Intervention de Anna Forte

Réunion du 19 février 2014 à 17h45
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Anna Forte, présidente du comité transport de la FCD :

Mon métier et mon mandat à la FCD me conduisent à être en constante relation avec les transporteurs aussi bien qu'avec les chargeurs. Nous ne pouvons accepter l'écotaxe en l'état parce que le principe de répercussion forfaitaire en pied de facture est incompréhensible pour nous, et ne nous permet pas d'optimiser.

Penser que le dispositif tel qu'il a été conçu va nous encourager à adopter des comportements vertueux est une erreur. Nous sommes des logisticiens, et nous n'avons pas attendu l'écotaxe pour chercher à optimiser les flux : tous les jours, nous y travaillons ! C'est le seul moyen dont nous disposons pour diminuer nos coûts de transport. Il est également important de rappeler que nos bases logistiques sont situées au plus près de nos magasins. Il va de soi que nous procédons à de savants calculs pour trouver le juste rapport entre le coût et l'efficacité.

Comme l'a dit notre délégué général, la FCD n'a jamais été contre l'écotaxe : nous sommes tous d'accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment celles qui sont générées par les transports. Mais elle est si compliquée à comprendre que le dossier en est devenu inextricable. Les transporteurs ayant eux-mêmes du mal à comprendre combien cela va coûter, vous imaginez à quelles difficultés ils se seraient heurtés pour nous la répercuter. Le législateur a donc souhaité la simplifier avec un forfait. Le problème est que celui-ci ne correspond pas du tout à la réalité. Il ne permettra donc pas d'optimiser nos transports, bien au contraire.

Prenons en exemple un prix de transport à 250 euros. Avec l'application en pied de facture du forfait inter-régions de 5,2 %, le chargeur paiera 13 euros ; si le véhicule concerné est un camion quatre essieux de type Euro 4 – ce qui correspond à la classe moyenne des camions circulant en France –, il devrait lui en coûter 15,4 centimes du kilomètre. Toutefois, si le transporteur utilise les autoroutes concédées, qui ne sont pas soumises à l'écotaxe, il ne lui en coûtera pas un centime de plus ; a contrario, si le transporteur circule dans une zone entièrement « écotaxée », il aura à payer 250 kilomètres fois 15,4 centimes, soit 38 euros. Dans le premier cas, le transporteur gagne 13 euros, dans le second, il en perd 25.

On pourrait penser que les chargeurs compenseront les pertes enregistrées d'un côté par les gains réalisés de l'autre. En pratique, cela va dépendre de la localisation de leurs entrepôts et de leurs magasins. Si les chargeurs ne peuvent compenser, comment feront les transporteurs ? Le chargeur estimera, en effet, qu'il n'y a pas de raison qu'il se voie appliquer le forfait si le transporteur a utilisé l'autoroute et n'a donc pas été « écotaxé ». Pourtant, il devra payer les 13 euros. En toute logique, il pensera donc qu'il n'y a pas lieu de donner davantage au transporteur qui a emprunté le réseau soumis à l'écotaxe. Ce dernier n'aura donc que deux solutions : refuser de travailler avec ce chargeur ou accepter les termes de la négociation, quitte à finir par déposer le bilan.

Si un chargeur peut compenser ses pertes et ses profits à l'intérieur de ses coûts, les transporteurs ne peuvent pas le faire entre eux. Tout le problème est là. On a voulu simplifier l'écotaxe à outrance avec ce forfait, et force est de constater que c'est l'inverse qui se produit. Si nous voulons poursuivre dans la voie de l'écotaxe, il faut qu'elle soit simplifiée, afin que les transporteurs puissent comprendre comment elle fonctionne, puis l'expliquer aux chargeurs. En outre, il est fondamental de laisser les professionnels régler cela entre eux. Pour des raisons d'efficacité, la plupart de nos flux sont gérés par des contrats au minimum annuels avec des transporteurs réguliers. Laissons les professionnels faire leur métier !

Vous comprenez donc pourquoi nous ne pouvons accepter l'écotaxe en l'état, et pourquoi nous avions imaginé que la TICPE serait plus juste pour les chargeurs comme pour les transporteurs qui auront à collecter la taxe.

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