Je ne sais pas qui dévoie la procédure parlementaire et les prérogatives d'enquête et de mission que la Constitution et le Règlement de l'Assemblée nationale nous accordent, mais la proposition de création de cette commission d'enquête était mue par une scandaleuse vision politicienne. J'ai voté pour qu'elle se constitue, mais l'utilisation du terme d'« exil » s'avère inappropriée voire obscène pour quelqu'un comme moi qui ai vécu longtemps sous la protection des Nations unies avec le statut de réfugié politique.
Madame Rohfritsch, vous parlez d'un phénomène de masse, mais comment faudrait-il qualifier la situation en Espagne, au Portugal, au Royaume-Uni ou même en Allemagne ? D'une saignée ? La France n'est pas un pays d'émigration, mais cela ne doit pas nous conduire à considérer tout départ comme un échec que nous « subirions » ou dont nous « souffririons », selon vos termes. Au contraire, je crois que la mobilité accrue d'une partie de notre population et de nos élites constitue une chance pour la France, car elle lui permet de s'inscrire dans ce phénomène désormais ancien qu'est la mondialisation.
Nous regrettions au début de la mission de ne pas disposer de suffisamment de données d'enquête et nous pouvons maintenir ce constat après les auditions. On discute de manière idéologique et démagogique sans éléments statistiques robustes ni enquêtes de chercheurs ; pensons que nous n'avons même pas entendu les responsables du programme eDiasporas qui travaillent sur la connectivité des communautés françaises à l'étranger !
Notre devoir réside dans l'objectivité, dans la distance et dans la nécessité de mener une analyse sur le temps long, car tout n'a pas commencé en 2012. Les auditions les plus denses ont montré qu'une mutation du profil des expatriés s'opère depuis une dizaine d'années – certains ont parlé de « génération Erasmus » –, la France suivant désormais le rythme de l'évolution du monde.
J'ai ressenti un malaise tout au long des travaux de la commission, à mesure que j'entendais que tout départ à l'étranger traduisait un échec de notre pays ; cela ne reflète pas la réalité que les parlementaires représentant les Français de l'étranger vivent. Les expatriés considèrent leur départ comme une richesse engendrée par leur curiosité et leur envie de découverte, et ils ne nourrissent aucune animosité à l'égard de la France.
Mme Rohfritsch illustre bien notre incapacité à concevoir la mobilité comme un atout. Il suffit d'interroger les personnels détachés de l'éducation nationale qui ont travaillé à l'étranger sur le sort peu enviable qui leur est réservé lorsqu'ils reviennent en France. Nous envisageons difficilement l'ouverture à laquelle le monde nous contraint aujourd'hui. Or vivre à l'étranger pendant quatre, cinq ou six ans ne constitue ni une fuite, ni un exil, mais une étape dans un parcours professionnel, universitaire ou personnel.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir rétabli quelque objectivité dans votre rapport dont je soutiens l'adoption. Il y manque tout de même des éléments quantitatifs et qualitatifs sur la population des expatriés français.