Je m'attacherai à montrer comment la finance solidaire peut financer le monde associatif.
La finance solidaire est un circuit de financement qui relie des particuliers, au nombre aujourd'hui de 1 million, souhaitant donner du sens à leur épargne, à des structures à forte utilité sociale et environnementale, qu'il s'agisse d'entreprises, de coopératives ou d'associations. L'épargne solidaire se distingue du don, même si les produits de partage s'en approchent. Elle finance soit les dettes, soit le capital d'entreprises solidaires agréées répondant à un besoin humain essentiel comme le logement, l'emploi, la production d'énergie propre et reposant sur un modèle économique pérenne puisqu'elles doivent avoir la capacité de rembourser l'argent prêté.
La finance solidaire est née il y a plus de trente ans. Les années quatre-vingt ont vu, de manière concomitante, émerger l'initiative conjointe du Crédit coopératif et du Comité catholique contre la faim et pour le développement de créer le fonds commun de partage « Faim et Développement », se développer le mouvement des Cigales, clubs d'investisseurs particuliers animés de la volonté de financer des activités économiques créatrices d'emplois dans une période de fort chômage, et se créer des sociétés de capital-risque.
Il y a trois façons de constituer une épargne solidaire :
La première passe par les banques et les mutuelles, puisque pratiquement toutes proposent des produits d'épargne solidaire, même si toutes ne les promeuvent pas.
La deuxième passe par les entreprises, qui constituent le principal facteur de croissance de cette épargne. Une loi de 2001 puis la loi de modernisation de l'économie, en 2008, ont posé l'obligation pour les entreprises ayant des dispositifs d'épargne salariale de proposer au moins un fonds solidaire à leurs salariés. Le nombre des épargnants salariés contribuant à l'épargne solidaire est de 800 000, chiffre à rapporter au million d'épargnants solidaires et aux 10 à 12 millions d'épargnants salariés.
La troisième passe par l'investissement direct dans le capital d'une entreprise solidaire.
En dix ans, l'épargne solidaire a connu une forte progression : de 2002 à 2012, le nombre d'épargnants a augmenté de 39 000 à 1 million et l'encours de 300 millions d'euros à 6,2 milliards d'euros.
Les termes d'entreprise solidaire ne sont pas un oxymore. Ces entreprises reposent sur une activité économique au service du développement humain, destinée à venir en aide à des publics ou des territoires fragiles. Leur finalité première n'est pas de maximiser les résultats mais il importe qu'elles en obtiennent suffisamment pour ne pas disparaître et pour réinvestir dans leurs projets. Leur lucrativité est limitée, voire nulle, et leurs rémunérations doivent être raisonnables, comme l'impose le cadre strict de l'agrément.
Je vais maintenant évoquer les quatre grands secteurs d'activité financés par l'épargne solidaire.
Il s'agit tout d'abord du logement très social, destiné à un public en difficulté qui ne répond pas aux conditions d'attribution d'un HLM. Le plus gros acteur de ce secteur est Habitat et humanisme qui gère aujourd'hui 7 000 logements sur l'ensemble du territoire et accompagne des personnes fragilisées vers une pleine réinsertion dans la société, comprenant l'accès à un logement et le retour vers l'emploi.
Le deuxième secteur est l'emploi. Les financeurs solidaires, au premier rang desquels France Active, développent une activité quasi-bancaire au service d'entreprises favorisant la création d'emplois et ayant une utilité sociale ou environnementale. Citons les entreprises de réinsertion Vitamine T, qui compte 3 000 salariés, et le Réseau Cocagne, association de jardins maraîchers qui emploie 1 700 personnes.
Troisième secteur : les activités écologiques citoyennes, qui comprennent l'agriculture biologique et les énergies renouvelables répondant à certains critères, précisons-le – il s'agit de financer l'installation non pas de champs de panneaux solaires dont le seul objectif serait de générer de la rentabilité mais d'éoliennes acceptées par toutes les parties prenantes.
Enfin, quatrième secteur, l'entrepreneuriat dans les pays du Sud. Bénéficiaire historique de l'épargne solidaire, c'est maintenant le moins important des secteurs financés. Je citerai ici la SIDI.
L'ambition de Finansol est, à moyen terme, que 1 % du patrimoine financier des Français soit investi dans l'épargne solidaire. Il reste du chemin à parcourir puisque sur un total de 4 000 milliards d'euros d'épargne, elle ne représente actuellement que 0,15 %. Mais cet objectif nous semble atteignable.
Au niveau international, l'épargne solidaire fait l'objet d'une prise de conscience de plus en plus forte. Le G8 a ainsi créé un groupe de travail consacré à l'impact investing au sein duquel Hugues Sibille représente la France.
Pour finir, j'aborderai la question de savoir comment l'épargne solidaire peut participer à la diversification des ressources des associations à côté des subventions, des dons et des prêts bancaires.
Le premier des trois principaux mécanismes est l'épargne de partage, fondée sur le partage des intérêts d'un produit entre un particulier et une association. Elle occupe une place modeste puisqu'à la fin de l'année 2013, les dons ainsi distribués s'élèvent à 6 millions d'euros. Le deuxième mécanisme recouvre les outils de dette, du micro-crédit aux prêts participatifs. Le troisième, qui ne concerne que les plus grosses associations, repose sur des investissements directs de sociétés de gestion à travers des billets à ordre ou des obligations associatives.
La problématique fondamentale des associations est la faiblesse de leurs fonds propres. Toutefois, certaines ont contourné cette difficulté en créant un outil de financement au service de leur projet associatif. En ce domaine, Habitat et humanisme est un précurseur : elle a mis en place une foncière, société en commandite par actions, qui lui permet d'ouvrir son capital aux particuliers et aux investisseurs institutionnels en procédant à des augmentations une à deux fois par an. Ce capital, qui atteint aujourd'hui 100 millions d'euros, est pour plus de la moitié aux mains de particuliers. Je citerai, sur le même modèle, Terre de liens, dont les 40 millions d'euros de capital sont détenus par des particuliers.