Intervention de Estelle Grelier

Réunion du 10 septembre 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Grelier, rapporteure :

L'accord dit FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) entre la France et les Etats Unis fait partie de l'ensemble des conventions fiscales conclues par les Etats-Unis pour assurer l'échange automatique des informations bancaires entre administrations fiscales sur une base bilatérale.

C'est une révolution sur le plan international et pour la lutte contre la fraude fiscale à cette échelle.

En effet, l'échange automatique de données en grand nombre et chaque année modifie considérablement les conditions d'accès du fisc aux informations étrangères.

Actuellement, celui-ci se fait sur demande préalable et au cas par cas.

La seule exception à ce principe est prévue par la directive 200348CE dite épargne qui organise entre les Etats membres de l'Union européenne la transmission automatique des revenus de l'épargne, et pour être très précis, des seuls produits de taux (revenus d'obligation, de compte épargne et autres). Et encore, ce dispositif est-il assorti d'une dérogation pour les Etats à secret bancaire, ce qui permet à l'Autriche et au Luxembourg de ne pas communiquer ces informations en prélevant en remplacement une retenue à la source au taux de 45%.

FATCA résulte d'une initiative législative américaine de 2010 intervenue en réaction aux affaires bancaires qui ont été mises au jour par la justice américaine au cours des années 2000, notamment l'affaire UBS.

En effet, les banques suisses ont organisé, de manière illégale par démarchage sur le territoire américain, au bénéfice des contribuables américains, des mécanismes destinés à faire échec au dispositif permettant de taxer les revenus à l'étranger de l'épargne américaine investie en produits américains.

En 2010 donc, les Etats-Unis ont adopté une législation extraterritoriale et unilatérale imposant aux banques étrangères de transmettre les données relatives à leurs clients américains, pour échapper à une retenue à la source de 30% sur les versements financiers versés depuis les Etats-Unis en leur faveur. Ils ont pu le faire car il y a à la clef l'accès au marché américain.

La perspective d'une mise en application de ce dispositif n'a pas été sans poser de difficulté pour les banques européennes, notamment françaises, car exigeant des banques communication d'éléments qu'elles n'avaient pas forcément.

Aussi, cinq des principaux pays partenaires des Etats-Unis, engagés dans la lutte contre la fraude fiscale internationale et contre les paradis fiscaux, le G5 – la France ainsi que l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni –, ont entamé des discussions avec les Etats-Unis de manière que FATCA soit mis en oeuvre dans le cadre d'accords internationaux et non pas sur une base unilatérale.

Cette démarche a été couronnée de succès, car les Etats-Unis ont accepté de conclure des accords d'Etat à Etat.

C'est ce qu'ont fait 37 pays à ce jour, dont la France, en concluant des accords FATCA de type 1 où les transmissions de données bancaires se font d'Etat à Etat, d'administration fiscale à administration fiscale, ce qui laisse à l'administration nationale le soin de collecter les éléments concernant les comptes domiciliés sur territoire.

L'accord FATCA conclu par la France est bien de ce type. Il sera complété par un accord technique non soumis à ratification parlementaire, mais les difficultés se nichant dans les détails, son dispositif devra faire l'objet d'une vigilance dans le cadre du contrôle parlementaire.

Quelques autres pays, dont la Suisse, le Japon, le Chili, l'Autriche et les Bermudes, ont un accord d'une autre nature, dit de type 2, selon lequel les banques transmettent directement à l'administration fiscale américaine, à l'Internal Revenue Service (IRS), avec en complément l'échange de renseignements sur demande au cas par cas entre administrations fiscales.

Au-delà, FATCA a été à l'origine d'un développement extrêmement rapide de l'échange automatique d'informations au niveau international et européen.

D'abord, sous l'impulsion du G5, le G20 a imposé l'échange automatique en septembre 2013, alors que c'est en 2009 seulement qu'il avait décidé que l'échange d'informations sur demande serait la norme de transparence fiscale internationale.

L'OCDE, qui héberge le Forum mondial sur la transparence et l'échange automatique d'informations en matière fiscale, a été chargée d'établir un standard mondial. Celui-ci va être présenté au prochain G20 des ministres des finances et des banques centrales à Cairns, les 20 et 21 septembre.

Sur le plan juridique, la mise en oeuvre en est facilitée par le nombre croissant d'adhésion d'Etats, sous la pression internationale, et de l'opinion publique, en raison notamment des travaux d'évaluation et de revue par les pairs du Forum mondial, à la convention multilatérale du Conseil de l'Europe et de l'OCDE sur la coopération fiscale.

Les premiers échanges automatiques sont prévus pour être mis en place par la France et 45 pays ou territoires, selon un calendrier précis, entre 2015 et 2017.

Ensuite, au niveau européen, en parallèle à la révision de la directive « épargne » de 2003, pour l'étendre aux produits de taux qui y échappaient encore, notamment l'assurance vie, et pour faire obstacle à la technique de l'interposition de sociétés écrans ou structures de type trusts, le G5 a obtenu du Conseil européen le principe d'une révision rapide de la directive de 2011 sur la coopération administrative en matière fiscale entre Etats membres de manière à y intégrer, sur une base plus large et conforme au standard OCDE, l'échange automatique d'informations.

On assiste donc à un mouvement de transparence fiscale qui concerne même la Suisse, le Luxembourg et l'Autriche, et les autres pays ou territoires traditionnellement non coopératifs en raison de leur secret bancaire.

Celui-ci laisse clairement entrevoir la fin des paradis fiscaux. C'est un élément essentiel à prendre en considération et à mettre en balance avec d'éventuels doutes.

Dans ce contexte, la ratification de l'accord FATCA conclu en novembre 2013 par le Gouvernement et l'Administration du Président Obama appelle peu de réserve.

C'est bien un accord entre Etats avec des dispositions classiques et la communication des données fiscales se fera bien entre administrations. Pour les comptes américains en France, ce sera donc la DGFiP qui sera chargée de la collecte auprès des établissements financiers concernés, banques et assurances.

Cet accord est l'une des modalités de mise en oeuvre de la convention fiscale franco-américaine de 1994 destinée à éviter les doubles impositions et qu'organise la coopération pour prévenir la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.

C'est certainement un cadre beaucoup plus satisfaisant que les accords de type 2 où des données à caractère personnel sont transmises directement à l'IRS.

Concrètement, les autorités françaises collecteront et transmettront, selon un calendrier progressif, les informations financières sur les citoyens et résidents des Etats-Unis : identification, comptes, soldes des comptes, valeur de rachat des contrats d'assurance, revenus financiers.

La base juridique permettant aux banques françaises de collecter ces données sera assurée tant par le texte de l'accord, et plus précisément par l'annexe 1 qui prévoit les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de diligence (due diligence) vis-à-vis des comptes dont les titulaires présentent des indices d'américanité (passeport, résidence aux Etats-Unis, numéro de téléphone), que par l'article 1649 AC du code général des impôts, qui vient d'être modifié en conséquence par la loi de finances rectificative du 8 août dernier.

La première transmission de données par l'administration fiscale est prévue pour le 30 septembre 2015 au plus tard, sur les données afférentes à l'année 2014. Il y aura ensuite une transmission annuelle.

Pour les banques et assurances françaises, cette obligation d'identification des comptes américains commence en principe au 1er juillet 2014, mais une disposition de l'accord prévoit qu'elles n'encourent cependant pas de sanction tant que l'accord n'est pas ratifié.

Il devient nécessaire de ratifier maintenant à bref délai, car il s'agit de ne pas prendre de retard.

Pour être tout à fait clair, le point de l'accord qui mérite explication est la dissymétrie entre les obligations prévues pour la partie française et celles prévues pour la partie américaine.

Notamment, les dispositions relatives à l'obligation de diligence des banques américaines ne figurent pas dans l'accord et les soldes des comptes américains détenus par des contribuables français ne seront pas communiqués d'emblée par les Etats-Unis.

Sur le premier point, on peut simplement rappeler qu'il s'agit en fait d'appliquer les règles déjà en vigueur pour la lutte contre le blanchiment, qui impose aux établissements financiers de connaître leurs clients.

Sur le second point, on peut observer que l'essentiel pour l'administration fiscale française est de détenir le numéro de compte et le niveau des revenus. Si le dossier du contribuable pose problème, une demande de renseignement ad hoc pourra alors être transmise à l'administration fiscale américaine.

En outre, trois éléments font que la dissymétrie devrait se résorber.

D'abord, les Etats-Unis se sont engagés à modifier leur législation interne pour que l'IRS dispose des soldes bancaires, mais les difficultés actuelles entre le Congrès et le président Obama n'ont pas permis aux initiatives en ce sens d'aboutir.

Ensuite, le texte de l'accord comprend un principe général de réciprocité entre les deux pays.

Enfin, il confère à la France le droit de bénéficier de toute clause plus favorable qui serait contenue dans un autre accord FATCA conclus par les Etats-Unis avec un autre pays. Actuellement, il n'existe pas de clause plus favorable et ce principe de la Nation la plus favorisée n'a donc pas à s'appliquer.

Au-delà de ces éléments qui plaident en faveur de la ratification, nous constatons que la perspective de la transparence fiscale internationale a conduit un grand nombre de Français à rapatrier leurs avoirs de l'étranger et notamment de Suisse. Fin juillet ainsi, 29.024 demandes de régularisation avaient été enregistrées. Le montant moyen par dossier des avoirs révélés à l'administration fiscale s'élève à 1 million d'euros permettant à ce stade d'estimer qu'environ 28 milliards d'euros détenus à l'étranger étaient « sortis de l'ombre » et venaient accroître les bases fiscales pour l'avenir.

Le rythme d'arrivée des dossiers restait très soutenu. Les sommes recouvrées en impôts et pénalités atteignaient 1,336 milliard d'euros, contre 1 milliard d'euros mi-juin garantissant d'atteindre l'objectif de 1,8 milliard fin 2014 et de disposer encore de recettes en 2015.

D'ailleurs, ce surcroît de recettes a permis dès le mois de mai dernier d'alléger l'impôt.

Je rappelle enfin que la commission des finances s'est saisie pour avis de cet accord et qu'elle a donné un avis favorable à sa ratification ce matin-même, sur le rapport de M. Yann Galut.

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