Intervention de Guy-Michel Chauveau

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy-Michel Chauveau, rapporteur :

Le projet de loi dont nous sommes saisis autorise l'approbation d'un amendement, adopté le 8 juillet 2005, à la convention sur la protection physique des matières nucléaires, elle-même adoptée en octobre 1979 et entrée en vigueur en 1991 pour la France.

Avant de présenter l'amendement, je crois utile de rappeler les grandes lignes de cette convention. La protection physique des matières nucléaires désigne l'ensemble des mesures juridiques, administratives et techniques, notamment les barrières de nature physique, instaurées pour mettre des matières fissiles, définies à l'article 1er et susceptibles d'entrer dans la fabrication d'une arme nucléaire, à l'abri d'actes de malveillance et de toute forme d'utilisation illégale. La convention établit plusieurs niveaux de protection applicables lors des opérations de transport international, les matières en cours d'utilisation, de stockage ou de transport sur le territoire national n'étant pas concernées.

La convention de 1979 comporte, par ailleurs, une liste d'infractions à transposer en droit interne, notamment le vol des matières nucléaires, leur détention et utilisation sans habilitation s'il peut en résulter des dommages importants, ainsi que la menace de les utiliser dans le but de causer la mort, d'infliger des blessures graves ou de causer des dommages substantiels.

La convention instaure également une coopération dans divers domaines – des échanges de renseignements en cas d'infraction, une aide mutuelle pour récupérer des matières disparues, ainsi que des consultations sur la conception des systèmes nationaux de protection.

Une première conférence d'examen, réunie en 1992 pour évaluer l'application et la pertinence de ces stipulations, n'avait certes pas conclu à la nécessité d'apporter des modifications, mais le contexte a considérablement changé depuis cette date.

La première des préoccupations nouvelles auxquelles répond l'amendement est ainsi le développement du trafic illicite des matières radioactives. Une partie des 2 000 cas signalés concerne des matières utilisées en médecine ou dans l'industrie, posant surtout des problèmes en termes de santé publique. D'autres cas impliquent, en revanche, des échantillons de matières à usage militaire ou de qualité militaire, exposant à des risques sérieux en matière de prolifération.

Les craintes liées au terrorisme nucléaire ont également pris une importance croissante depuis le 11 septembre 2001. Dans ce domaine, le risque principal n'est pas tant l'acquisition ou la fabrication d'une arme nucléaire par des groupes terroristes que l'utilisation de bombes diffusant des matières radioactives.

C'est dans ce contexte que l'amendement de 2005 a été adopté et c'est au regard de ces risques qu'il faut en apprécier la portée.

Tout d'abord, l'amendement étend le champ d'application de la convention aux matières nucléaires en cours de stockage, d'utilisation ou de transport au plan national. Les applications militaires demeurent, toutefois, exclues.

Les normes de protection sont également renforcées par l'incorporation de douze « principes fondamentaux », issus d'un important travail réalisé dans le cadre de l'AIEA. La portée de ces principes n'est pas contraignante, car les Etats s'engagent à les appliquer autant que possible, mais ils serviront clairement de référence au plan international, ce qui devrait aider à renforcer les régimes nationaux de protection physique.

Enfin, la coopération est étendue par diverses mesures que je présente dans mon rapport, notamment en matière d'extradition.

Sur tous ces points, l'amendement contribue à répondre aux préoccupations de la communauté internationale dans le domaine de la sécurité nucléaire et il constitue un progrès utile par rapport à la convention initiale. Il est vrai qu'il ne devrait pas avoir de conséquences juridiques sur notre droit, car ses exigences nouvelles sont déjà satisfaites si l'on en croit l'étude d'impact, mais on peut tout de même en espérer des conséquences positives dans d'autres pays dont le cadre législatif et réglementaire serait moins développé que le nôtre.

Malgré ces aspects indéniablement positifs, qu'il faut saluer, mon sentiment reste mitigé. Tout d'abord, seules les matières « nucléaires » sont concernées, et non les matières radioactives. Or, ces dernières peuvent être utilisées pour fabriquer des bombes dites « sales ». Il me paraît d'autant plus regrettable de ne pas avoir inclus ces matières qu'elles sont visées par une autre convention, relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire, également adoptée en 2005.

De plus, aucun moyen n'est prévu pour vérifier l'application de la convention telle qu'elle est amendée. Il était sans doute nécessaire de ménager la souveraineté des Etats, très susceptible dans ce domaine, mais il faut également rappeler que des régimes relativement intrusifs de contrôle ont été adoptés sur d'autres sujets très proches et très sensibles, tels que la non-prolifération des armes nucléaires et la sûreté.

Enfin, seul un nombre limité des parties à la convention de 1979 ont ratifié l'amendement – 56 Etats sur 145, soit beaucoup moins que le seuil des deux tiers prévu pour son entrée en vigueur.

Si importantes qu'elles soient, ces réserves ne justifient pas, à mes yeux, un rejet du projet de loi dont nous sommes saisis. En effet, tout progrès est bon à prendre en matière de sécurité nucléaire, et cet amendement va dans le bon sens. Son approbation enverra, en outre, un signal politique vertueux qui encouragera nos partenaires à nous suivre sur cette voie et soutiendra les efforts, très nombreux, déployés par l'AIEA pour améliorer la sécurité nucléaire au plan international, que ce soit par l'élaboration de recommandations pour l'établissement des régimes nationaux de protection physique, par des offres de formations pratiques, par la sécurisation de sources radioactives dans certains Etats ou encore par la mise à disposition de services d'évaluation sur la base du volontariat – la France a fait l'objet d'une telle évaluation au deuxième semestre de l'année dernière.

Dans la mesure où la convention de 1979 reste, aujourd'hui encore, le seul instrument juridique contraignant en matière de sécurité nucléaire, cet amendement qui la renforce présente une importance singulière, malgré ses lacunes. J'invite donc la commission à adopter le projet de loi.

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