Intervention de Gilles Savary

Réunion du 5 février 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Je salue la lucidité de votre analyse, monsieur le commissaire, quand, à Bruxelles, souvent, les préjugés et l'idéologie empêchent de voir certains problèmes. Vous posez un bon diagnostic, même s'il est difficile à entendre.

La relance de l'emploi procède davantage de la politique économique que de politiques sociales palliatives même si ces dernières ne sont pas superflues. On sait qu'un sparadrap ne soigne pas les plaies…

Malheureusement, l'équation économique est compliquée. Il y a trente ans, la conviction qu'une plus grande ouverture du marché aboutirait mécaniquement à une convergence des économies et des niveaux de vie était partagée par tous. Or, aujourd'hui, chacun fait le constat de la divergence.

Avec la monnaie unique, la dévaluation interne a remplacé la dévaluation monétaire et la baisse du pouvoir d'achat a cédé la place à une austérité graduelle selon le retard de compétitivité sur le pays le plus performant. Nous ne pouvons que constater notre déclin économique et notre baisse de pouvoir d'achat. Mais, alors que la dépréciation monétaire produit des effets immédiats, la dévaluation interne nécessite des réformes dont les effets sont plus longs à se faire sentir.

Phénomène nouveau, la mobilité du travail s'est considérablement accrue. Le monde libéral se caractérisait jusqu'à présent par une vélocité du capital et une viscosité du travail. Or, sous l'effet de la crise, les élites quittent les pays les plus touchés sans que leur destination soit nécessairement européenne. Ce phénomène préoccupant, qui reste à mesurer, commence à toucher la France. Parallèlement, pour les ouvriers, le travail low cost est devenu un facteur de compétition.

Il serait utile que l'Europe, au nom de la subsidiarité, s'intéresse à cette question et mette en place des outils pour éviter la guerre civile du travail en Europe. On assiste en effet à un jeu délétère « perdant-gagnant » au cours duquel les faibles rémunérations des uns détruisent le niveau social des autres. Ce phénomène est mortifère pour les pro-européens que nous sommes. Vous ne pouvez pas demander à un ouvrier de se suicider pour les beaux yeux de l'Europe sous prétexte que des traders d'un nouveau genre se livrent à un commerce de main-d'oeuvre qui sape l'économie, l'emploi et la vie des ménages. L'Europe serait fondée à mettre en place une agence de contrôle du travail mobile.

La directive relative au détachement des travailleurs serait efficace si les bureaux de liaison fonctionnaient. Or, cela ne peut pas être le cas car la qualité des administrations est inégale et certains pays ont intérêt, en temps de crise, à ce que leur main-d'oeuvre aille chercher des revenus ailleurs.

L'Europe devrait se saisir de ce sujet. La subsidiarité ne doit pas toujours être synonyme de repli national. Au contraire, elle a vocation à s'appliquer lorsque les États membres n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre les politiques et les contrôles nécessaires. Sur le détachement, une initiative plus forte que la simple révision de la directive s'impose.

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