la culture. En signant le 27 octobre un pacte avec la région Pays de la Loire, j'ai entrepris d'étendre cette démarche partenariale aux régions, afin de renforcer les politiques que nous menons en commun au niveau régional.
Quant au déséquilibre entre l'Île-de-France et les autres territoires, vous avez raison : cette situation, très visible s'agissant de l'utilisation des crédits du ministère de la culture, est aussi le fruit d'une politique d'équipements qui a consisté à construire à Paris ou en Île-de-France beaucoup de grands équipements, de grands musées, de grandes institutions culturelles. Pour y remédier, j'ai engagé plusieurs chantiers. Le premier consiste à inciter encore davantage les grandes institutions culturelles parisiennes à mener des actions concrètes dans les territoires.
Vous en avez cité un excellent exemple, celui du très beau projet Démos porté par la Philharmonie de Paris. Les orchestres Démos concernent aujourd'hui 800 jeunes et ont été jusqu'à présent déployés en Rhône-Alpes et en Picardie. J'ai choisi de leur consacrer 1,5 million d'euros supplémentaire en 2016, ce qui permettra de toucher 1 000 jeunes de plus chaque année dans une trentaine de territoires différents hors de la région parisienne. J'ai récemment réuni les principaux dirigeants des grandes institutions parisiennes pour évoquer avec eux les moyens de mener de telles actions hors les murs : c'est une façon de faire profiter des crédits qui leur sont alloués les territoires les moins bien dotés en institutions culturelles.
Autre exemple de rééquilibrage : les quelques 15 millions d'euros supplémentaires dont nous disposons bénéficieront essentiellement à des actions menées dans des territoires situés hors de l'Île-de-France, qu'il s'agisse de transmission, avec l'éducation artistique et culturelle, des médias de proximité ou du soutien à la création – soutien aux résidences, création de nouveaux lieux.
J'en viens au statut des enseignants des écoles d'art, nationales et territoriales. J'étais justement à Lyon vendredi dernier pour le colloque de l'Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA), et, devant les enseignants et les directeurs des écoles d'art réunis à cette occasion, je me suis engagée à tout faire pour aligner les deux statuts – puisqu'il n'est pas possible de proposer le même statut aux enseignants des deux écoles sans porter atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Je mets donc tout en oeuvre pour que les enseignants bénéficient des mêmes conditions de rémunération, d'avancement, bref que l'équité soit respectée. Nous sommes actuellement en concertation avec les autres ministères concernés et avec les collectivités ; nous agirons par décret une fois cette phase de concertation achevée.
En ce qui concerne les bourses, je souhaite, comme je l'ai annoncé à la suite des Assises de la jeune création, que les étudiants en classes préparatoires publiques aux écoles de l'enseignement supérieur culture (ESC) puissent en bénéficier, afin de réparer une injustice très ancienne. Les premières bourses ont été versées le mois dernier par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). L'engagement est donc tenu dès cette année.
S'agissant des crédits des musées, monsieur Piron, des évolutions seront probablement nécessaires à partir de 2018, en raison du rebasage des subventions de fonctionnement. En 2016, on observe une hausse de 8 millions d'euros par rapport au PLF pour 2015, dont 0,5 million pour Fontainebleau, 300 000 euros pour le quai Branly et 1,2 million pour le Louvre. Les opérateurs du programme « Patrimoines » sont également préservés cette année – contrairement aux précédentes – de prélèvements sur le fonds de roulement ; j'y ai insisté auprès du ministère des finances.
Quant au déficit du musée du quai Branly, le modèle économique de cette institution doit en effet être consolidé. Les marges de manoeuvre existantes pour développer les ressources propres sont limitées, même si le musée mène une politique très dynamique en ce domaine, notamment en matière de mécénat. J'ai donc souhaité que le contrat de performance 2015-2017 tienne compte de cet objectif. Le ministère accompagnera évidemment cette démarche ; c'est la raison pour laquelle la subvention de fonctionnement augmente de 300 000 euros. Cela permettra au musée de dégager une capacité d'autofinancement positive de 3 millions d'euros en 2016, en limitant le prélèvement sur le fonds de roulement. Dans ce contexte, je veillerai à ce que l'établissement retrouve rapidement un modèle économique équilibré.
J'en viens aux Rembrandt. Nous avons en effet trouvé une solution inédite et innovante, fondée sur plusieurs principes. Le premier est l'acquisition conjointe par la France et les Pays-Bas : elle permettra de conserver sur le sol européen ces deux chefs-d'oeuvre que nous ne souhaitions pas voir partir pour une destination éloignée. Les deux tableaux seront toujours présentés ensemble, en alternance au Louvre et au Rijksmuseum. Nous devons désormais signer un accord interétatique pour fixer ces grands principes ainsi que ceux qui organisent la circulation des oeuvres et leur installation. Cet accord politique entre États devra être suivi d'un accord technique entre les deux musées, qui précisera les conditions du prêt alterné et de la réalisation des éventuelles restaurations, entre autres. Cette acquisition très significative témoigne de notre mobilisation pour enrichir le patrimoine de la nation et innove en donnant sens à l'idée d'Europe de la culture. Nous avons tout lieu de nous en féliciter.