Il n'est pas courant que la commission de la Défense se saisisse pour avis d'un projet de loi de finances rectificative – elle ne l'avait d'ailleurs pas fait depuis 2010. Notre présidente a souhaité cette saisine sur l'article 5 et l'état B annexé afin de vérifier que l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), que nous avons adoptée au mois de juillet dernier, est bien traduite dans le PLFR, mais aussi afin de mesurer les effets sur le budget du ministère de la Défense de l'intensification des opérations extérieures (OPEX) et des opérations intérieures (OPINT), à laquelle sont confrontées nos forces du fait de l'instabilité de la situation internationale.
Comme la présidente l'a rappelé, nous avons effectué en 2015 plusieurs contrôles sur pièces et sur place : au mois d'avril, à la DGA et à l'Agence des participations de l'État (APE), car on évoquait alors la possible création de sociétés de projet pour résoudre les difficultés budgétaires du ministère ; au mois de juillet, nous nous sommes rendus au ministère des Finances ; enfin, la semaine passée, nous sommes retournés à la DGA pour vérifier l'exécution en fin d'année du programme 146, principal poste de dépenses du ministère hors titre 2, puisque consacré aux crédits d'équipement.
Dans mon rapport pour avis sur le programme 146, j'avais exprimé quelques doutes sur la pleine exécution du budget pour 2015, s'agissant particulièrement des ressources exceptionnelles prévues pour un montant de 2,1 milliards d'euros. Cette hypothèse a finalement été abandonnée par le président de la République au profit de crédits budgétaires supplémentaires, inscrits au PLFR pour un montant de 2,144 milliards d'euros. Cette somme est augmentée de 57 millions d'euros résultant de l'indemnité versée à la Russie au titre de l'annulation de la vente des bâtiments de projection et de commandement (BPC). La DGA a dû rembourser à la Russie 949 millions d'euros avant d'être indemnisée de 892 millions par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) ; le PLFR apporte les 57 millions manquants, et c'est pourquoi un total de 2,201 milliards d'euros supplémentaires y est inscrit. Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 traduit donc bien l'actualisation de la programmation militaire.
Notre seconde inquiétude portait sur le surcoût des opérations extérieures et des opérations intérieures, notamment du fait de l'opération Sentinelle.
En ce qui concerne les OPEX, on estime qu'un montant de 1,106 milliard d'euros sera inscrit – en quasi-stabilité par rapport à 2014, où il s'élevait à 1,118 milliard d'euros, soit 12 millions d'euros de moins. Afin d'obtenir le surcoût complet des OPEX, il est également nécessaire d'ajouter au 1,106 milliard d'euros de dépenses une perte de recettes évaluée à 7,9 millions d'euros. Il s'agit de recettes que le service de santé des armées (SSA) aurait dû tirer de son activité courante en France, mais qui n'ont pu être réalisées du fait du haut degré d'engagement de ce service en OPEX. Je rappelle que, dans le budget pour 2015, figuraient en dotation budgétaire les fameux 450 millions d'euros inscrits chaque année sur la durée de l'exécution de la LPM. À cela viennent s'ajouter 39,4 millions d'euros de remboursements provenant de divers organismes et pays au bénéfice desquels nous intervenons au titre de formations ou en opérations. Restaient donc à trouver 625,3 millions d'euros, au sujet desquels mon projet de rapport appelait à la vigilance car le décret d'avance n'avait pas été pris ; or, ce matin, la commission des Finances a donné un avis favorable au décret d'avance en question, qui porte sur les 625,3 millions d'euros de différence entre ce qui était inscrit au budget, soit 450 millions d'euros plus les 39,4 millions d'euros de remboursements, et la totalité des dépenses et les moindres recettes, soit 1,114 milliard d'euros environ.
Quant au financement des OPINT, et donc de nos soldats engagés dans l'opération Sentinelle, sa charge représentera, à la fin de l'année, 170,6 millions d'euros pour le ministère de la Défense, dont 51,6 millions d'euros de dépenses de personnel et 119 millions d'euros d'autres dépenses, principalement d'équipement et d'entretien programmé des matériels. Ces 170,6 millions d'euros sont, eux aussi, inscrits dans le décret d'avance pris ce matin et sur lequel la commission des Finances a émis un avis favorable.
Le décret d'avance prend en compte des dépenses budgétaires supplémentaires auxquelles participent les deux ministères concernés. Dans ce contexte, la participation du ministère de la Défense s'élève à 200 millions d'euros, dont 180 millions d'euros au titre du décret d'avance et 20 millions d'euros au titre du PLFR pour 2015. On pourrait donc considérer que le budget de la Défense a « perdu » 200 millions d'euros, mais le ministre a obtenu que son ministère récupère 187 millions d'euros au titre du surcroît de trésorerie de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAr) ; sur ces 187 millions d'euros, 170 millions d'euros sont affectés au programme 146 « Équipement des forces » et 17 millions d'euros au programme 178 « Préparation et emploi des forces ».
La présentation de ce PLFR laisse apparaître une baisse du budget de la Défense de 13 millions d'euros seulement, à rapporter à un montant total de plusieurs dizaines de milliards d'euros : je considère donc que c'est un bon projet de loi de finances rectificative, et je vous recommande, mes chers collègues, d'émettre un avis favorable.
S'agissant du titre 2, qui recouvre les dépenses de personnel, une dépense supplémentaire de 339 millions d'euros environ est constatée, dont plus de la moitié au titre des OPEX et OPINT, les 145 millions d'euros restants étant liés à la modération de la baisse des dépenses voulue par le président de la République dans le cadre de l'actualisation de la programmation militaire, ainsi qu'au reliquat des mécomptes occasionnés par le logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), qui devrait atteindre 50 millions d'euros – pour l'essentiel, des indus ou des trop-perçus, très difficiles à récupérer. Ces 145 millions d'euros seront financés par redéploiement au sein du budget de la Défense, ce qui entraînera une perte de 94 millions d'euros pour les programmes 146 « Équipement des forces » et 178 « Préparation et emploi des forces », et de 51 millions d'euros pour le programme 212 « Soutien de la politique de défense ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 et de l'état B annexé, sans modification.