Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 10 septembre 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Je ressens un véritable malaise par rapport à ce texte pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'il s'inscrit dans un contexte de stratégies d'extraterritorialité de la loi américaine au sens large. Soixante ans après, on retrouve l'application d'anciens textes dans l'Affaire BNP Paribas, tels que les Trading with the Ennemy Act adoptés au moment de la crise de Cuba. Tout établissement bancaire opérant aux Etats-Unis se voit appliquer la loi américaine sur l'ensemble de ses activités mondiales. La FCPA, portant sur la corruption, constitue un moyen de mener des poursuites contre des sociétés qui sont aussi des cibles d'OPA menées par des grands groupes américains. L'actualité récente en donne de nombreux exemples.

En ce qui concerne la Convention fiscale, son objectif de transparence est louable et légitime. Comme le disent les Américains : « Motherhood and Apple pie », tout le monde aime la tarte aux pommes et la mère patrie. De la même façon, tout le monde est en faveur de la transparence.

La Convention de double imposition de 1994 évoquée par Mme la Présidente, n'a rien à voir avec l'accord qui, en créant une obligation de déclaration, consiste à faire du fisc et des banques françaises les agents supplétifs de l'IRS américain. Or la plupart des institutions financières françaises sont soumises à cette obligation de déclaration dès lors qu'elles ont à faire à des clients américains ; seules sont exclues par une liste limitative à l'annexe II de la Convention, certaines institutions qui n'ont pas d'activités internationales, ainsi qu'un petit nombre de produits qui n'attirent pas les clients américains, comme le livret A, le livret jeune ou le plan d'épargne-logement.

Il n'y a en réalité aucune réciprocité dans ce texte. En effet, il demande à la France d'appliquer la loi américaine, ce qui est manifeste dès le préambule. Par ailleurs, selon le rapport, cela impliquerait un coût considérable de 300 millions d'euros pour les banques françaises.

L'exigence du régime déclaratif et le degré de détails requis sont tels que les banques françaises risquent d'inviter leurs clients à s'adresser à un autre établissement bancaire.

Est-on sûr que ce texte sert bien l'objectif affiché, à savoir la transparence et la moralisation des transactions financières, ou implique-t-il une forme de pénalisation de l'activité des banques françaises ? Qui plus est, en ce qui concerne nos citoyens, nous n'avons pas les moyens de regarder ce qui ce qui se passe au sein de l'IRS.

Comment un Etat souverain tel que la France pourrait-il accepter un accord aussi déséquilibré ? En fin de compte, rédigé en l'état, cet accord consiste purement et simplement à appliquer le droit américain.

Certes, il existe des intérêts politiques et économiques qui sont en jeu mais ce qu'il faudrait alors, c'est connaître la position de la Commission des finances sur cette question. A-t-on auditionné les banques françaises et nos institutions financières afin de chercher à savoir si cet accord était réellement utile ou s'il était contre-productif ?

En tant que Français et juriste, un accord de cet ordre, dont je parviens mal à saisir quelles pourraient être les conséquences me choque. Des banquiers ont avancé qu'il serait tellement répressif qu'il signifierait l'entrée de l'IRS sur le territoire français, ce qui risque d'amener les banques à ne plus vouloir de clients américains.

J'exprime donc ma très forte réserve à l'égard de ce texte.

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