Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 5 février 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Monsieur le commissaire, nous sommes très heureux de vous accueillir pour la première fois au sein de notre commission et nous vous remercions vivement d'avoir accepté de venir jusqu'à nous pour que nous puissions évoquer ensemble l'avenir de l'Europe sociale.

Il y a malheureusement fort à faire… mais vous en avez pleinement conscience, vous qui n'avez de cesse, depuis le début de votre mandat, de faire en sorte que la dimension sociale de l'Europe soit traitée de manière au moins aussi importante, dans un contexte de crise particulièrement difficile, que sa dimension économique.

Je salue tout particulièrement votre engagement personnel à cet égard, au sein de la Commission comme vis-à-vis du Conseil et des États membres.

Nous avons notamment apprécié – et nous vous soutenons – les mises au point que vous avez faites il y a quelques jours, dans le contexte de l'ouverture du marché de l'emploi européen aux travailleurs bulgares et roumains, pour contrer les rhétoriques d'inspiration populiste qui ont fleuri, y compris de la part de certains gouvernements de l'Union. Vous avez notamment souligné que « les travailleurs originaires de l'Est viennent en complément des travailleurs locaux et ont tendance à ne pas prendre l'emploi des travailleurs du pays d'accueil » et qu'ils constituent par ailleurs « des contributeurs nets des systèmes sociaux des pays hôtes ».

L'actualité est particulièrement dense sur les sujets qui nous rassemblent aujourd'hui. Ainsi, le rapport 2013 sur l'évolution de l'emploi et de la situation sociale en Europe, que vous avez présenté le 21 janvier au nom de la Commission, montre qu'un quart des Européens fait face au risque d'être pauvre ou exclu socialement, que le chômage de longue durée est en hausse continue et que le nombre des emplois précaires a encore augmenté.

Vous avez souligné en présentant ce rapport que « même si le chômage se réduit progressivement, comme c'est prévu aujourd'hui, ceci peut ne pas être suffisant pour renverser l'augmentation de la pauvreté, surtout si la polarisation des salaires se poursuit, notamment en raison d'une augmentation du travail à temps partiel ».

Le président Barroso lui-même, dans la préface du rapport de l'Observatoire du dialogue et de l'intelligence sociale (ODIS) sur l'état social de l'Europe, publié la semaine dernière, considère que « chacun perçoit que le risque de dislocation du lien social pourrait menacer la pérennité même du projet européen ». L'ODIS préconise dans son rapport le lancement par la Commission d'un nouveau dialogue public, les « États généraux de l'Europe ».

Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins, avec le devoir de renouer avec la croissance et l'emploi non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen, ce qui dépendra de notre capacité de réorienter l'Europe vers l'emploi et la solidarité et de sortir des paradigmes actuels, largement influencés par la doctrine libérale et le primat de l'économie.

Je ne doute pas que les questions de mes collègues ici présents seront nombreuses.

Je voudrais, quant à moi, vous interroger sur un certain nombre de sujets qui me tiennent particulièrement à coeur.

Je commencerai par la dimension sociale de l'Union économique et monétaire (UEM), qui a été abordée à plusieurs reprises lors de la réunion de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière qui s'est tenue du 20 au 22 janvier derniers à Bruxelles. Les échanges fructueux que nous avons eus avec vous à cette occasion ont montré que la majorité des parlementaires souhaitaient une plus grande prise en compte de cette dimension de l'UEM. Cela suppose qu'elle soit présente tout au long du semestre européen, et pas seulement lors de l'examen annuel de croissance. La Commission européenne et le Conseil devraient utiliser le tableau de bord social non pas seulement comme un simple instrument de constat, mais comme un outil de définition des orientations des politiques économiques dans leur dimension sociale. Les recommandations par pays devraient également accorder une plus grande place au volet social des politiques économiques.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le commissaire, pour qu'il soit davantage tenu compte de la dimension sociale de l'UEM dans le semestre européen ?

Nous avons par ailleurs été nombreux, lors de la Conférence, à demander que le tableau de bord des indicateurs sociaux et d'emploi soit complété. Vous en avez reconnu l'utilité. Les propositions du rapporteur Sergio Gutiérrez Pietro d'inclure un indicateur relatif au niveau de pauvreté des enfants, un indice du travail décent et un indice de salaire vital européen sont intéressantes. Je suggère, pour ma part, que soit pris en compte un indicateur comme le coefficient de Gini qui, au-delà de l'indice retenu par la Commission européenne, permet d'appréhender de manière plus complète l'inégalité des revenus, et pas seulement par le biais des extrêmes. Que pensez-vous de cette proposition et comment entendez-vous compléter le tableau de bord social ?

Je pense en outre que ces indicateurs doivent revêtir un caractère contraignant et que la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et des déficits publics excessifs doit être complétée par une véritable surveillance des déséquilibres sociaux. Comment vous semble-t-il préférable de procéder en la matière ?

Pensez-vous que la révision de la directive sur le détachement des travailleurs pourra aboutir rapidement, suite à l'accord partiel obtenu le mois dernier au Conseil ? Ici l'inquiétude est vive à ce sujet, ce qui explique qu'un grand nombre de nos collègues ont déposé une proposition de loi nationale visant à lutter contre la concurrence déloyale, que nous avons adoptée hier, ici même, à l'unanimité. D'autres pays se préoccupent de ce sujet. Si nous ne voulons pas que les populismes s'emparent de cette directive, les choses doivent être clarifiées d'ici quelques semaines.

Notre commission a également confié à notre collègue Philip Cordery une mission sur l'emploi des jeunes, question qui nous préoccupe autant que vous, monsieur le commissaire. Avez-vous un retour de la part de vos services sur la mise en oeuvre de l'initiative « Garantie pour la jeunesse » ? Nous souhaitons voir se développer la mobilité des jeunes en Europe, sur le plan de l'emploi et sur le plan culturel par le biais des formations avec Erasmus et Erasmus Plus.

Qu'en est-il du salaire minimum au niveau européen ? Le fait que le débat soit lancé en Allemagne est-il, selon vous, de nature à permettre que l'idée avance au plan européen, non pas d'une façon transversale mais au sein de chaque État ? Que pensez-vous de l'initiative citoyenne pour le revenu de base universel ?

Quelles sont les initiatives européennes en cours sur la responsabilité sociale des entreprises, autre sujet important ? La directive « travailleurs » va faire bouger les choses dans le secteur du BTP en engageant la responsabilité des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants, mais qu'en est-il pour le secteur agroalimentaire et les transports ?

Enfin, les parlementaires européens ont exprimé le souhait d'élaborer une stratégie européenne contre la multiplication du nombre de sans-abri. Je crois savoir que la Commission n'a pas vu leur requête d'un très bon oeil. Pour quelles raisons ?

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