Je m'exprimerai pour ma part au nom du groupe Les Républicains.
Depuis trois ans, le monde de la culture attend du Gouvernement un soutien, des moyens, en somme une véritable preuve du fait qu'il s'engage aux côtés des différents acteurs du secteur. Lorsque Manuel Valls a fait acte de repentance il y a quelques mois, en reconnaissant que la baisse historique du budget de la culture était une erreur – que n'avait-il écouté l'opposition dans l'hémicycle ! –, beaucoup ont espéré que le budget pour 2016 réparerait cette erreur et apporterait enfin la preuve de confiance tant attendue. Hélas, une fois encore, la déception est de mise : par-delà les opérations de communication bien huilées et les beaux discours, le budget pour 2016 ne répond pas aux attentes.
Après 4 % de baisse des crédits en 2013, 2 % en 2014, une stagnation des moyens en 2015, voilà que l'on nous annonce une hausse de 2,7 % pour l'année prochaine. En apparence, le chiffre est évidemment prometteur. Mais c'est un trompe-l'oeil.
D'abord parce que cette hausse inclut la rebudgétisation de la RAP. Si on l'exclut, les crédits du ministère n'augmentent que de 1 %, soit exactement le niveau d'inflation prévu pour l'année prochaine. En réalité, à périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 resteront encore inférieurs à ceux de 2012.
Dans le détail, des crédits supplémentaires pour la création et la démocratisation de la culture seront dégagés l'an prochain. Ils vont permettre de réaliser plusieurs projets favorisant l'éducation artistique ou l'accès de la culture au plus grand nombre, comme l'excellent projet Démos ou les projets issus des Assises de la jeune création ; nous nous en félicitons. Défenseur inlassable, comme mon collègue Pierre-Alain Muet et d'autres ici, du magnifique projet de la Philharmonie, je ne peux que me réjouir de son très grand succès de fréquentation, d'autant qu'il permet à un nouveau public d'accéder à la musique et aux grandes formations orchestrales.
Néanmoins, beaucoup de ces nouveaux moyens n'opèrent en fait qu'un retour en arrière : ils compensent les baisses de ressources des années passées.
Le plan destiné aux conservatoires illustre bien cette improvisation permanente. Après avoir décidé la suppression totale des subventions allouées aux conservatoires à rayonnement départemental et régional, voilà que vous faites machine arrière en les rétablissant, madame la ministre – non pas immédiatement, comme il le faudrait, mais en trois ans. Dans l'intervalle, que d'énergie, que de temps perdus dans cette affaire, que d'inquiétude pour les familles, les collectivités, les enseignants et les jeunes élèves !
En ce qui concerne le patrimoine, la situation est toujours aussi inquiétante. La stabilité des moyens pourrait presque être une bonne nouvelle au regard des coupes drastiques des années précédentes, mais le niveau des crédits, très bas, ne permet pas d'accomplir toutes les missions nécessaires. Au total, ce sont 200 millions d'euros qui ont été retirés au patrimoine depuis 2012. Je me pose à ce sujet la même question que mes collègues sur la rénovation du Grand Palais, qui devient urgente.
S'agissant de la politique muséale, l'ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et d'Orsay est une bonne nouvelle. Elle n'en pose pas moins le problème des moyens dédiés et de la réorganisation technique des musées. Vous le savez, cette mesure suscite bien des inquiétudes et des coûts supplémentaires sont à prévoir. Pouvez-vous nous indiquer les moyens complémentaires que l'État compte allouer au projet, sachant que les trois établissements ont déjà subi des coupes budgétaires importantes au cours des années précédentes et qu'ils doivent de plus en plus s'autofinancer ?
Un mot sur les dépenses fiscales. En 2015, l'écart entre la prévision initiale et la réalité est important, de l'ordre de 13 %. Est-il lié à un défaut d'évaluation initiale ou à une sous-budgétisation ? Faut-il craindre une nouvelle dérive en 2016 ?
Je terminerai en évoquant une menace funeste qui plane sur la création et sur l'accès à la culture pour tous. Je veux évidemment parler de l'asphyxie budgétaire que le Gouvernement est en train de faire subir aux collectivités territoriales.
Une réduction de 11 milliards d'euros sur trois ans des dotations pour les communes, les départements et les régions est engagée et de toutes parts nous revient l'information que ce sont les politiques culturelles qui souffrent le plus des réductions budgétaires résultant du désengagement massif de l'État. Les collectivités concernées sont situées partout sur le territoire et de toutes tendances politiques. Et nous n'en sommes qu'à la première année du plan de réduction des dotations de l'État. Si cette politique se poursuit au cours des prochains mois, je vous donne rendez-vous l'année prochaine, madame la ministre, pour constater avec vous des dégâts qui ne vont cesser de s'aggraver.
Vos « pactes pour la culture » avec les collectivités n'y changeront rien et ne duperont personne. Car s'ils donnent à quelques collectivités les moyens de maintenir leur budget de fonctionnement, ils ne leur permettront pas de réaliser les investissements futurs ; surtout, ils ne suffiront absolument pas à résoudre la crise culturelle que traversent nos territoires.
Cette question est centrale pour l'avenir de la culture puisque les collectivités assurent les trois quarts des financements culturels en France.
Disposez-vous à ce jour d'une évaluation du désengagement des collectivités locales ?
Nous vous alertons, madame la ministre, et nous souhaitons que vous répondiez rapidement à cette alerte. Il ne faudrait pas que le même Premier ministre, ou un autre, vienne nous dire dans quelques mois que la baisse des dotations aux collectivités était elle aussi une erreur : pour vous épargner un nouvel acte de repentance, autant nous écouter dès maintenant !
Au lieu d'un véritable budget d'avenir, ambitieux, porteur de projets majeurs, vous nous présentez un budget défensif, qui tente de réparer les conséquences de vos erreurs passées mais qui ne compensera en rien les fautes commises vis-à-vis des acteurs du monde culturel et des collectivités locales, des fautes qui rejaillissent sur les politiques que celles-ci mènent pour diffuser la culture auprès du plus grand nombre sur tout le territoire.
Ce budget vous fournissait l'une des dernières occasions avant les prochaines échéances nationales de vous rattraper en étoffant le très maigre bilan culturel du quinquennat. Hélas, l'occasion est manquée une fois de plus.
Vous comprendrez donc que le groupe Les Républicains s'oppose à ce budget pour marquer sa défiance et celle, de plus en plus marquée, des acteurs du monde culturel.