Vous m'avez interrogé sur le décalage entre les accords et la pratique. En théorie, dans un hôpital, on ne peut pas enchaîner un poste de l'après-midi, qui se termine à vingt et une heures et un poste du matin, qui commence à six heures, puisque la période minimum de repos est fixée à douze heures dans la fonction publique et à onze dans le secteur privé. Cependant, le personnel, souvent féminin, est amené à enchaîner ces postes, soit à sa demande, pour allonger les week-ends, soit pour remplacer les absences inopinées. Les pratiques relèvent d'une négociation permanente, qui ignore en partie les règles écrites.
Dans une activité de service administratif, qui prévoit des plages fixes et des plages variables relativement contraignantes, j'ai vu des cadres badger comme s'ils sortaient et retourner aussitôt travailler. Malheureusement, quand on formalise un accord dans le cadre d'une renégociation, on ne peut faire état des pratiques illégales.
Je n'ai pas voulu établir un lien direct entre la RTT et telle ou telle conséquence néfaste sur la santé. Celle-ci dépend d'un contexte qui se caractérise également par la pression sur les objectifs et la diminution des temps hors activité productive. Il est bon cependant de reposer la question du temps de travail à partir de la prise en compte de la santé.
Sur le plan économique, les 35 heures ne représentent qu'un paramètre : il s'agit du seuil à partir duquel on calcule les heures supplémentaires. Leur effet est très différent selon que l'entreprise est ou non en croissance. À activité constante, elles contribuent à diminuer la rémunération des salariés ; si l'entreprise est en développement, ceux-ci peuvent espérer maintenir leur salaire en travaillant davantage. Reste à savoir ce que deviennent ces hypothèses quand on passe au plan macroéconomique.
Quant à la difficulté de maîtriser l'organisation du temps de travail – notamment sa complexité et sa diversification –, elle serait la même, que la durée légale du travail soit fixée à 35, à 37 ou à 39 heures.