Je partage l'indignation de M. Marsaud, même si à aucun moment je n'ai comparé l'Afghanistan à un second canton de Genève. Toutefois, ce traité de coopération est un geste d'amitié qui participe de la sécurité internationale. Il est vrai que la mission initiale de nos troupes, sous l'égide de l'ONU, s'est peu à peu muée en une mission différente que l'opposition de l'époque avait d'ailleurs refusée. Aujourd'hui, en dépit des nombreux obstacles que constituent la corruption des élites afghanes, la culture et le trafic de l'opium et la présence persistante des talibans, la France, par ce traité d'amitié, témoigne de son engagement moral envers l'Afghanistan. Le contexte difficile auquel se heurtera son application ne justifie pas que l'on refuse sa ratification : l'éthique républicaine nous oblige à contribuer au développement de ce pays tourmenté, particulièrement à l'amélioration de la condition de la femme.
C'est au nom de cette éthique républicaine que l'on ne saurait prétendre que nos soldats ne sont pas morts pour la France, mais pour l'ONU ou d'autres. Non, nos soldats sont bien morts pour la France dès lors que le Président de la République, chef des armées, a pris la responsabilité de les engager sur le théâtre afghan même si ce choix politique était difficilement acceptable pour l'opposition que nous étions à l'époque.
M. Janquin a rappelé l'embarras de M. Juppé sur cette question : celui-ci, pourtant signataire avec M. Védrine d'une tribune dans Le Monde qui a fait date, a néanmoins endossé loyalement les choix de M. Sarkozy sans pouvoir justifier cet écart de vues. Je constate que c'est aujourd'hui à M. Védrine que l'on fait appel pour analyser la place de la France dans l'OTAN…
En somme, j'approuve les réserves manifestées par la plupart des orateurs. Encore une fois, ce traité est une manifestation de la morale républicaine et un élément important de l'image de la France dans le monde. Les commissaires ici présents le savent : il existe aujourd'hui une soif de France sur tous les continents, alors même que notre outil diplomatique est appauvri. Ce traité est l'occasion d'y répondre en portant haut les valeurs de la République. Il est une nécessité morale qui ne doit pas nous dispenser d'une grande prudence dans son application, comme cela est déjà prévu : la mise en oeuvre des différents projets de coopération sera étroitement et régulièrement suivie par le Gouvernement et par le Parlement, lequel examinera chaque année des crédits engagés à cet effet dans la loi de finances. Chacun sait que le risque d'échec est réel, mais la France ne saurait se retirer d'Afghanistan en catimini alors qu'elle a déjà consenti d'immenses sacrifices. Ce traité est un geste d'amitié à l'égard de l'Afghanistan et aussi un engagement à l'égard de la communauté internationale.