Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du 11 septembre 2014 à 10h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, FCD :

Notre secteur est souvent mentionné comme l'un des principaux bénéficiaires du CICE. Il compte 750 000 salariés, dont un peu plus de 600 000 au titre de la convention collective principale. Nous sommes le premier recruteur de jeunes peu qualifiés, et souvent le premier employeur privé sur un territoire donné : nous avons longtemps joué un rôle de stabilisateur social, car nos effectifs ne diminuaient pas ; c'est seulement à partir de 2010 que, pour la première fois, nous avons perdu des emplois.

Notre modèle économique est en plein bouleversement : l'hypermarché hors centre-ville, avec des délais de paiement élevés et une trésorerie abondante, c'est fini. La croissance a disparu aussi, puisque nous connaissons depuis quatre ans une diminution du pouvoir d'achat. Dans ce contexte, la baisse du coût du travail est essentielle pour nous : elle compense les hausses connues les années précédentes – ainsi, l'annualisation du mécanisme d'allègement de charges a représenté pour notre secteur un surcoût de l'ordre de 400 millions d'euros.

Le CICE va donc dans le bon sens. Il ne compense qu'une partie des augmentations de charges, surtout pour un secteur comme le nôtre, où la main-d'oeuvre est très importante. Mais nous en voyons les premiers effets : des résultats très provisoires pour 2013 – qu'il faut donc utiliser avec grande prudence – montrent une inversion de la courbe de l'emploi. Au total, plusieurs milliers d'emplois ont sans doute été créés, de l'ordre de 5 000, alors que 10 000 à 15 000 disparaissaient auparavant chaque année. C'est une évolution notable, à mettre en rapport avec le CICE, d'autant plus que, pendant le même temps, la conjoncture s'est aggravée.

Le CICE a d'abord été utilisé pour développer l'emploi : ainsi, Carrefour a fortement augmenté le nombre d'emplois dans ses hypermarchés. Il a ensuite servi à investir. Dans cette conjoncture très difficile, il faut s'adapter, réaménager les magasins, et en créer de nouveaux – ainsi, les réseaux de proximité sont en plein développement, tout comme les drive. Or, pour Auchan, par exemple, un drive représente environ trente emplois, ce qui n'est pas négligeable. Tout cela, ce sont des investissements lourds, et certaines entreprises ont augmenté leurs investissements globaux de plus de moitié. Il faut en outre penser aux restructurations et aux rachats.

Le CICE a encore servi à renforcer la formation et l'intéressement du personnel. Chez Carrefour, par exemple, les heures de formation ont connu une forte augmentation.

Enfin, le CICE a permis de maintenir l'activité : la consommation a pu demeurer stable grâce aux investissements des enseignes. C'est important pour nous, bien sûr, mais aussi pour toute l'activité en amont – les industries agro-alimentaires, l'agriculture, par exemple, ont pu maintenir leur activité. En revanche, en Allemagne, au Royaume-Uni, la consommation alimentaire s'effondre.

Je voudrais, pour terminer, vous faire part d'une inquiétude, liée plus au pacte de responsabilité et de solidarité qu'au CICE. Le Gouvernement a pris des décisions favorables, mais ce mouvement doit se poursuivre. Or un amendement au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale modifie le mode de calcul des allègements de charges sur les bas salaires : cela revient à annuler presque entièrement les nouveaux allègements prévus par le pacte. C'est une très mauvaise nouvelle, car c'est un retour en arrière. Pour investir, les entreprises ont besoin de visibilité. Si elles doutent de la pérennité des dispositifs mis en place par le Gouvernement, les investissements s'en ressentiront.

Notre secteur joue un rôle social majeur : si nous ne recrutons pas des jeunes peu qualifiés, qui le fera ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion